Plus d’un million d’entreprises opèrent dans l’informel (Jelloul Ayed)

26-04-2019

« 97% du tissu économique relève du secteur informel », a déclaré l’ancien ministre du développement, Jamel Eddine Gharbi, lors du premier forum annuel pour le développement, organisé par le CERES le 24 et le 25 avril 2019.

Après six décennies de développement en Tunisie, quels sont les résultats et les horizons qui se présentent actuellement ?
Au sujet de la structure du tissu économique et de la vitalité du secteur privé, l’ancien ministre a révélé que « le tissu économique est composé de 602 222 entreprises, soit 0.1% de grandes entreprises, 0.4% sont des moyennes entreprises, 2.5% des petites entreprises, et 96.9% sont des microentreprises ».

« 45 000 des entreprises (9%), qui entrent dans le secteur économique chaque année, offrent 56 000 emplois. Parmi celles-ci, il y a 4000 entreprises qui sont mort-nées ».

En revanche, 25 000 entreprises (4% en moyenne/ an), assurant 37 000 emplois, quittent le circuit économique.
Les entreprises sans salariés, participent avec 30% à la vitalité du secteur privé, et les grandes entreprises contribuent à raison de 42%.

« L’économie de la connaissance »
« Les indicateurs du bonheur (2019) ont montré que, la Tunisie est à la 124ème position mondialement, reculant de 4 positions en une année. Ce positionnement est calculé selon différents facteurs comme, le PIB, le soutien social, la liberté dans les choix de vie, la générosité et la confiance.

En commentant ces chiffres, Jamel Eddine Gharbi a parlé de l’importance du développement de « l’économie de la sagesse », qui a pour but, de rendre la dignité humaine et les valeurs sociales, à travers la réalisation de soi et le travail, « d’où la nécessité d’investir dans le capital scientifique, et les ressources humaines. En Tunisie les plus diplômés sont les moins embauchés », déplore-t-il.

Par ailleurs, une autre étude de terrain réalisée en 2014, a montré que 55.7% des Tunisiens n’ont pas confiance particulièrement dans les banques. 53.3% de cet échantillon, ne sont pas satisfaits des services bancaires, 75.4% des interrogés disent que les banques n’affichent pas le cout de leurs services, et 86.6% confirment que les banques ne facilitent pas l’octroi de crédits bancaires pour ses clients.

Mauvaise gestion des richesses naturelle
L’ancien ministre des finances, Jalloul Ayed, a souligné que « l’investissement est l’épine dorsale de tout développement économique. Désormais, le soutien de l’Etat est réduit à 7% en 2019, alors qu’il atteignait les 20% en 2010. La capacité d’épargner est très faible, ce qui pousse l’Etat à compter sur les investisseurs privés pour le développement économique ».
Il a aussi révélé que plus d’un million d’entreprises tunisiennes, travaillent dans le secteur informel, surtout avec l’absence
d’une stratégie nationale pour redresser les PME, qui offrent 70% des emplois, et 40% du PNB (produit national brut).
« Concernant le système réglementaire des micro-crédits pour la création des projets, il a permis le rebond de la microfinance, composée essentiellement des assurances, et du levier technologique ».

« En 2011, nous avons prévu la création d’une association professionnelle pour les intervenants en micro-crédits, comme Enda Tamweel, pour faciliter l’interaction entre les banques commerciales, et les opérateurs. Les micro crédits doivent être une partie intégrante du système financier tunisien, « aujourd’hui on a 500 000 micro-crédits, alors que notre potentiel est estimé à 2 millions d’emprunts ».

Au sujet des grands projets à moyen et long terme, il a expliqué que les banques commerciales se limitent à donner des petits crédits en adoptant des règles prudentielles, imposées par la banque centrale, ce qui n’encourage pas les promoteurs des projets importants à investir ».

« C’est le marché des obligations qui doit y remédier, mais malheureusement il n’existe quasiment pas, car pour pouvoir le créer, il faut un minimum de conditions, comme l’élaboration d’une courbe de taux, utilisée par les opérateurs pour tracer les taux d’intérêt sur 10 ou 15 ans, comme dans le cas du Maroc. »

L’expert en économie, Yassine Ismail, a déploré les contradictions des politiques et les choix des modèles de développement de l’Etat, notamment l’échec de la mise en place d’un système de production efficient, en plus de la fragilité de l’infrastructure qui n’encourage pas les investissements. « L’accès à la propriété agricole, est un problème qui persiste depuis l’indépendance », ajoute-t-il.

« Les causes de la non-efficacité du développement, revient à la mauvaise gestion des richesses naturelles, l’échec de d’industrialisation, la non adéquation des stratégies d’investissement avec les politiques fiscales et monétaires, la stigmatisation du secteur agricole, traduite par un déficit de la balance alimentaire, les ressources en eau et les énergies ».

« Il s’en ajoute la corruption due à l’économie souterraine et l’incapacité de la digitalisation de l’administration, en plus de la propagation des grands centres commerciaux, qui contribuent à l’augmentation des prix, à cause de l’exploitation des marges arrières, dépassant parfois les 40% », conclut-il.

Emna Bhira