La Tunisie célèbre la Fête de la Femme : Un hommage aux acquis et un appel à de nouveaux défis

12-08-2024

La Tunisie s’apprête à célébrer demain, 13 août 2024, la Fête de la Femme, un événement marquant qui rappelle l’anniversaire de la promulgation du Code du Statut Personnel (CSP) en 1956. Ce texte révolutionnaire, instauré par le président Habib Bourguiba, est considéré comme l’un des plus progressistes dans le monde arabe en matière de droits des femmes. Abolissant la polygamie, instaurant le mariage civil et consacrant le droit au divorce, le CSP a marqué un tournant décisif pour les femmes tunisiennes.

Depuis, les Tunisiennes ont réalisé des progrès significatifs dans divers domaines. Elles sont présentes dans les sphères économiques, sociales, culturelles et politiques. Cependant, malgré ces avancées, des défis majeurs restent à relever pour atteindre une véritable égalité entre les sexes. La célébration de la Fête de la Femme est donc à la fois un moment de fierté et de réflexion sur les progrès à accomplir.

Les acquis indéniables des femmes tunisiennes

La Fête de la Femme est avant tout l’occasion de rendre hommage aux acquis obtenus par les femmes tunisiennes depuis l’indépendance du pays. Le Code du Statut Personnel a été une véritable révolution dans la société tunisienne. En plus des avancées légales, les femmes ont progressivement investi des secteurs autrefois dominés par les hommes. Elles sont de plus en plus présentes dans les universités, les entreprises, les administrations publiques, et même dans la politique.

En 2024, les femmes représentent près de 40% de la population active en Tunisie. Elles occupent des postes de direction dans de nombreuses entreprises et sont également bien représentées dans les secteurs de la santé, de l’éducation et de la justice. De plus, la parité hommes-femmes dans les instances électives est désormais une réalité grâce aux lois promulguées après la révolution de 2011.

Cependant, malgré ces avancées, les défis qui subsistent sont nombreux. Les femmes continuent de faire face à des discriminations sur le lieu de travail, à des inégalités salariales, à des violences domestiques et à une sous-représentation dans les postes de décision.

Des voix de femmes de tous horizons

Pour comprendre les défis actuels, il est essentiel d’écouter les témoignages des femmes tunisiennes issues de différents horizons. Ces voix reflètent à la fois les progrès réalisés et les obstacles à surmonter.

Fatma, ingénieure en informatique et mère de deux enfants: « Je suis fière des acquis que nous avons réalisés en Tunisie. Cependant, je constate qu’il est encore difficile pour une femme de concilier vie professionnelle et vie familiale. Les entreprises ne prennent pas toujours en compte les besoins spécifiques des femmes, comme le congé de maternité ou les horaires flexibles. De plus, il y a toujours une pression sociale sur les femmes pour qu’elles assument pleinement leur rôle de mère tout en étant performantes au travail. Il est essentiel que les mentalités évoluent pour que les femmes puissent réellement choisir leur parcours sans être jugées. »

Hania, avocate spécialisée en droits des femmes: « Le Code du Statut Personnel a été une avancée majeure, mais aujourd’hui, nous avons besoin de nouvelles lois pour protéger les femmes contre les violences conjugales. Trop de femmes sont victimes de violences physiques et psychologiques, et les dispositifs de protection sont encore insuffisants. Il est crucial d’améliorer les lois existantes et de renforcer les moyens alloués à la protection des femmes. Nous devons également travailler sur la sensibilisation des hommes à ces questions. »

Souad, femme d’affaires dans le secteur de l’artisanat: « En tant que femme entrepreneure, j’ai dû surmonter de nombreux obstacles. Les femmes ont souvent moins accès aux financements et aux réseaux professionnels. Il existe encore un certain scepticisme quant à la capacité des femmes à diriger une entreprise, surtout dans des secteurs traditionnellement masculins. Nous devons encourager plus de femmes à se lancer dans l’entrepreneuriat et leur offrir les outils nécessaires pour réussir. Cela passe par des formations spécifiques, un accès facilité aux crédits et des programmes de mentorat. »

Rim, activiste pour les droits des femmes rurales: « Les femmes rurales sont souvent laissées pour compte. Elles travaillent dur dans les champs, souvent sans contrat et sans protection sociale. Elles n’ont pas toujours accès à l’éducation, à la santé ou à des conditions de travail décentes. La reconnaissance du travail des femmes rurales doit être une priorité. Il faut mettre en place des politiques qui leur permettent d’améliorer leurs conditions de vie et d’accéder à des droits fondamentaux. »

Les défis à relever

Les témoignages de ces femmes montrent que, malgré les progrès, les défis sont encore nombreux. L’un des principaux enjeux reste la lutte contre les violences faites aux femmes. La Tunisie a adopté une loi contre les violences basées sur le genre en 2017, mais son application reste insuffisante. Les structures d’accueil pour les femmes victimes de violences sont peu nombreuses, et les ressources allouées à la protection des femmes sont encore limitées.

Un autre défi majeur concerne la participation des femmes à la vie économique. Bien que les Tunisiennes soient de plus en plus présentes sur le marché du travail, elles continuent de faire face à des discriminations salariales et à une sous-représentation dans les postes de direction. Il est essentiel de mettre en place des politiques qui favorisent l’égalité salariale, encouragent l’entrepreneuriat féminin et permettent aux femmes de concilier vie professionnelle et vie familiale.

La reconnaissance du travail des femmes rurales est également une priorité. Ces femmes, qui représentent une part importante de la main-d’œuvre agricole, travaillent souvent dans des conditions précaires, sans protection sociale ni reconnaissance de leurs droits. Il est impératif de mettre en place des politiques spécifiques pour améliorer leurs conditions de vie et leur permettre d’accéder à des droits fondamentaux tels que l’éducation, la santé et la sécurité sociale.

Enfin, la participation politique des femmes doit être renforcée. Bien que des progrès aient été réalisés en matière de parité dans les instances électives, les femmes sont encore sous-représentées dans les postes de décision. Il est essentiel de continuer à promouvoir la participation des femmes à tous les niveaux de la vie politique et de lutter contre les stéréotypes de genre qui limitent leur accès à ces postes.

Un avenir prometteur

La célébration de la Fête de la Femme en Tunisie est l’occasion de dresser un bilan des progrès réalisés, mais aussi de réfléchir aux défis qui restent à relever. Les acquis obtenus depuis l’indépendance sont indéniables, mais il est urgent de continuer à lutter pour une véritable égalité entre les sexes.

Les témoignages des femmes tunisiennes montrent que, malgré les avancées, les inégalités persistent. Il est essentiel de continuer à œuvrer pour une société où les femmes ont les mêmes droits et les mêmes opportunités que les hommes, où leur travail est reconnu et valorisé, et où elles sont protégées contre toutes les formes de violence.

En cette journée du 13 août 2024, la Tunisie rend hommage à ses femmes, tout en renouvelant son engagement en faveur des droits des femmes et de l’égalité des sexes. Les acquis obtenus sont une source de fierté, mais ils ne doivent pas masquer les défis qui restent à relever. Il est temps de poursuivre les efforts pour construire une société plus juste, plus égalitaire, où chaque femme peut s’épanouir pleinement et contribuer à l’avenir du pays.

Wissal Ayadi