Tunisie : Le collectif Baddel milite pour la légalisation du Cannabis et dit stop à la loi 52

17-02-2022

Changer de système, changer de logiciel. C’est là tout le combat du collectif « Baddel » (change), qui réunit des jeunes Tunisiens issus de tous les milieux et de toutes les générations.

Ils déplorent l’échec de la transition démocratique. Depuis 2019, ce mouvement œuvre à proposer une alternative aux politiques menées depuis maintenant onze ans et ce dans tous les domaines.

Parmi leur cheval de bataille, la fameuse loi 52, qui punit la consommation et le commerce de stupéfiants. Lors d’une conférence de presse organisée ce jeudi 17 février à Tunis, au siège du Syndicat national des journalistes tunisiens, ils ont présenté les grandes lignes d’un projet qui serait proposé aux pouvoirs publics et qui prône la légalisation de la consommation du cannabis.

20% des prisonniers tunisiens sont incarcérés pour avoir fumé un joint

« Stop à la loi 52 et stop à la prison », voilà le slogan crié par le collectif « Baddel ». Etudes à l’appui,  ils ont tenu à montrer les ravages de cette loi qu’ils considèrent comme étant trop répressive.

D’après les chiffres récoltés auprès du ministère de la Santé, ils seraient 12430 personnes à avoir été emprisonnées pour consommation de cannabis entre 2016 et 2020. Rien qu’en 2012, 2502 personnes ont été enfermées derrière les barreaux. « Un an de prison pour avoir fumé un joint c’est beaucoup trop. Ruiner la vie de jeunes juste pour un joint c’est injuste », déplore Naja Kodia.

En réalité « Baddel » affirme que les chiffres sont bien plus importants que ceux qui leur ont été communiqués.

« Dans toutes les familles tunisiennes, il y a  au moins un membre qui consomme du cannabis », affirme Bilel Fitouhi, accusant les autorités d’hypocrisie vis à vis de la question de la « zatla » comme on l’appelle en Tunisie. Le collectif « Baddel » estime que la répression n’est pas la solution quand il s’agit de cannabis. Selon eux, cette substance, si elle est prise de manière raisonnable, ne peut pas être considérée comme dangereuse.

Le collectif « Baddel » considère également qu’il existe une justice à deux vitesses concernant les affaires de stupéfiants, minée par la corruption. « Si vous avez de l’argent, vous pouvez être blanchis facilement, mais quand vous êtes pauvre c’est foutu! », indiquent-t-ils. Une pensée qui fait écho à la récente affaire de cocaïne où ont été impliqués un chanteur et un athlète, qui malgré les preuves ont été innocentés, ce qui a crée un véritable tollé dans l’opinion publique ces dernières 24 heures.

Le cannabis n’est pas dangereux s’il est pris à bon escient

Par ailleurs, le mouvement justifie cette position en rappelant que l’Organisation mondiale de la santé (OMS), à travers la Commission des stupéfiants des Nations Unies (CND)  a décidé de retirer le cannabis du tableau IV de la Convention unique sur les stupéfiants de 1961 – où il figurait aux côtés d’opioïdes mortels et addictifs spécifiques, y compris l’héroïne.

Le collectif s’est également appuyé sur l’expérience d’autres pays où la consommation de cannabis thérapeutique a été réglementé. En effet, à l’heure actuelle, plus de 50 pays ont adopté des programmes relatifs au cannabis médicinal, tandis que le Canada, l’Uruguay et 15 États américains ont légalisé son usage récréatif.

Selon « Baddel », le véritable problème en Tunisie demeure dans la qualité du cannabis qui circule dans le pays. « Nous avons en Tunisie du cannabis de très mauvaise qualité qui est coupé avec des médicaments et d’autres substances obscures. Seul 8% de cannabis pur circule », indique Najla Kodia.

Légaliser le cannabis

Le collectif « Baddel » a décidé de mettre un pavé dans le mare afin de démystifier la consommation de cannabis en Tunisie. Ainsi, ils ont décidé d’élaborer un projet de loi visant à légaliser la consommation, en établissant un cadre légal qui soit en rupture avec le tout répressif, encadrer la production, la distribution, la consommation tout en faisant de la prévention sanitaire.

« Notre proposition serait de mettre en place un Office national qui régirait les circuits de production, de commercialisation et de consommation », dévoile Najla Kodia. D’après cette dernière, il s’agit là d’organiser cette filière à l’image de celle du tabac, la RNTA.

Les consommateurs qui voudront acheter du cannabis devront demander « une carte de consommateur auprès de cet office et se fournir dans des boutiques dédiées (comme des bureaux de tabac). Il y aura plusieurs conditions à l’obtention de cette carte comme être majeur, être de nationalité tunisienne ou disposer d’une carte de résident et d’être en pleine capacité mentale, peut-on lire dans le projet de loi.

Elle fera apparaître le nom, le prénom, les trois derniers chiffres de la carte d’identité et un identifiant unique et sera protégée par loi relative aux données personnelles. Cette carte est au prix de 20 dinars et est renouvelable tous les ans. Elle limite l’achat de cannabis à 5 grammes par semaine.

Le collectif « Baddel » affirme que la légalisation du cannabis en Tunisie pourrait jouer un rôle essentiel dans le développement économique du pays, étant donné le nombre important de consommateurs dans le pays. Ils seraient environ 1 millions dont 400.000 réguliers.

Ce projet de loi, dont une version définitive sera présentée dans un mois, sera proposé au moment où la Tunisie aura un pouvoir législatif indépendant, a conclu le mouvement.

Wissal Ayadi