E-Commerce en Tunisie : Un fort potentiel inexploité, malgré l’essor

11-09-2020

La crise sanitaire du coronavirus a accéléré l’essor du e-commerce en Tunisie. Fermeture de milliers de magasins physiques, déplacements réduits, mesures préventives rigoureuses de lutte contre la propagation du covid-19. Tous ces facteurs ont bouleversé le comportement des consommateurs.

L’e-commerce serait-il la solution pour sauver les secteurs des ventes et services, effondrés lors de la crise économique actuelle ? Dans une aire où 2.7  milliards d’internautes de la population mondiale sont connectés sur  les réseaux sociaux, ces plateformes seraient-elles les futures vitrines virtuelles, qui remplaceront boutiques, magasins et grandes surfaces ??

En effet, avec des consommateurs post-covid-19, enfouis derrière leurs écrans, obnubilés par les gestes barrières et la peur de la contagion, de plus en plus méfiants du monde extérieur… Les commerçants ont dû s’adapter à la nouvelle donne pour sauver leurs chiffres d’affaire.

C’est le cas de cette propriétaire d’une boutique de linge de maison située dans un quartier huppé de la capitale. Entrepreneur depuis des années, elle nous a confié que la période du confinement a nui gravement à son activité commerciale.

« Je n’ai enregistré aucune entrée d’argent depuis le début de la pandémie. Maintenant, je tente d’écouler la marchandise qui m’est restée sur le dos, grâce à des réductions allant jusqu’à 70%. En attendant, d’ici la fin du mois, je vais me convertir dans la vente en ligne. Il suffit de créer une page Facebook, et de faire appel à une société de livraison spécialisée. Les charges sont insupportables et les impôts ne cessent de frapper les commerçants. C’est l’unique solution pour ne pas abandonner et disparaitre du marché », déplore-t-elle.

L’e-commerce propulsé par la crise sanitaire

En effet, le nombre de pages Facebook de vente en ligne, a augmenté durant le confinement sanitaire.  Des épiceries voire des supermarchés, marchands de légumes et fruits, bouchers, vendeurs de linge de maison, artisans, épiceries fines…livrent leurs marchandises à domicile. D’autres enseignes d’agroalimentaire sont apparues, comme « Founa.tn », « O’Frais », « Fartrust », et qui ont bien réussi à séduire les internautes. Certains sites, ont même dû arrêté les commandes à cause de la forte demande. Ils étaient débordés voire saturés durant le confinement.

 Les tarifs que la plupart de ces vendeurs affichent sont, à peine, plus chers que les prix d’un magasin physique. C’est la marge qu’on rajoute pour assurer les charges de la livraison, la préservation des produits périssables, et le prix d’un service destiné  à une clientèle, plutôt aisée…

La marchandise de contrebande en vente sur les réseaux sociaux

D’autre part, les modalités de paiement de ces magasins en ligne en disent long sur le type de leurs activités commerciales.

Certains travaillent légalement, avec une patente, déclaration fiscale, et optent pour un paiement  électronique sécurisé en ligne, à travers des conventions avec la banque ou la poste tunisienne. En général, c’est le cas des enseignes spécialisées dans l’agroalimentaire ou des boutiques reconverties à l’e-commerce…

D’autres vendeurs, disposant seulement d’une page Facebook pour étaler leurs produits, obligent les clients à payer en espèce, à la livraison. Leurs produits reviennent ainsi moins chers, mais leurs fournisseurs demeurent inconnus. Contrebandes, produits non déclarés, la plupart des acheteurs ferment les yeux sur ces « détails », et préfèrent mieux limiter leurs dépenses.

En demandant à une cliente habituée à l’achat en ligne, sur la provenance des articles qu’elle achète généralement à très bas prix sur internet, elle nous a confirmé qu’il s’agit d’une marchandise qui vient des zones connues par leurs vastes souks de produits de contrebande. Elle a cité El Jemm (Mahdia), M’saken (Sousse) et Sahline (Munastir)… « On y trouve électroménager, vaisselle, meuble, tapisserie, linge de maison, literie, décoration, vêtements…Tout y est ! Seul bémol, la qualité peut parfois être très moyenne, voire médiocre. Il faut savoir faire la différence, et chiner les bonnes affaires», recommande-t-elle.

Sur l’avantage de ces « souks populaires en ligne », la cliente nous a expliqué qu’avec le confinement, plus besoin de longs trajets pour s’y rendre. Les articles sont désormais étalés sur des photos partagées sur Facebook, qui a donné la possibilité aux commerciaux  de répondre instantanément aux questions des clients, par messagerie. Les vendeurs reçoivent les confirmations de commandes par téléphone. Reste à recevoir son panier d’achat dans 2 ou 3 jours au maximum. Les sociétés de livraison  s’occupent de ce volet… »

« Il existe même un service après-vente en ligne. Ces « magasins virtuels », essaient toujours de fidéliser leurs clients. Ils acceptent les échanges et négocient des solutions gagnant-gagnant. Des petites réductions, cadeaux, et remises…Il s’agit d’un vrai marché parallèle en croissance », conclut-elle.

Le commerce électronique : un secteur prometteur à développer

Près de 4 millions de transactions commerciales (plus précisément 3,8 millions) en ligne en Tunisie, ont été effectuées en 2019 pour une valeur globale de 271,5 millions de dinars, ce qui a constitué une hausse de 21% par rapport à 2018. C’est ce qu’a souligné Khabbab Hedhri, directeur du développement du commerce électronique et de l’économie immatérielle au ministère du Commerce en de février 2020.

Pourtant, le chemin vers une vraie mise en place de tout un secteur de commerce en ligne (service et vente) reste lent et parsemé d’obstacles notamment pour les jeunes. Procédures administratives complexes, bureaucratie, paperasse, et plusieurs exigences de la part des banques et des services monétaires pour instaurer un paiement en ligne sécurisé.

Pour ce jeune entrepreneur d’une trentaine d’années, Ezzet Chtourou le fondateur du site Teskerti.tn., un des premiers sites de billetterie électronique en Tunisie, nous a indiqué que le lancement de ce type de projet nécessite beaucoup de patience…

« La négociation avec les banques pour une marge d’intérêt équitable est dur à effectuer. Je conseille les startupers de travailler sur un produit rare et il faut inventer surtout les services et pas miser sur la vente, qui sature le marché…Le commerce en ligne est un bon moyen pour lutter contre le chômage, reste à oser la créativité, l’innovation et surtout suivre les voies légales garantissant la pérennité du projet… », a recommandé le jeune entrepreneur.

Emna Bhira