Sebkhet Sijoumi : Les écologistes pointent les failles du plan d’aménagement en vue (Vidéo)

28-10-2019

L’association des « Amis des Oiseaux » a organisé ce lundi 28 octobre à Tunis une journée de concertation autour du projet d’aménagement de Sabkhet Sijoumi. Ce lac constitue la zone humide la plus importante en Tunisie. Il est bordé d’une forte concentration en habitants. On compte environ 2800 habitants au m2. La zone fait face aujourd’hui à de nombreux problèmes environnementaux. Pollution, danger pour la faune et la flore…autant de sujets qui préoccupent les associations écologiques et la société civile.

En 2015, après une visite du chef du gouvernement à Sebkhet Sijoumi, l’Etat a décidé de prendre en main ce sujet en débat depuis de nombreuses années. Le projet d’aménagement du lac a été confié au ministère de l’Equipement. Aujourd’hui, les études sont toujours en cours. Présent lors de la conférence, Ahmed Elkamel, Directeur général des services aériens et maritimes au ministère de l’équipement, de l’habitat et de l’aménagement du territoire. Selon lui, ce projet à trois objectifs principaux. D’abord, lutter contre les inondations, dépolluer le lac et enfin le mettre en valeur à travers des projets d’aménagement socio-économiques qui ont pour but de créer de l’emploi et des zones de loisirs.

Autre aspect de ce projet, l’augmentation de la capacité en eau de la Sabkha en creusant le lac en profondeur.

En effet, si aujourd’hui elle est capable d’accumuler 33 millions de m3 d’eau, l’objectif sera d’attendre les 40 millions afin de faire face à l’accroissement des inondations en Tunisie. 

Pour l’Association des « Amis des Oiseaux », c’est ce qui pose problème. Sabkhet Sijoumi constitue un hotspot important en Afrique dans le processus migratoire des oiseaux d’eau. Elle constitue un point de repère pour de nombreux volatiles, canards ou encore flamands roses. « Si on creuse dans le lac, cela peut constituer un danger pour les oiseaux qui migrent. Certains ne sont pas plongeurs et auront donc des difficultés pour se nourrir », nous explique Hichem Azafzaf, coordinateur scientifique au sein de l’association des Amis des Oiseaux. « Nous regrettons que le ministère de l’Equipement n’ait pas assez pris en compte l’aspect écologique dans son projet », ajoute-t-il. L’association a donc prévu deux études sur le comportement de la faune et de la flore dans la Sabkha, ainsi qu’une lettre ouverte de la société civile. Ces documents seront transmis au ministère afin d’améliorer le projet d’aménagement. 

Cette conférence a également été l’occasion de présenter les résultats préliminaires d’une étude réalisée par la « Tour du Valad », un institut de recherche pour la préservation des zones humides en méditerranée. Pour Anis Gualmami, chef de projet autour de la question de Sabkhet Sijoumi, « le creusage du lac n’est pas une bonne chose pour la conservation de la bio-diversité ». Cette étude a aussi mis en avant un problème d’aménagement du territoire. En effet, autour de la Sabkha, on retrouve les communes de Sidi Hassine-Sijoumi, Malassine, Cité Najah, Cité Helal ou encore la zone industrielle d’El Mghira. Il s’agit de quartiers très populaires et surpeuplés. En effet, 48% de la population tunisoise habite autour du lac, soit près de 500.000 habitants.

Les constructions ont été faites sur des zones inondables et sont ainsi sujettes aux inondations. Pour autant, Anis Gualmami a voulu insisté sur le fait que « contrairement à l’imaginaire collectif, ce n’est pas la Sabkha qui déborde lors des fortes pluies, mais plutôt la mauvaise gestion des plans d’aménagement qui provoque les inondations ».

L’investissement dans ce projet, d’un coût estimé à 330,3 MD, sera réalisé dans le cadre d’un partenariat public-privé (PPP).

Le projet d’aménagement a encore de nombreuses années devant lui avant de voir le jour. La dépollution à elle seule prendra environ 4 ans. 

Wissal Ayadi