« Les Tunisiens n’ont pas su profiter de la crise libyenne » (Marouane El Abassi)

31-01-2020

L’enlisement de la crise Libyenne a été un point majeur des discussions tant au niveau régional que mondial.
La Tunisie ne peut être écartée de ce sujet tant les répercussions sur notre pays sont importantes. Les enjeux politiques et économiques du conflit libyen et leur impact sur la Tunisie ont été au cœur d’un déjeuner-débat organisé par Alumni IHEC ce jeudi à Tunis, au siège de l’Institut arabe des Chefs d’Entreprises (IACE)

L’invité phare de cet évènement a été Marouane El Abassi, Gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie. Dans un premier temps, ce dernier a rappelé l’importance du rôle de la Tunisie dans le règlement de crise libyenne. « La Tunisie et la Libye ne peuvent être dissociés. Ils sont un seul et même peuple »,  s’agissant notamment des similitudes culturelles et de langue entre les deux pays.

Il a, par ailleurs, mis en avant la nécessité de favoriser « une intégration entre les deux Etats et plus largement, une intégration maghrébine réunissant les 4 pays qui bordent la Méditerranée ».

Alors qu’il était en poste à la Banque Mondiale, chargé de la question libyenne, le gouverneur de la BCT a affirmé qu’une étude avait été réalisée sur l’impact de la crise libyenne sur la Tunisie. Ainsi il exhorte les Tunisiens à « dé-diaboliser les effets de celle-ci ». En effet, selon les chiffres de l’Institut National des Statistiques, en février 2016, seuls 20.000 libyens ont été recensés comme résidents permanents en Tunisie, et non pas 2 millions comme l’avait annoncé le ministre de l’Intérieur de l’époque. Cette dédramatisation de Marouane El Abassi vient en réponse aux nombreuses réactions négatives de la part des Tunisiens sur le flux de migrants libyens venus en Tunisie depuis 2011. « Ce n’est pas le flux de migrants libyens qui a causé l’augmentation des prix en Tunisie », a-t-il voulu préciser.

Concernant les investissements entre les deux pays, Marouane El Abassi a déclaré que « les Tunisiens n’ont pas su profiter de la crise libyenne. Il y a des libyens qui ont voulu trouver des investisseurs tunisiens mais il n’y avait personne ». A cet égard il a ajouté que « les entreprises tunisiennes devaient voir la Libye comme une opportunité économique ».

D’après le gouverneur de la BCT, aujourd’hui, les échanges commerciaux entre la Tunisie et la Libye s’élèvent à environ 1.7 milliards de dinars, un chiffre en baisse par rapport à 2018 et 2017.

Avant 2010, 150.000 tunisiens travaillaient en Libye et celle-ci était le deuxième partenaire commercial de la Tunisie après l’Union Européenne, soit entre 10% et 15% de son commerce extérieur. « Ces gens-là rapportaient à leurs familles tunisiennes entre 50.000 et 60.000 dollars par mois ». C’est dire l’importance des échanges entre les deux Etats, notamment en termes de réserves en devises. D’autant que ces travailleurs tunisiens, sont tous revenus après l’éclatement du conflit libyen dans les villes frontalières, augmentant le taux de chômages de ces régions déjà en difficulté.

D’après Marouane El Abassi, « ce retour en masse à favorisé l’économie informelle ». Celle-ci se traduit notamment par l’échange frauduleux de produits dits subventionnés. « Il faut que les subventions croisées s’arrêtent entre les deux pays en allégeant par exemple les procédures douanières », affirme-t-il.

Concernant les opportunités d’emplois en Libye, le patron de la banque des banques a déclaré qu’en vue de sa reconstruction, la Tunisie devait être présente. « La Libye aura besoin de beaucoup d’ingénieurs par exemple. Elle a aussi besoin de médecins qualifiés ».

Pour conclure, le gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie a voulu rassurer sur la situation financière de la Libye. A cet égard il a souligné que « le taux de change est maîtrisé et que les réserves en devises atteignent les 90 millions de dollars ».

Wissal Ayadi