Menacés par le Clinker, les habitants de la Goulette lancent un cri de détresse (Vidéo)

14-06-2019

Les Goulettois n’en peuvent plus. Depuis plus d’un an, ils subissent les effets de la pollution produite par le déchargement du clinker au port touristique de la Goulette. Problèmes respiratoires, oculaires, cutanés…sans oublier l’environnement qui est menacé par cette poudre. Devant l’immobilité des pouvoirs publics, la société civile a décidé de prendre ce sujet à bras le corps. GnetNews est allé enquêter sur un fléau qui pourrait à terme constituer un problème de santé publique et environnemental.

La Goulette est connue pour son port, ses cafés, son poisson frais et surtout son bon vivre. Pourtant depuis deux ans, cette petite ville de la banlieue nord de Tunis fait face à un problème peu connu…le clinker.

Le clinker est un constituant dans la fabrication du ciment. Composé principalement de métaux lourds, il est responsable de la majeure partie de la consommation d’énergie des cimenteries et de leur empreinte carbone. C’est dire l’importance de son aspect polluant.

C’est la société Carthage Cement qui exploite depuis deux ans le clinker au port de la Goulette. Là où les navires sont chargés afin d’exporter cette matière nocive.

La vente des médicaments anti-allergie en hausse 
Il y a quelques jours, nous nous sommes rendus à la Goulette, et avons rencontré des employés qui travaillent au port. Eux-mêmes n’en peuvent plus. Sous couvert de l’anonymat, un petit groupe nous confie que « les conditions de travail sont infernales. Le clinker est chargé et déchargé à l’air libre alors que cela devrait être fait dans des sacs ». Ils ajoutent « qu’aucun équipement de protection ne leur ai fourni par la société. Pas de masque, ni bavette, ni même une brique de lait ». La société Carthage Cement ne s’en cache visiblement pas.

En effet, un clip de promotion de l’entreprise vantant l’exploitation du clinker est facilement visible sur la toile. On y voit des camions déchargeant la matière à même le quai, puis des engins chargeant les navires et enfin un énorme nuage de poussière qui s’en dégage.

Pour les habitants de La Goulette, les problèmes ont commencé il y a environ un an. De nombreux riverains se sont plaints d’un étrange dépôt de poussière grise sur les voitures qui ne part pas au lavage. Puis petit à petit, les problèmes de santé se sont fait sentir. Gêne respiratoire, irritations oculaires et dermatologiques.

GnetNews a rencontré, Omar Hafoudhi. Il est employé dans une pharmacie de La Goulette. « Nous avons remarqué une augmentation des ventes de médicaments anti-allergie et de solutions pour nettoyer les yeux.

De nombreux clients se plaignent d’une toux allergique nocturne qui ne s’arrête pas. Il y a même une petite fille qui a eu des problèmes respiratoires graves. Petit à petit, nous nous sommes rendus compte que ceux qui sont les plus touchés sont les habitants de la Cité Sicile, à proximité du port. Le lien a donc été fait avec le clinker ».

Effets dévastateurs
Devant l’indifférence des pouvoirs publics, c’est finalement la société civile qui a décidé de s’emparer du problème et de lutter. C’est l’ASCAM (Association Société Civile des Actions Municipales) qui s’est mobilisée dans un premier temps. GnetNews a recnontré à La Goulette, trois militantes actives de l’association. Elles nous ont accompagnés près du port afin de voir les effets dévastateurs de l’exploitation du clinker. Arrivés sur place, le port de la Goulette est méconnaissable. Il y encore quelques années, il constituait un fleuron de l’activité portuaire touristique du pays.

Des milliers de touristes en croisière arrivaient par ce port…sans oublier l’afflux des tunisiens résidents à l’étranger qui viennent tous les étés en Tunisie. Cette époque révolue, a laissé place aujourd’hui à un paysage de désolation. Le port est recouvert d’une couche grisâtre qui s’est répandue sur tous les équipements. « La Goulette a toujours été un port touristique et non pas industriel. Ce n’est pas normal que l’exploitation du clinker se fasse là-bas. Les actionnaires se font de l’argent sur le dos de la santé des habitants », nous confie Saida Farjallah, militante de l’ASCAM.

En effet, l’enjeu économique est de taille pour la société Carthage Cement. La signature l’an dernier d’un gros contrat d’exportation vers l’Afrique subsaharienne, a fait passer l’exploitation du clinker de 311 milles tonnes en 2017 à 1.5 millions de tonnes en 2018.

« Nous ne sommes pas contre l’exportation du clinker car c’est une source de revenu pour la Tunisie. Mais nous ne voulons pas que cela se fasse depuis le Port de la Goulette et au détriment de la santé des gens », nous explique Ahlem Jemaiel, autre membre actif de l’ASCAM.

Devant l’ampleur du phénomène dans la ville, les associations de la société civile ont décidé de se constituer en ligue avec le soutien de la municipalité de La Goulette. Créée la semaine dernière, à la veille de la journée mondiale de l’environnement, cette coopération regroupe une dizaine d’associations qui souhaitent s’engager dans la lutte contre le clinker.

Ahmed Mammi, est le président de cette organisation. Il nous explique. « C’était pour nous important de se réunir ensemble pour cette cause. Nous pensons qu’ensemble, nous pouvons avoir plus de poids ». Il ajoute également que « c’est une nouvelle culture dans le monde associatif de se retrouver pour une même cause ».

Depuis notre tournage, les choses ont manifestement bougé à la Goulette. Le ministre des Transports Hichem Ben Ahmed a annoncé officiellement l’arrêt immédiat et total de l’exploitation du clinker depuis le port de La Goulette mais aussi le nettoyage du port et des alentours par l’OMMP.

Contacté par téléphone, Zied Chelbi, Président de l’ASCAM se dit « satisfait de cette décision ».

Wissal Ayadi

2 Auteurs du commentaire
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Jalel sallem

Bravo pour l’article et merci de soutenir notre cause. Nous vous soutenons pour le même problème qui se trouve à Bizerte. Jalel SALLEM

Anonyme

c’est la poussière qui engendre le risque majeur de la fabrication du ciment, du fait que ces particules sont irritantes et susceptibles d’atteindre les alvéoles pulmonaires.
Les ciments sous forme sèche, poussières présentes en quantité dans les cimenteries, présentent des risques pour les voies respiratoires (rhinites, asthme, altération de la fonction respiratoire comme la bronchite chronique, l’emphysème….) : http://www.officiel-prevention.com/formation/fiches-metier/detail_dossier_CHSCT.php?rub=89&ssrub=206&dossid=431