Le drame des migrants dans le centre de rétention d’El-Wardia
Ils sont aujourd’hui plus de 1000 migrants à travers la Tunisie à être retenus dans des centres de rétention. Ces centres visent les étrangers demeurant illégalement sur le territoire tunisien. Les migrants y sont envoyés le temps que leur situation se clarifie.
C’est lors de la présentation du travail du département « Migration » du Forum tunisien pour les Droits économiques et sociaux (FTDES) ce lundi à Tunis, que Amal Mekki, journaliste indépendante est venue raconter son reportage au sein du centre de rétention d’El Wardia, dans la banlieue sud de Tunis.
« Nous avons eu connaissance des conditions de vie dans le centre de rétention d’El-Wardia après que des employés qui travaillent là -bas nous ont interpellé », nous confie Amal Mekki. Pour pouvoir accéder au centre, la jeune reporter nous explique qu’il a été très difficile d’obtenir l’autorisation du ministère de l’intérieur. A croire que les autorités ont quelque chose à cacher. En effet, c’est une bien triste réalité qui se passe dans ces points de passage fermés.
« Ce sont des migrants qui sont arrivés en Tunisie dans des conditions difficiles. Ce sont des gens qui pour, la plupart, ont passé déjà un moment en prison et qui se retrouvent ensuite encore enfermés. Finalement ils sont emprisonnés deux fois », affirme la journaliste.
Le jour où elle a enfin pu accéder au centre, Mekki raconte qu’elle a trouvé 24 migrants de différentes nationalités. Vingt-trois hommes et une femme, qui ne savent pas ce qu’ils vont devenir. Interdite de visiter les chambres, la reporter a alors demandé aux migrants de lui décrire les conditions dans lesquelles ils vivent.
Ces derniers expliquent que les douches sont sales et qu’ils n’ont pas assez de nourriture. Ils affirment également qu’ils ne bénéficient d’aucune prise charge en termes de soins. Seule leur température est prise à leur arrivée pour voir s’ils souffrent d’une maladie infectieuse.
Amel Mekki a déploré l’absence de cadre législatif régissant ces centres de rétention et plus largement le statut des migrants. « Nous sommes face à un vide juridique qui va jusqu’à violer les conventions internationales », dit-elle.
Ces centres restent un point de passage obligé. Les migrants ont alors deux choix pour en sortir. Soit payer eux-mêmes leur billet de retour vers leur pays d’origine, soit accepter d’être reconduits vers les frontières algériennes ou libyennes. Dans ce dernier cas, « ils sont alors livrés à eux-mêmes en plein désert. On peut considérer cela comme un crime d’état », ajoute la jeune reporter.
Profil des migrants en Tunisie
Faten Msakni est sociologue et auteure de l’enquête quantitative sur « les représentations sociales, les pratiques et les attentes des personnes migrantes et réfugiées en Tunisie ».
Elle explique que cette étude a été réalisée sur un échantillon de 962 migrants dans plusieurs régions à savoir, Le Grand-Tunis, Sfax, Sousse et Médenine.
« Nous avons choisi ces villes parce que ce sont des villes universitaires (Tunis, Sfax et Sousse), ou des villes qui accueillent les femmes de ménage (Sfax) et enfin Médenine, parce que c’est une ville ou on trouve les rescapés en mer ou des gens qui fuient la guerre en Libye », explique la sociologue.
D’après l’étude les nationalités les plus présentes chez les migrants sont issues de la Côte d’ivoire, du Cameroun, du Soudan, de Somalie ou encore du Nigéria. Le taux de migration le plus élevé a été atteint entre 2014 et 2018.
50% de l’échantillon sont des étudiants arrivés de manière légale, profitant du fait que la Tunisie ait adopté une politique d’incitation aux jeunes étudiants subsahariens afin qu’ils viennent poursuivre leurs études supérieures dans le pays. Par ailleurs, 25% d’entre eux sont des migrants informels
30% de l’échantillon interrogé sont des femmes. Elles sont étudiantes ou pour la plupart femmes de ménage.
S’agissant de la situation des migrants subsahariens travaillant en Tunisie, l’enquête a démontré que leur situation professionnelle est régie par des lois caduques qui datent des années soixante, sachant que leurs activités professionnelles sont non structurées, précaires et non conformes aux normes.
Il en ressort également que les migrants ont été obligés de chercher plusieurs fois un nouvel emploi pour échapper à l’exploitation, au non-respect, au harcèlement, à la violence, aux problèmes de rémunération et aux mauvaises conditions de travail.
« Tous les migrants sont victimes de violence. La plupart affirment que les Tunisiens sont racistes. Comme type de violences, il y a les insultes, agressions physiques, arnaques ou encore les vols », nous explique Faten Mskani.
Wissal Ayadi