L’avenir agricole de la Tunisie se jouera dans le bio

30-01-2024

L’agriculture biologique en Tunisie émerge comme une alternative prometteuse, offrant des solutions durables pour la production alimentaire, la préservation de l’environnement et la promotion de la santé. Ce secteur en plein essor repose sur des pratiques agricoles respectueuses de la nature, favorisant la biodiversité, la conservation des ressources et la limitation des impacts négatifs sur les écosystèmes.

Contexte et évolution

L’agriculture biologique s’appuie sur des principes clés, notamment l’absence d’utilisation de produits chimiques de synthèse tels que les pesticides et les engrais chimiques. Au lieu de cela, les agriculteurs biologiques privilégient des méthodes naturelles pour fertiliser le sol et contrôler les ravageurs, favorisant ainsi la santé des sols et la biodiversité.

La Tunisie, avec son climat méditerranéen propice à l’agriculture, a progressivement adopté des pratiques biologiques au fil des ans. Depuis 2012, le mouvement vers l’agriculture biologique s’est accéléré. À l’heure actuelle, le domaine de l’agriculture biologique compte environ 7 200 acteurs, regroupant des agriculteurs, des transformateurs, des commerçants, et autres. Parmi eux, 6 669 sont des producteurs, en quête de soutien et d’assistance pour accroître leur compétitivité au niveau mondial.

Yousra Hamza Chaibi, présidente du syndicat UnoBio, explique qu’il y a eu une augmentation des terres dédiées à l’agriculture biologique jusqu’en 2019. « Aujourd’hui environ 320.000 hectares de terres sont dédiés à l’agriculture biologique et la majorité de ces terres sont occupées par les oliveraies pour la production d’huile d’olive. Mais ce chiffre a tendance à stagner, voire à baisser », nous dit-elle. Selon les chiffres de la direction générale de l’agriculture, seulement 5 % des 2 millions d’hectares d’oliviers sont traités chimiquement par des pesticides. Ainsi, 95 % des oliviers pourraient donc devenir bio.

Enfin, afin de garantir une meilleure traçabilité des produits biologiques. La Tunisie dispose de 5 organismes de certification bio. Pour obtenir ce précieux label, un organisme de contrôle accrédité par le ministère effectue deux visites de contrôle, une inopinée et l’autre annoncée, afin de garantir l’application des bonnes pratiques.

Un marché tourné vers l’export

L’agriculture biologique tunisienne a une vocation essentiellement exportatrice. Les demandes émanant de l’international sont de plus en plus importantes. La raison principale est que le Covid-19 a changé considérablement le mode de consommation de la population mondiale, les poussant vers une alimentation plus saine et respectueuse de l’environnement.

Selon la DGAB, les exportations de produits bio ont triplé, passant de 36.000 tonnes en 2013 à près de 90.000 tonnes en 2020, constituant 13% du total des exportations alimentaires. L’huile d’olive, les dattes, les produits maraîchers et les plantes aromatiques et médicinales étant les principaux produits exportés.

En termes de vente, le marché du bio en Tunisie à une valeur presque totalement exportatrice, avec une prédominance de l’export de l’huile d’olive biologique. En deuxième lieu on trouve les dattes biologiques.

Le volume des exportations d’huile d’olive biologique a atteint 41,3 mille tonnes, à fin mai 2023 représentant une valeur d’environ 719,8 millions de dinars (MD). Néanmoins, la part de l’huile d’olive biologique conditionnée n’a pas dépassé les 3% du total du volume de l’huile d’olive exportée.

Défis et opportunités

Bien que l’agriculture biologique en Tunisie présente de nombreux avantages, elle n’est pas sans défis. La transition des agriculteurs conventionnels vers des pratiques biologiques peut nécessiter une adaptation importante et des investissements importants. Yousra Hamza Chaibi explique que la rigidité des réglementations pour la certification biologique constitue un frein important au développement du secteur.

 « A partir de 2019, il y a eu stagnation voire une baisse de l’intérêt sur le marché local en raison de la crise économique et de la baisse du pouvoir d’achat. Les produits sont, en règle générale, 30% à 50% plus chers que les produits conventionnels. Cela ne veut pas dire que le consommateur n’est pas intéressé par les produits bio, au contraire, mais les prix restent le premier frein à l’achat », indique la présidente d’UnoBio.

L’autre problème concerne la non disponibilité régulière de certains produits comme la tomate biologique qui est largement demandée mais non disponible.

« A l’inverse, les agrumes et les dattes sont présents et leur prix se rapproche de ceux issus de l’agriculture conventionnelle », relève Mme Hamza Chaibi.

Par ailleurs, cette dernière indique que de nombreux agriculteurs ont abandonné le marché du bio en raison, d’abord, du coût de cette certification. « Jusqu’en 2017, nous avions des subventions qui permettaient de rendre cette change moins lourde ».

Mme Hamza Chaibi déplore également la lourdeur du cahier des charges pour l’obtention des certifications.  

Enfin, le dernier problème réside dans la disponibilité des circuits de distribution qui restent très minimes en Tunisie.

Encore un long chemin…

Avec le soutien continu des autorités, des consommateurs et des acteurs de l’industrie, l’agriculture biologique en Tunisie est appelée à jouer un rôle crucial dans la construction d’une société agricole plus durable. Pour autant, Yousra Hamza Chaibi indique qu’il reste encore de nombreux efforts à faire, notamment en termes de sensibilisation que ce soit auprès des professionnels du secteur ou de la population.

« Les actions menées par la Direction générale de l’agriculture biologique restent très timides, mais ont le mérite d’exister. Ainsi, prochainement cette direction va organiser un évènement dans une grande chaine d’hypermarché afin de promouvoir les produits biologiques tunisiens », souligne-t-elle.

Toutefois, Yousra Hamza Chaibi a tenu à saluer les efforts réalisés par de nombreux opérateurs pour la diversification de l’offre en produits biologique avec notamment le développement de la culture des fraises ou des raisins qui n’étaient pas disponibles, il y a quelques années.

« Nous n’allons pas baisser les bras car nous savons que la Tunisie dispose d’un réel potentiel dans le marché de l’agriculture biologique d’autant plus que la demande émanant de l’international se fait de plus en plus importante », conclu-t-elle.

Wissal Ayadi