Tunisie : Le gouvernement de Hichem Mechichi serait plébiscité à l’Assemblée, malgré les réticences !
Hichem Mechichi s’apprête à dévoiler son gouvernement de compétences nationales, devant un paysage politique divisé, même si la majorité nécessaire à lui voter la confiance semble acquise. Aucun parti n’osera faire perdurer cette situation provisoire, préjudiciable au pays, et baliser la voie à un scrutin avant-terme.
Le choix du chef du gouvernement désigné de passer outre les partis politiques et de former un gouvernement de technocrates, le deuxième qu’aura connu la Tunisie après celui de Mehdi Jomaâ en janvier 2014, fait grincer des dents.
Ses détracteurs pointent cette démarche dans la mesure où elle marginalise les partis qui sont faits pour gouverner, et balaie d’un revers de main les résultats des élections.
Ils estiment, par ailleurs, qu’un gouvernement de compétences sera faible et fragile, et vacillera à la moindre déconvenue, n’étant pas doté d’une majorité parlementaire ; la fameuse ceinture politique sans laquelle, il ne pourra pas faire voter ses lois, imposer ses politiques et engager des réformes.
Dans le camp adverse, l’orientation du candidat du président à la succession d’Elyes Fakhfakh, est vivement saluée, considérée comme étant le meilleur antidote aux problèmes devenus endémiques dont souffre la Tunisie pendant les dix dernières années. Les gouvernements de coalition qui se sont succédé ont été otage de querelles et tiraillements idéologiques, chose qui en a freiné l’action, et nui au pays.
Ces coalitions ont, par ailleurs, manqué de solidarité gouvernementale et de cohésion autour du chef du gouvernement, qui s’est souvent retrouvé seul, à ramer à contre-courant de tendances politiques contradictoires, versant beaucoup plus dans les calculs politiques étriqués et les considérations partisanes que dans l’intérêt suprême du pays.
Entre les pour et les contre, on trouve le clan « des oui…mais » ; ceux qui, même s’ils n’apprécient pas tout à fait que les partis soient exclus du pouvoir exécutif, se résolvent à voter la confiance au gouvernement, invoquant l’intérêt national, et la situation dans le pays qui ne souffre pas que l’on se dirige vers des élections anticipées.
L’alliance Attayar/ Echaâb va-t-elle résister à une telle divergence de fond ?
La position du mouvement Ennahdha (54 députés) n’es pas officialisée. Les avis en son sein semblent divergents quant à voter ou non la confiance à Méchichi ; son instance suprême, Majless el-Choura, se réunira pour trancher ces divergences et sortir avec une position commune.
Son président Rached Ghannouchi a exprimé hier « la position de principe » de son mouvement défavorable à un gouvernement de compétences, « étant contraire à la démocratie et aux résultats des élections ». « La démocratie est le règne des partis et l’expression des équilibres des conseils élus, et non le pouvoir des compétences », avait-il déclaré en substance hier, lors d’une conférence de presse, à Sfax.
Le Courant démocrate (22 députés) rejette à son tour le choix de Mechichi, et annonce d’emblée qu’il ne lui votera pas la confiance. Dans une décision rendue à l’issue de son Conseil national, le parti pointe « une atteinte à l’expérience démocratique naissante, en outrepassant les partis politiques, principal noyau des régimes démocratiques, et une violation de la volonté des électeurs ».
Une position qui est aux antipodes de celle de son allié Echaâb qui forment ensemble le bloc démocratique (38 députés).
Le mouvement du peuple (15 députés) annonce son intention d’accorder la confiance au gouvernement attendu ; une décision prise à l’issue de son conseil national tenu hier dimanche.Â
Echaâb, qui porte l’étendard du nationalisme et du panarabisme, a plaidé dès le lendemain des élections de 2019 pour « le gouvernement du président ». Le parti s’est toujours rangé derrière le locataire de Carthage, et ne déroge pas à la règle cette fois-ci, nonobstant ses réticences envers un gouvernement de compétences et sa foi en le rôle des partis qui sont à la base de la vie politique, comme l’ont déclaré ses dirigeants.
L’alliance parlementaire des partis de Mohamed Abbou et de Zouhaïr Maghzaoui va –t-elle résister à une telle divergence de fond ? Quel avenir pour le bloc démocratique alors que ses deux composantes ne regardent pas dans le même direction…
Hichem Mechichi a, néanmoins, des fervents soutiens au sein de l’Assemblée qui applaudissent sa décision et lui témoignent d’emblée leur confiance, à l’instar du groupe de la réforme (16 députés), ou celui du PDL (17 députés).
Il y a donc autant de positions envers le nouveau gouvernement, dont la composition sera connue avant l’expiration des délais constitutionnels demain mardi 25 août, que de partis, mais tout porte à croire que ce gouvernement va passer. Les partis ne vont pas prendre le risque d’écourter leur mandat parlementaire, d’amener le président de la république à dissoudre l’Assemblée et à aller vers des élections anticipées dont l’issue n’est aucunement garantie pour eux.
Reste une condition sine qua non posée par ceux qui envisagent de plébisciter le gouvernement, l’indépendance de ses membres devant être intégrale et insoupçonnable, pour convaincre tout le monde ; comme le fait que les nouveaux titulaires des postes ministériels soient au-dessus de tout soupçon de corruption.
Le futur gouvernement devra passer à une large majorité, dépassant celle absolue des 50+1 (109 députés), la question est de savoir s’il est en capacité de durer, d’apaiser le climat, et d’assurer la stabilité sans laquelle la Tunisie ne pourra guère avancer.
H.J.
Il ne faut pas non plus nous chanter à tue-tête que c’est le « gouvernement de la dernière chance » et que sans lui, rien ne peut se faire.
Si on doit aller aux élections, eh bien allons-y en espérant que cette fois-ci les tunisiens auront beaucoup plus de sens civique et iront voter en masse. Car j’ai comme la vague impression et j’espère que je me trompe, que c’est un gouvernement formé en grande partie des « copains » et « des copains de copains » du Président que l’on veut installer là …