Tunisie : Les stations balnéaires prises d’assaut, mais l’affluence est en deçà des espérances des professionnels du tourisme

05-08-2022

La saison touristique bat son plein. Les plus grandes stations balnéaire du pays voient des milliers de touristes affluer chaque jour afin de profiter des eaux turquoises et des plages de sable blanc.

Après deux années difficiles suite à la pandémie de Covid-19, les hôtels, qui étaient au bord du gouffre financier peuvent enfin souffler.

D’après les indicateurs de la Banque Centrale de Tunisie? les revenus touristique ont augmenté de 50% jusqu’au 10 juin dernier par rapport à l’année 2021. De son côté, l’Office national du tourisme tunisien a affirmé que le nombre de touristes a augmenté de 100% dépassant les deux millions à la fin juin.

« Depuis le week-end ayant précédé le 25 juillet, le rythme des réservations s’est accéléré surtout du côté du marché local », souligne Rached Krid, Directeur commercial de la chaîne hôtelière Medina Hotels disposant de trois établissements situés dans la zone de Yasmine Hammamet.

En effet, l’afflux des Tunisiens dans les hôtels coïncide avec les congés. « En ce qui concerne notre hôtel, nous sommes presque plein jusqu’au 13 août. Le profil des clients est surtout des fonctionnaires, des cadres avec des familles. Nous sentons qu’il y a un vrai engouement de leur part. Ceci les incite à sortir pour dépenser à l’extérieur de l’hôtel  favorisant ainsi le développement des commerces », indique M. Krid.

Pour autant, un bémol est venu perturber une saison qui s’annonçait réussie. En effet, l’hôtelier explique que l’arrivée massive espérée des touristes algériens est très loin des attentes. « Nous travaillons beaucoup avec la clientèle algérienne et nous nous sommes réjouis de l’ouverture des frontières et nous nous sommes préparés. Malheureusement ils ne sont pas au rendez-vous », nous dit-il.

Après deux ans de fermeture, les frontières terrestres entre les deux pays ont rouvert le 15 juillet dernier laissant espérer l’arrivée massive des Algériens connus pour privilégier la destination Tunisie pour leurs vacances.

Deux raisons sont à l’origine de cette situation : le Pass sanitaire et l’augmentation du coût des réservations ainsi que de la vie.

« Je me suis entretenu avec le représentant de l’Office du tourisme tunisien en Algérie  et il explique que la raison principale demeure dans l’obligation de présenter un test PCR lors de leur retour en Algérie. Sachant qu’un test PCR coûte 170DT en Tunisie, cela représente un budget conséquent surtout pour ceux qui viennent en famille. De plus, il y a une zone d’ombre sur les conditions d’entrée en cas de test positif… Il n’y a pas de réponse de côté là. D’autre part il faut savoir qu’en Algérie, beaucoup de personnes ne sont pas vaccinés… une situation rédhibitoire pour l’entrée sur le territoire tunisien puisqu’il faut présenter la preuve du schéma vaccinal », ajoute Rached Krid.

Toujours selon l’hôtelier, les Algériens se plaignent également de l’augmentation des prix à la fois des nuitées dans les hôtels mais aussi de la vie en générale, due à l’inflation

Sauf, que les choses ont changé depuis. Le président de la République, Kaïs Saïed, a décidé dimanche dernier de dispenser les touristes algériens du test de dépistage PCR, après concertations des ministres de l’Intérieur tunisien et algérien. Une mesure qui est de nature à booster les arrivées des Algériens sur le territoire national.

Plus de 60 mille touristes ont franchi, jusque-là, les frontières vers la Tunisie, a affirmé dernièrement le ministre du Tourisme, estimant que son département mise sur la venue d’un million de touristes algériens, cette année.

Une année de survie

Nous avons également contacté Mr Abdessattar Badri, Directeur Général de TTS, qui est  la plus grande agence de voyage du pays. Elle détient la majorité des marchés avec les plus célèbres Tour Operator du monde mais également la compagnie aérienne Nouvel Air. Dans un précédent article, ce dernier avait déjà affirmé qu’il s’agit d’une année de survie. « Nous n’étions déjà pas très optimiste avant que le saison commence. Nous étions plutôt réalistes. Mais cette saison est loin d’être comme nous l’espérions. Nous ne pouvons pas vraiment parler de reprise. Finalement cette année doit nous permettre de préparer celle de 2023 », nous dit le professionnel.

Il explique que même si les chiffres sont positifs et bien meilleurs que ceux de 2021, ils ne sont pas à hauteur des espérances.

Il ajoute par ailleurs que cette situation est peut-être « un mal pour un bien ». Dans ce sens, Abdessatar Badri rappelle que les hôteliers ne sont pas prêts pour recevoir un afflux de touristes très important. « Après deux ans de crise, on ne peut pas remettre à jour les structures et la qualité du service en seulement quelques mois. C’est pour cela que cette saison peut constituer une sorte de préparation pour l’année prochaine », nous dit-il.

D’autre part, Abdessattar Badri a insisté sur le fait que les autorités doivent en urgence adopter une stratégie afin d’améliorer la qualité d’accueil des voyageurs à l’aéroport de Tunis-Carthage. « Il n’est pas normal qu’un touriste européen fasse deux heures de vol pour que une fois arrivé à l’aéroport, il soit obligé d’attendre 2h voire 2h30 de plus pour sortir ».

En effet, de nombreuses images ont circulé sur les réseaux sociaux montrant des voyageurs agacés par la longue attente pour remplir les formalités de police ou pour récupérer les bagage à cause d’une logistique qui laisse à désirer.

Sans parler de l’infrastructure elle-même. « La première image que voit le touriste en arrivant à sa destination est l’aéroport. Ici à Tunis, il trouve d’abord une longue attente et ensuite en sortant des détritus par terre et des déchets de construction qui jonchent aussi le sol ! Le préau qui permet de faire patienter les touristes à l’ombre avant de monter dans les bus de transfert s’est transformé en parking de motos. C’est grave! ».

Outre la saison estivale, il faut également travailler sur l’arrière saison, en hiver. En effet, les touristes anglais et français sont des habitués de cette période dite « creuse ». D’après Badri, deux tours opérateurs anglais ont déjà confirmé le maintien de 3 vols chacun, soit 6 vols pour cet hiver. « Six vols l’hiver valent plus que 20 vols l’été, car ce sont des avions charters qui sont remplis de touristes uniquement », conclu le DG de TTS.

Wissal Ayadi