Tunisie : La participation de la femme à la prise de décision est en deçà des espérances

25-03-2021

« La participation pleine et effective des femmes à la prise de décisions dans la sphère publique », tel est le thème de la conférence nationale organisée ce jeudi 25 mars par ONU femmes Tunisie/ Lybie, et cela en partenariat avec le ministère de la femme, de la famille et des séniors.

Cette conférence est tenue à l’occasion de la de la 65ème  commission de la condition de la femme des Nations Unies (CSW), principal organe intergouvernemental mondial dédié exclusivement à la promotion de l’égalité des sexes et de l’autonomisation des femmes.

 Dans une déclaration accordée à Gnetnews, la représentante d’ONU femmes Tunisie-Lybie, Begona Lasagabaster, a souligné que  le thème de la 65ème CSW rejoint les engagements constitutionnels de la Tunisie, dont l’article 46 de la constitution qui stipule que « l’Etat s’engage à protéger les droits acquis de la femme, les soutient et œuvre à les améliorer. L’Etat garantit l’égalité des chances entre la femme et l’homme pour assumer les différentes responsabilités et cela dans tous les domaines ». « L’Etat œuvre à réaliser la parité entre la femme et l’homme dans les conseils élus. La Tunisie garantie également, la représentation des femmes dans les instances élues, la loi exige la parité verticale pour les élections parlementaires et la parité horizontale et verticale pour les élections locales »….

D’après la représentante d’ONU femmes, seuls 22pays ont actuellement à leur tête une femme cheffe d’État ou de gouvernement, tandis que 119 n’ont jamais connu une telle configuration, ce qui a des conséquences importantes pour les aspirations des filles qui grandissent. Vu la tendance actuelle, il faudra attendre 2150 avant de parvenir à la parité entre les sexes au plus haut poste de l’État. Dans les Parlements, les hommes détiennent toujours 75 % des sièges. Bien que le rôle principal des parlements nationaux soit de représenter l’ensemble de la population dans la prise de décision, la représentation des femmes n’est passée en moyenne que de 12 % en 1995 à 25 % en 2020. À ce rythme, la parité des genres dans les organes législatifs nationaux ne sera pas atteinte avant 2063.  Le leadership féminin reste en difficulté dans bien plus de domaines- En2020, les femmes représentaient en moyenne (à l’échelle mondiale) 4,4 % des chefs d’entreprise, 16,9% des membres des conseils d’administration, et 13%des négociateurs de paix».

En parlant de l’importance de la participation pleine et effective des femmes à la prise de décisions dans la sphère publique, la représentante d’ONU femmes Tunisie/ Lybie a précisé aussi que la Tunisie, en tant qu’alliée de la CSW, pourrait convaincre d’autres pays à intégrer cette démarche de développement sociale.

« La Tunisie pourrait également être un modèle, capable d’inspirer à une meilleure volonté politique, visant à adopter des méthodes inclusives, la mise en place d’une budgétisation sensible au genre, et la révision  du modèle économique… », conclu-t-elle.

Un grand écart entre les principes de constitution et leur mise en pratique

En tentant de répondre à cette question, Professeur Salwa Hamrouni, de la Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis, (FSJSPT) a révélé que les acquis des femmes au niveau des textes constitutionnels, n’ont pas beaucoup évolué depuis 2011.  

Sur le plan politique, Pr. Salwa Hamrouni a évoqué  2 principes fondamentaux de la constitution Tunisienne,  dont le premier est prononcé dans l’article 34 relatif aux droits d’élection, stipulant que  l’Etat veille à garantir la représentativité des femmes dans les assemblées élues. « Pour être plus efficient, cet article doit préciser le taux de leur  représentativité, et cela d’une manière scientifique, par rapport à leur nombre dans la société, qui dépasse celui des hommes en réalité ».

Dans son intervention, Pr. Hamrouni s’est également interrogée sur les efforts de l’Etat pour la mise en œuvre de l’article 46, qui stipule que « l’Etat s’engage à protéger les droits acquis de la femme, les soutient et œuvre à les améliorer. Il garantit l’égalité des chances entre la femme et l’homme pour assumer les différentes responsabilités et dans tous les domaines. L’Etat œuvre à réaliser la parité entre la femme et l’homme dans les conseils élus. L’État prend les mesures nécessaires afin d’éradiquer la violence contre la femme ».

A ce sujet, elle a souligné que ce principe n’a été appliqué que dans les élections municipales, et ça a donné ses fruits. Quand aux femmes placées en têtes de listes électorales, lors des élections législatives, elles y figuraient en majorité dans des régions peu importantes pour les partis. En revanche, les hommes, ont été souvent placés en tête de liste de régions stratégiques.

Par ailleurs Hamrouni a indiqué que ce problème de discrimination doit être traitée en premier lieu au niveau du noyau familial, pour que ce fléau soit éradiqué de la société.

A cet effet, elle a appelé à réviser l’article 23 du code du statut personnel sur les obligations réciproques des époux, qui déclare que l’homme est le seul chef de la famille, assurant ainsi une forme claire de dominance masculine contradictoire avec les principes de la constitution, conclut-elle.

« Ceci se reflète sur une plus grande échelle. Les hommes au pouvoir s’opposent souvent à la présence des femmes à des postes de responsabilité, y compris au sein des partis politiques. Les niveaux de pauvreté plus élevés des femmes, leur accès plus limité au financement, leurs obligations de soins plus importantes et les défis qu’elles doivent relever pour exercer pleinement leurs droits, combinés aux règles et procédures institutionnelles exclusives, limitent leur pleine participation. L’idée que les femmes ne devraient pas avoir de rôles publics, les normes persistantes concernant les rôles de genre aggravent ces problèmes et dévalorisent la contribution des femmes à la prise de décisions, ce qui menace à son tour le développement durable ».

Sur un autre sujet, celui du « rôle des parlements dans la promotion du leadership féminin », la présidente de la commission des affaires de la femme, de la famille et de l’enfance à l’assemblée des représentants du peuple, Sameh Damak est revenue sur la question de l’accès des femmes aux postes de responsabilité au sein de l’ARP.

Elle a rappelé, qu’il existe une seule femme à la tête d’un bloc parlementaire qui est actuellement Abir Moussi, du parti libre destourien. Quant aux présidentes de commissions, elles ne sont que trois, dont elle fait partie avec Abir Moussi également et Samia Abou du courant démocrate.

« Ces femmes ont du mal à diriger leur commissions, notamment avec la persistance  de l’impunité face à la violence qui leur est faite au sein du parlement l’impunité.  Ces dernières doivent résister aux pressions, et ne pas céder aux intimidations », a-t-elle recommandé. « 

Emna Bhira