Tunisie : Le prolongement de la séance unique, une décision lourde de conséquences pour l’économie !

01-09-2021

Ce 1er septembre ne marque pas la reprise de la double séance, comme attendue. La séance unique a été prolongée, par décision présidentielle. Si les Tunisiens sont partagés entre ceux qui sont favorables à cette prorogation et ceux qui la rejettent, cette mesure s’avère lourde de conséquences, pour une économie déjà en difficulté, ne serait-ce qu’en termes de manquer à gagner, en matière de recettes fiscales, qui représentent, en moyenne 60% du budget de l’Etat. Des pertes qui ne feront qu’aggraver une crise économique, doublée par une crise politique et sanitaire.

Dans un entretien accordé à Gnetnews, Pr.Ridha Choundali, professeur en sciences économiques, avertit contre une plus grande dégradation de la situation économique. Avec ce contexte exceptionnel que vit le pays depuis le 25 juillet, gel des activités de l’ARP, absence d’un gouvernement, absence d’une vision claire pour l’avenir, la Tunisie risque de voir ses indicateurs économiques au rouge, souligne-t-il.

Avant même les changements profonds survenus le 25 juillet, l’économie était déjà paralysée. S’y ajoute l’absence d’un ministre de l’économie, un poste clé pour maintenir la stabilité économique du pays.   Même si les 2400 millions de dinars mensuelles de recettes fiscales, prévues par le  budget de l’Etat 2021, ont été réunis avec succès jusqu’au mois de mai, la Tunisie verra, dans les circonstances actuelles, ses revenus fiscaux régresser… »..

 Ridha Chkoundali a rappelé que la BCT a opté dernièrement pour des crédits des banques locales pour honorer ses engagements envers ses créditeurs, et rembourser deux tranches d’un crédit extérieur contracté il y a quelques années sur le marché monétaire international, avec caution américaine pour 1 milliard de dollars et un taux de 2,45% d’intérêt.

 « L’Etat remboursera 2809.8 millions de dinars mensuelles pour les banques locales, ce qui montre bien que les revenus fiscales enregistrés cette années seront utilisées pour payer ces dettes,  les caisses de l’Etat seront, par conséquent, à plat », prédit-il.

Par ailleurs, les derniers rapports du FMI ainsi que la note souveraine de la Tunisie, accordée par les agences de notation,  ont rappelé clairement l’urgence de former un gouvernement, pour reprendre les négociations, afin que la Tunisie puisse enfin obtenir des crédits pour alimenter ses caisses.

« Le FMI ainsi que d’autres institutions financières internationales ont exigé la reprise du processus démocratique, et la levée du gel sur les activités de l’ARP, pour pouvoir débloquer une autre aide financière pour la Tunisie en tant que pays frappé par les séquelles économiques de la pandémie du covid-19. Et partant, ce contexte exceptionnel ne doit pas persister… ».

L’économiste a, également, précisé qu’à cause de la crise politique, la prolongation de cette période de flou et l’absence d’une feuille de route, les investisseurs demeureront réticents. « Conséquences, les recettes publiques continueront à baisser et cela se répercutera sur la croissance économique du pays, ayant baissé déjà de 2% durant le deuxième semestre de 2021 ».

Des heureux, mais surtout des mécontents

Outre ses conséquences économiques, la décision de prolonger la séance unique a fait des heureux, mais aussi des mécontents. « Le fait que cette décision a été prise comme mesure restrictive contre la propagation du coronavirus, est dérisoire », nous a lancé, Moufida, une mère de famille.

« Je prends les transports communs tous les jours ce qui m’expose quotidiennement aux risques de contracter le virus. Ce n’est pas en privant les citoyens de faire leur paperasse que nous allons lutter contre la pandémie. Il s’agit juste de vacances supplémentaires pour les employés de la fonction publique, qui travaillent déjà à un rythme lent et non productif au cours de l’année. Avec la régression de la situation économique du pays, et vu la qualité de service que reçoivent les Tunisiens, ce régime des horaires de l’été devrait être supprimé définitivement », propose-t-elle.

D’après son avis, cette décision aura l’effet contraire, des files d’attente interminables devant les municipalités, dans les locaux des recettes des finances, et les postes… « Sans parler de l’encombrement dans les espaces de services et des embouteillages ».

Alors que ces services fermeront leurs portes à 14h, un autre médecin urologue nous a confié qu’il n’arrivera pas en ce début mois à déposer ces déclarations fiscales mensuelles. « Je termine mes consultations à 13h. Une heure ne sera pas suffisantes pour me déplacer au centre-ville, là où sont concentrés tous les services dont j’ai besoin. J’attendrai donc la reprise de la double séance pour pouvoir faire mes papiers tranquillement ».

Pour Ines, une autre mère de famille qui travaille au privé, elle profitait d’habitude de sa pause-déjeuner entre midi et deux, pour préparer les papiers d’inscription de ses fils à l’école, à l’approche de la rentrée. « J’ai un extrait de naissance à fournir, des timbres à acheter de la poste ; mon mari a aussi des papiers à légaliser. Un rythme infernal nous attend, vu que l’obtention des autorisations de sortie de travail avant l’heure habituel, ne sont pas faciles à obtenir, notamment en cette période de reprise professionnelle aussi ».

Karim, un restaurateur au centre-ville de Tunis comptait sur cette période pour reprendre ses activités. « D’habitude, le secteur des cafetiers et des restaurants comptent sur le retour des employés de la fonction publique des congés, pour qu’ils viennent déjeuner à partir de midi. Maintenant, ces clients vont pouvoir rentrer tôt avec la prolongation des horaires de l’été. Nous serons contraints d’attendre la rentrée scolaire pour rattraper nos pertes, surtout que l’été est considéré comme une période creuse pour les restaurants du centre-ville, désertés depuis le mois de juin ».

Il y a ceux, néanmoins, que cette décision a réjoui, y percevant une occasion pour prolonger leurs vacances et bien préparer la rentrée des enfants.

Emna Bhira