La Tunisie, destination privilégiée du tourisme médical, une activité en plein essor

Les agences médicales sont en train de se multiplier notamment sur le Grand-Tunis. Avec la prolifération des cliniques privées (+20% en 2021), et grâce aux compétences médicales tunisiennes qualifiées, qui attirent de plus en plus les touristes souhaitant se faire opérer à bas prix ; ces prestataires de service ont fait leur apparition, leur travail consiste à assurer un séjour médical réussi à leurs clients.
Grâce à des offres alléchantes, ces agences Å“uvrant dans le secteur du tourisme de la santé, génèrent de plus en plus de visiteurs en Tunisie. Et cela, malgré un contexte sanitaire incertain, ayant engendré l’absence des touristes habituels classiques qui fréquentent les hôtels et y passent les vacances d’été…
Elles sont aussi appelées, des entreprises de facilitateurs médicaux. Un créneau en pleine expansion, épargné par les retombées de l’arrêt du secteur du tourisme classique.
Afin de découvrir comment fonctionnent ces prestataires de services, les modalités de paiement, les spécialités médicales les plus convoitées, et comment repérer les imposteurs, Gnetnews a contacté la directrice générale adjointe d’une agence médicale, de renommée à Tunis.
La DGA a commencé par nous présenter les différents services que propose ce type d’agences.
« Nous visons exclusivement les étrangers cherchant à se faire opérer en Tunisie, en économisant jusqu’à 60% de réduction, sur les chirurgies. Généralement, chaque agence est spécialisée dans un domaine médical défini. Dans notre cas, nous travaillons avec les cliniques et hôpitaux disposant de services de gynécologie, fertilité (fécondation in vitro/FIV), orthopédie, ophtalmologie, cardiologie, cancérologie, pédiatrie, et neurologie. Ce sont des spécialités plutôt sûres par rapport à la chirurgie esthétique (de l’obésité, greffe de cheveux, soins dentaires), qui représente plus de risques et de complications post-opératoires…», explique-t-elle.
« C’est pour cela qu’on fait signer au patient dès le démarrage des soins, un document de consentement, par lequel il certifie, que l’agence lui avait exposé de façon détaillée les risques mineurs et majeurs inhérents à toute intervention et particulièrement ceux liés à son opération ».
La clientèle en majorité africaine
Les patients africains, en provenance notamment de Libye, Congo, Cote d’Ivoire, Gabon, Tchad, Burkina Fasso, et Mali représentent la majorité de leurs clients. « Vu que les Européens bénéficient d’une assurance-maladie pour les opérations réparatrices, ils viennent uniquement pour les interventions esthétiques non remboursables par la sécurité sociale, contrairement aux autres pays», précise-t-elle.
Quant au coût d’un séjour complet, il faut compter en moyenne entre 2000 et 3000 euros (all inclusive), billet d’avion et assurance vie non inclus.
En parlant des packs de séjour, la DGA nous a indiqué que les réservations se font en ligne ou par téléphone.
L’offre inclut une prise en charge quasi complète de leurs clients, du transfert de l’aéroport Tunis-Carthage au lieu de résidence, jusqu’au choix du médecin et de la clinique, de l’hôtel qui hébergera le patient, le bilan de santé fait sur place, la gestion des rendez-vous…Sans compter, les petits détails et les extras qui y sont compris, comme le téléphone avec une ligne tunisienne (à rendre à la fin du séjour), l’accompagnement spécialisé durant la phase de convalescence, les massages de soin, etc.
Pour le paiement, les tarifs sont annoncés en euro, pour tous les patients étrangers. Les prix sont reconvertis en dinar lors du paiement.
«Mais ceci n’est pas le cas pour toutes les agences médicales. Certaines exigent un paiement en euro, et leurs revenus en devise sont non déclarés fiscalement », nous a dévoilé la DGA qui a requis l’anonymat.
« Il s’agit certes d’un comportement illégal, mais la plupart des prestataires de services médicaux en profitent  pour cumuler l’argent en devise, dans ces temps de crise et de dépréciation du dinar tunisien. D’ailleurs, c’est pour cela qu’il faut s’informer avant de tomber sur des imposteurs qui collaborent avec des médecins non qualifiés, proposant un travail médiocre, mettant ainsi en péril la santé des patients ».
En effet, il n’y a pas que les charlatans qui souhaitent tirer profit de ce secteur en pleine expansion, les agents immobiliers qui travaillaient autrefois avec les particuliers étrangers sur des plateformes d’hébergement (Airbnb, Tunrooms…), frappés de plein fouet par l’arrêt du secteur touristique, cherchent aussi à gagner leur part de ce marché.
Plusieurs agences ou encore des particuliers se sont reconvertis dans l’hébergement des patients, lors de leurs séjours médicaux, notamment dans les quartiers où sont implantées plusieurs cliniques à la fois.
C’est le cas du Centre Urbain Nord, dans lequel se trouvent trois cliniques, entourées de plusieurs immeubles, dont les appartements se louent à la nuitée.
Affaires gagnant-gagnant
A cet effet, nous avons rencontré un agent immobilier, qui a fait de la location des patients étrangers, son nouveau gagne-pain, après avoir vu ses projets de location sur Airbnb échouer, depuis le confinement de mars 2020.
« Dans ce secteur émergent, les prix sont compétitifs, et les agents sont en concurrence avec les agences médicales spécialisées, qui proposent un hébergement dans des hôtels 5 étoiles à bas prix. Néanmoins, les patients n’ont pas tous le même budget à dépenser dans leur séjour de convalescence. Nous nous occupons de la partie convalescence. Nous proposons des prix de location très accessibles pour un appartement S+2, meublé, et équipé avec l’essentiel, dédié à la période post-opératoire. La nuit ne dépasse pas généralement les 150 dinars (45 euro). Les paiements sont en dinar, et se font à l’avance dès l’arrivée du client.
Les échanges avec les clients potentiels de ces agents immobiliers, se font souvent via Internet, sur des plateformes de location de maison…Un seul inconvénient, c’est qu’il s’agit d’une sous-location, dont les propriétaires des apparts sont généralement au courant. « L’important pour eux c’est de leur payer le loyer, à la fin du mois…Ce sont des affaires gagnant-gagnant », a conclu ce jeune homme, fraichement atterri dans ce secteur, visiblement juteux…
En effet, c’est par le biais de la libéralisation du secteur tunisien de la santé et de la médecine, que de nouvelles entreprises, métiers et activités se sont organisés en chaine de valeur pour le servir et doper ses potentialités et ce malgré une absence quasi-totale de textes juridiques organisant ces nouveaux maillons.
La Tunisie demeure la première destination en Afrique en termes de nombre de patients et de recettes, d’après la Chambre Nationale de Soutien aux activités de Services de Santé relevant de la Fédération de la santé de l’Union Tunisienne de l’industrie du Commerce et de l’Artisanat (UTICA).
La Tunisie est aujourd’hui la deuxième en Afrique au niveau des indicateurs OMS de la santé. Avec 500.000 hospitalisations enregistrées par an, le secteur génère des recettes en devises de l’ordre de 2500 Millions de dinars. Outre les recettes en devise pour le pays…
Emna Bhira