Grand-Tunis : Les loyers s’envolent, les raisons sont multiples, selon les experts

11-01-2022

Se loger à Tunis devient un véritable parcours du combattant. Selon les chiffres du dernier tensiomètre locatif publié par le site leader de l’immobilier Mubawab, le loyer mensuel moyen d’un appartement s’élève à 1.475 dinars au 1er semestre 2021…soit plus de 3 fois le salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG), évalué à 429,3DT.

Les projets immobiliers ne cessent de fleurir dans la capitale et les prix s’envolent. Afin de savoir comment se comporte le marché de la location dans le Grand-Tunis, nous avons fait appel à deux agents immobiliers. Nasredine Boughanmi , propriétaire de l’agence Saint Germain Immo dans la banlieue sud et Mohsen Chaabani de Zitouna Immo et qui agit principalement dans la banlieue nord.

Banlieue Nord

Selon nos deux experts, le marché de la location immobilière a explosé ces dernières années. En effet, il devient de plus en plus difficile pour les Tunisiens de devenir propriétaires en raison de la hausse des prix et des taux d’intérêts bancaires.

Ainsi, beaucoup de Tunisiens se rabattent sur la location. Dans le Grand Tunis, le quartier le plus prisé demeure bien sur la banlieue nord. La Marsa, Carthage, Sidi Bou Saïd… Des villes où il fait bon vivre mais où se loger devient un luxe ultime. D’après Mohsen Chabbani, Directeur de l’agence Zitouna Immobilier, la ville de La Marsa est devenue inaccessible pour un Tunisien aux revenus moyens. « Pour un S+1 meublé il faut compter environ 1800dt/mois, non meublé il sera à 1200DT. Pour les superficies les plus grandes, comme un S+3, cela peut monter jusqu’à 4000DT/mois », nous dit-il.

La hausse des loyers dans cette zones est du, selon Chaabeni, à la présence importantes d’étrangers. En effet, la majorité des expatriés se logent à La Marsa car d’abord la proximité avec la mer est un atout majeur et de plus leurs enfants sont généralement scolarisés dans les écoles internationales qui sont installées la bas (Ecole française, américaine, etc…).

Comme dans toutes les villes, La Marsa dispose de questures populaires, qui sont devenus petit à petit aussi chers.  C’est le cas par exemple du quartier de « Lahouech » où un salon plus une chambre se louent en moyenne 800DT et pour une pièce supplémentaire il faudra compter 1300DT.

Selon Chaabeni, le quartier qui reste encore accessible dans le Grand-Tunis est l’Ariana, qui dispose d’une grande densité d’appartements et de maisons à la location. Pour autant, le problème demeure dans l’offre, qui est de plus en plus faible.

« Dans le gouvernera de l’Ariana un S+1 peut se louer entre 700DT et 800DT, cela peut descendre jusqu’à 500DT dans les quartiers les plus populaires », affirme-t-il.

Banlieue Sud

Ainsi, aux vues de la hausse des prix et de la forte pression sur les quartiers mentionnés plus haut, la banlieue sud, connait depuis plusieurs années un boom immobilier. A la recherche de terrains moins chers, les promoteurs immobiliers se sont rabattus sur cette zone longtemps boudée par les Tunisiens voulant se loger dans la capitale. Ainsi, les immeubles et résidences, qu’ils soient à moyen ou haut standing, font florès dans cette partie. C’est le cas d’El Mourouj notamment.

Nasredine Boughanmi est un jeune agent immobilier. Il a installé son agence, Saint Germain Immo, à Ezzahra. Il nous explique que de plus en plus de clients viennent louer dans la banlieue sud, et privilégient trois quartiers en particulier: Boumhel, Borj Cedria, considérée comme la ville frontière avec le Cap Bon et enfin Ezzahra. « Pour un S+2, le prix à la location par mois se situe entre 650DT et 850DT selon le standing ».

Par ailleurs, d’autres quartiers ont subi une hausse importante des prix à la location et à la vente. C’est le cas par exemple de Mégrine/Coteaux, Sidi Rezig ou encore Boumhel/Bel Air.

Selon Nasredine Boughanmi, ils ont subit le phénomène de la fausse culture de la réputation.

« Les biens immobiliers dans ces quartiers disposent d’un standing très moyen, voire bas… pourtant les prix sont excessivement chers. Les gens considèrent qu’il s’agit de bons quartiers car il y a plusieurs personnalités politiques qui y ont vécu par exemple… », nous dit-il. Ce sont à majorité des étages de villas dont le prix minimum est de 800DT/mois et cela peut monter jusqu’à 1200DT. Pourtant, ces quartiers n’ont pas grand chose de différents avec les zones voisines…

Encore faut-il que les infrastructures suivent… En effet, le jeune agent immobilier estime que l’Etat ne s’adapte pas du tout aux mouvements des populations dans le Grand-Tunis.

Les conditions des locataires sont multiples. Ainsi, Boughanmi nous indique que les principales pour, par exemple, un jeune couple sans enfant, c’est d’abord la proximité avec le travail afin de minimiser les couts de transports et de carburant, la sécurité et la proximité avec  les commodités (écoles, supermarchés, espaces vert,etc…). « Et quand ils ont un enfant, c’est la proximité avec la famille qui devient essentielle pour qu’il trouve un endroit pour la garde ».

Pour autant, le milieu de l’immobilier en Tunisie pâtit encore de nombreux problèmes. Pour les agents immobiliers, le secteur est laissé à l’abandon par l’Etat, laissant place à l’anarchie. « Jusqu’à aujourd’hui il n’y a pas de barème concernant les prix des mètres carrés à la vente et à la location. Ainsi, les loyers de deux appartements voisins, dans deux immeubles différents peuvent varier du simple au double. », nous dit Nasredine.

Difficile également pour les propriétaires d’agences immobilières de faire face aux « samsar »… Il s’agit d’intermédiaires non officiels qui opèrent dans les transactions locatives notamment et qui nuisent aux agents professionnels. « Il est temps que le gouvernement agisse contre ces personnes qui agissent sans patente et en toute impunité », lance Mohsen Chaabeni.

Wissal Ayadi