Tunisie : Expédition scientifique dans les Iles Cani, un coin de paradis à Bizerte (Reportage)

18-05-2022

La Tunisie compte pas moins de 60 îles et îlots répartis tout au long de la côte. Si certaines sont largement connus car peuplés, comme Djerba ou les Iles Kerkennah, d’autres sont plus sauvages avec un paysage à couper le souffle.

C’est le cas des Iles Cani, situées à une dizaine de kilomètres de la ville de Cap Zbib dans le gouvernorat de Bizerte , dans le nord du pays. Gnetnews a eu l’exclusivité de participer à une expédition scientifique menée par l’association Méditerranée Action Nature (MAN) à l’occasion des journées mondiales des îles (Celebrate Islands), en ce mois de mai 2022. Reportage.

Un peu d’histoire…

Les Iles Cani sont deux petites îles calcaires, la Grande et la Petite Cani, de dimensions inégales et situées à environ une dizaine de kilomètres au large du cap Zebib, au nord de la Tunisie. Vide d’habitants, elle est aujourd’hui une zone sous contrôle de l’armée tunisienne.

Phare des Iles Cani

Les Iles Cani ont une histoire. En effet, a la suite du naufrage du HMS Spartan transportant 726 soldats, le 5 juillet 1856, le gouvernement britannique demande au Bey de Tunis l’autorisation d’y construire un phare. Sadok Bey en donne l’autorisation et finance lui-même le bâtiment haut de 18 mètres. Il fait venir de Sicile deux gardiens pour allumer quotidiennement ce phare entre 1860 et 1870 : Joseph Alacchi et Rosa Taranto. Celui-ci est le deuxième construit en Tunisie après celui de Sidi Bou Saïd que le couple Alacchi allumera après son transfert depuis Cani.

Aujourd’hui, ce phare s’allume toujours grâce à la présence d’un corps militaire sur place en permanence.

Une biodiversité à préserver

C’est à bord du bateau « Bichi », commandé par Khaled Ben Amara que nous prenons le large en direction des Îles Cani depuis le port de Zarzouna à Bizerte. Il faut compter environ 1h40 de trajet pour atteindre l’un des derniers paradis insulaires de la Tunisie.

Pour accompagner cette expédition organisée par l’association Méditerranée Action Nature (MAN), plusieurs scientifiques sur la biodiversité marine, végétale et animale, ainsi que des étudiants de la section halieutique de l’INAT (Institut national agronomique de Tunisie). Tous ont le même objectif, recueillir des informations sur la faune et la flore qui peuplent ces îles.

« Il y a un potentiel important au niveau de la biodiversité sur ces îles qu’elle soit terrestre ou maritime. Cet espace est également un hotspot pour certains oiseaux rares. Nous avons aussi des paysages sous-marins insoupçonnées avec une végétation florissante et des espèces de poissons rares », nous explique Sami Ben Haj, expert en gestion de l’environnement côtier et marin et président de l’association MAN.

Colonie de goélands leucophée

Vous ne trouverez aucune plage de sable blanc sur les îles Cani. La surface est calcaire et rocheuse. Mais cela n’a pas empêché la nature de s’y développer. Des dizaines d’espèces végétales on su s’acclimater à cet environnement hostile. On y trouve des mauves royales, de la salicorne ou encore des petites fleurs de couleurs différentes.

« Nous relevons les espèces que nous entrons dans un système de géolocalisation afin d’établir une cartographie végétale de l’île », nous indique Wael Bedoui, biologiste.

Les Iles Cani sont un haut lieu de reproduction pour certains oiseaux rares. Ce jour là nous avons pu trouver une colonie de goélands leucophée. « Il y a aussi des passereaux, des puffins cendrés ou encore des martinets noirs », observe Moez Shaïek, expert en environnement et membre de l’association MAN.

Une paradis pour les amoureux de plongée

Pendant que la première équipe est à terre, une autre s’affaire en mer pour découvrir la végétation et la faune sous-marine. Ainsi, trois plongeurs ont pu cartographier les fonds marins. « Nous avons trouvé des espèces de poissons de toutes les couleurs. Mais ce qui est très intéressant, c’est la richesse de la posidonie », explique Neji Ben Aïssa, secrétaire générale de l’association MAN.

En effet, cette herbe marine est essentiel à la biodiversité marine et dans certaines zones elle tend à disparaître en raison de la surpêche. « D’où l’importance de travailler en collaboration avec des pêcheurs afin de les sensibiliser à l’importance de préserver la posidonie et créer de la bonne gouvernance », nous dit Moez Shaïek.

Photo sous-marine

Iles Cani: un exemple pour le tourisme insulaire et écologique

Aujourd’hui, les Îles Cani sont interdites au public sans autorisation. Il est seulement possible d’accoster à quelques mètres pour les admirer de près, mais il est impossible de les visiter.

Avec le développement du tourisme alternatif en Tunisie, les îles Tunisiennes pourraient constituer un véritable levier pour ce secteur en plein boom dans le monde. En effet la pandémie de Covid-19 n’a fait qu’accentuer ce désir vers un retour à la nature et à un tourisme responsable.

C’est là aussi l’objectif de l’association Méditerranée Action Nature qui milite pour le classement des Iles Cani. « On peut imaginer un site éducatif afin de sensibiliser les visiteurs à l’importance de préserver ces îles pour la préservation de la biodiversité. On peut aussi y développer un éco-tourisme durable pour développer une activité économique responsable pour les habitants de la région », souligne Moez Shaïek.

Une des nombreuses criques des Iles Cani

Pour Sami Ben Haj, les Iles Cani pourraient servir de décor pour des photos d’art ou même de mode. « Il faut que les îles tunisiennes soient visitées. Mais il faut que cela se fasse de manière très réglementée afin de préserver l’environnement. Je les considère comme étant le portail écologique de la Tunisie. Le tourisme insulaire permettrait de casser l’image du tourisme de masse traditionnellement pratiqué dans le pays », nous dit-il.

« Ces îles sont comme des monuments qu’il faut traiter avec respect et amour », conclue-t-il.

Retrouvez dans la vidéo ci-dessus, un reportage consacré aux Iles Cani.

Wissal Ayadi