L’économie sociale et solidaire (ESS) : Un modèle à valoriser en Tunisie
Ce matin, Tunis a accueilli la première session de « Parlons éco », un événement organisé dans le cadre du projet « Savoir éco », mis en œuvre par Expertise France avec un financement de l’Union européenne. Ce projet offre un soutien technique et financier aux ministères tunisiens de l’Économie, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, ainsi qu’aux Think Tanks spécialisés en économie.
La session inaugurale s’est concentrée sur l’économie sociale et solidaire (ESS), explorant son potentiel en tant que levier pour améliorer le débat économique et relancer la croissance.
Des perspectives internationales inspirantes
Parmi les intervenants, Benoît Hamon, ancien ministre français et président de l’ESS France, a partagé l’expérience française en matière d’ESS. Selon lui, ce modèle économique repose davantage sur des pratiques concrètes que sur des théories abstraites. Il a souligné la résilience des entreprises ESS face aux crises, grâce à leur moindre dépendance à la volatilité des marchés.
Mettant en avant les performances économiques des coopératives, un pilier de l’ESS, Benoît Hamon a indiqué qu’en France, ces structures ont généré trois fois plus de chiffre d’affaires que les start-ups, un argument en faveur d’un développement accru de ce modèle.
L’ESS en Tunisie : avancées et blocages
Pour aborder la situation en Tunisie, Lotfi Ben Aïssa, chercheur en sciences humaines et sociales, a rappelé que la loi sur l’ESS, adoptée en 2020, marque une avancée législative. Toutefois, il a souligné deux conditions essentielles pour un impact durable : une reconnaissance politique accrue et un cadre juridique adapté.
Il a déploré l’absence de l’ESS dans les débats budgétaires, malgré son inscription dans les plans quinquennaux et triennaux du pays. Selon lui, ce paradoxe illustre un manque d’engagement politique et une vision floue sur l’avenir de l’ESS en Tunisie.
Un rôle clé dans l’intégration sociale et économique
Aïda Ben Ammar, directrice exécutive de l’Association Patrimoine pour l’Économie Solidaire (APES), a mis en lumière le rôle de l’ESS dans l’insertion professionnelle des populations vulnérables. Toutefois, elle a pointé les lacunes du cadre juridique, notamment dans la définition des statuts des entreprises ESS et l’identification des acteurs impliqués.
Elle a également mentionné le potentiel de l’ESS pour réduire l’économie informelle, un défi majeur en Tunisie.
Le défi de la visibilité et des financements
Enfin, Rachid Abidi, directeur de Lab’ESS, a exprimé son souhait de voir sa structure mieux intégrée au secteur de l’ESS. Cependant, il a regretté l’absence de mise en œuvre des mesures prévues par la loi, telles que les financements, les fonds de garantie et les avantages fiscaux. Cette situation freine la visibilité des entreprises ESS, rendant difficile leur accès aux financements bancaires.
Un modèle prometteur pour la Tunisie
Malgré ces obstacles, les intervenants ont unanimement souligné le potentiel de l’ESS en Tunisie. En tant qu’entreprises non-lucratives et démocratiques, elles produisent de la richesse tout en favorisant l’intérêt général. De plus, leur enracinement local garantit une souveraineté économique, à l’opposé des modèles susceptibles de délocalisation.
La session a ainsi ouvert un débat essentiel sur la place de l’ESS dans le développement économique du pays, appelant à une mobilisation accrue des décideurs politiques et économiques pour lui donner l’impulsion nécessaire.
Wissal Ayadi