Les Tunisiens de plus en plus attachés aux animaux de compagnie, un commerce tout autour prospère

25-08-2022

Les chiens errants continuent à inonder les rues et les quartiers résidentiels. Un phénomène qui expose les passants et les citoyens aux dangers des agressions canines, à la contamination par la rage et d’autres graves infections et parasites. Pourtant, l’Etat essaye de lutter contre ce fléau, en mettant en place des centres de vaccination gratuits, et les maries ont mené également des campagnes de stérilisation massive.

Malgré le travail des associations et des refuges engagés dans le sauvetage, l’adoption, et la prise en charge médicale des animaux sans domicile ni propriétaire, ces efforts demeurent visiblement insuffisants. Une solution de fond est désormais essentielle pour organiser la vie de ces animaux, en état de divagation, exposés également à la maltraitance, aux accidents, à la brutalité de la rue, et à l’abattage.

Qu’en est-il de la condition animale en Tunisie ?

Afin de répondre à cette question, nous avons contacté Nowel Lakech, présidente de l’Association de Protection des Animaux en Tunisie (PAT).

Dans un entretien accordé à Gnetnews, elle nous a révélé que les Tunisiens sont de plus en plus engagés dans la cause animale. « Outre le travail des différents refuges dans la PAT, qui consiste à assurer une vie digne aux animaux de compagnie, en les sauvant de la rue et les plaçant dans un refuge, en leur offrant des soins médicaux et de la nourriture, les citoyens contribuent aussi par le signalement des chats et des chiens qui ont besoin d’un toit Â», confirme-t-elle.

Les réseaux sociaux, et les groupes virtuels dédiés à la cause animale ont aussi aidé à maintenir et doubler les efforts de la part des citoyens et de la société civile. Les internautes publient les photos de chiens et chats en détresse, et tentent de les placer en famille d’accueil. Plusieurs chiens perdus ont été aussi retrouvés par leurs propriétaires via ces groupes. « Mais, avec des centaines de chiens et chats vivant dans des espaces d’accueil, plusieurs refuges sont saturés. Les adoptions des chiens errants sont rares, pourtant des étrangers sensibles à leurs histoires, payent même les frais de déplacement en avion, pour les rencontrer, les soigner et parfois les adopter ».

« Cinq centres publics de vaccination contre la rage, dans tout le pays »

Nawel Lakech a rappelé que dans le cadre du programme national de lutte contre la rage, 5 centres de vaccination sont désormais au public, à travers le pays. Un nombre qui demeure limité, par rapport à la prolifération des cas d’errance canine, déplore-t-elle.

« Le taux d’immunisation contre la rage est ainsi en baisse, alors que ces animaux sont en train de se reproduire, car peu de chiens/chats sont capturés également par la municipalités pour qu’ils soient stérilisés. Conséquence, on décide de les abattre en vue de les éradiquer, au lieu de consacrer plus de fonds aux mairies, de subventionner les associations dont les budgets dépendent de la générosité des donateurs. Il faudra sensibiliser aussi les propriétaires d’animaux par l’importance de la vaccination, la stérilisation des chiens de chasse et de garde, et par les conséquences de l’abandon Â», recommande Nawel Lakech.

Sachant qu’à l’étranger, la peine encourue en cas d’abandon est passible de deux ans prison, et d’une amende d’une dizaine d’euros. Les animaux retrouvés sont tout de suite placés dans des fourrières publiques municipales, et le détenteur qui a relâché son animal de compagnie, pourra rarement le récupérer à cause de son comportement  irresponsable. Comparé à la Tunisie, cette protection animale ne figure toujours pas dans les préoccupations de l’Etat, a-t-elle déploré. Dans ce sens, elle est revenue sur les dangers de l’élevage anarchique des races de chiens, entre animaux consanguins.

« Vu qu’il n’y a pas de législation qui organise les métiers de dresseurs canins et de comportementalistes. Il y a aussi des personnes qui ont fait l’élevage canin,  leur profession. L’accouplement de ces petites bêtes, forme pour eux une source de revenu. Notamment les vendeurs d’animaux au Souk Moncef Bey et sur Internet, qui mettent à la vente des chiens souffrant de maladies héréditaires, et d’anomalies incurables…Qui finissent également dans la rue ! a dénoncé la présidente de la PAT.

Un nouvel engouement pour les soins animaliers

Malgré le nombre élevé d’animaux abandonnés par leurs propriétaires, les chats et les chiens, sont de plus en plus présents dans les foyers des Tunisiens. Ils sont désormais une partie intégrante de la famille, et de la vie des enfants de plusieurs habitants de la capitale et des grandes villes de la Tunisie. Un constat qui nous a été confirmé par Dr. Olfa Kilani, médecin vétérinaire.

« Cet engouement pour les animaux de compagnie n’est certes pas nouveau pour les Tunisiens, mais les soins médicaux et esthétiques ont pris de l’importance chez les propriétaires. C’est au niveau du traitement des animaux, qu’il y a eu un changement », révèle-t-elle.

Selon Dr.Kilani, avant les éleveurs nourrissaient leurs animaux des restes d’aliments humains, soignaient rarement leurs maladies médicalement, en appelant l’aide d’un médecin. De nos jours, les propriétaires semblent plus informés, notamment ceux vivant dans les quartiers aisés…Ils font attention à la qualité de leurs aliments, de leur bienêtre, toilettage, etc.

En effet, la forte prolifération des magasins d’accessoires d’animaux à Tunis, confirme cette évolution. A Pet’s Lovers, une boutique située à Menzeh 5, nous nous sommes entretenus avec Ahmed Ben Miled, le responsable commercial du magasin. Ce dernier nous a parlé des budgets consacrés par les propriétaires pour subvenir aux besoins de leurs animaux.

« Vu que 99% des articles, croquettes, jouets, paniers, friandises, laisses, brosses, vêtements, colliers, shampoings, parfums, dentifrices et gadgets sont importés, les propriétaires dépensent chacun selon son budget. Sinon, la plupart privilégie la bonne qualité surtout des aliments, vu qu’une bonne alimentation leur évitera les maladies « , nous déclare-t-il.

D’après l’expérience de Dr.Kilani, cet intérêt dévoile souvent un réel engagement des détenteurs, et un sens de responsabilité vis-à-vis de ces êtres sensibles, quels que soient leurs races.

« En revanche, il existe aussi une bonne partie de Tunisiens, qui les considèrent comme des objets, à abandonner une fois âgé, ou dès la première difficulté, quand ils tombent malades, ou par peur d’être contaminé par une teigne ou des parasites…D’autres, considèrent leurs chiens/chats comme un accessoire de mode, et les choisissent selon des critères de beauté et la race la plus tendance…Enfin les raisons d’abandon sont multiples, mais sont souvent liées à un manque de considération et d’information concernant la prise en charge, l’éducation, et le dressage de ces petits toutous… ».

Dans ce sens, la vétérinaire a ajouté qu’un propriétaire doit avant d’acheter ou d’adopter qu’il s’agit d’êtres sensibles avant tout, qui doivent être non seulement nourris, mais aussi éduqués parfois par des spécialistes, pour qu’ils apprennent à faire leurs besoins, et à s’adapter avec la vie humaine. Il doit être promené pour dépenser son énergie et s’épanouir quotidiennement. Ces animaux doivent aussi consulter régulièrement chez un médecin pour éviter les maladies…Il s’agit d’un être à part entière à qui l’on doit, amour, patience, et une bonne éducation. ».

Emna Bhira