Coronavirus : Les dentistes tunisiens en détresse, face au manque de moyens

Le président du syndicat tunisien des médecins dentistes de libre pratique, Dr. Bassem Maatar, a exprimé son inquiétude face à cette pandémie du Coronavirus. «Les dentistes sont en détresse. Avec le manque des matériaux de précaution, nous serons obligés de fermer nos cabinets, à cause du manque des visières, masques chirurgicaux (FFP2) et du gel hydro-alcoolique », a-t-il souligné.
C’est un cri de détresse qu’a lancé Dr.Maatar, lors d’une vidéo-conférence qui avait pour titre « un point d’info COVID-19 », organisée par le syndicat tunisien des médecins de libre pratique (STML), ce mercredi 18 mars, et le laboratoire pharmaceutique Opalia Recordati Group.
« Cette situation est vraiment grave, pour les patients qui n’ont plus accès aux soins, surtout que 60% des cabinets sont fermés. Je pense aussi aux instances publiques. Je ne vois pas comment ils vont gérer un afflux autre que les maladies ordinaires, notamment en cas de la confirmation de la propagation du virus. A cet égard, on a communiqué nos préoccupations au ministère de la Santé, et malheureusement on n’a pas reçu une réponse positive… », a déploré Dr. Maatar.
D’autre part, Dr. Samir Chtourou, le président du STML, a révélé que « 8000 médecins travaillant dans le secteur privé, seront à la disposition des institutions médicales publiques afin de faire face à l’épidémie du Coronavirus en cas de pic. Les médecins esthétiques et chirurgiens seront volontaires, pour renforcer l’effectif puisque leurs opérations et interventions chirurgicales seraient reportées à des dates ultérieures. »
Les recommandations du conseil national de l’ordre des médecins dentistes (CNOMDT)
Dr. Imen Gharbi, vice-présidente du CNOMDT, a précisé que « les médecins dentistes sont les plus exposés au COVID 19, car ils interviennent au niveau de la cavité buccale. D’autres médecins qui manipulent la sphère ORL (intubation, fibroscopie, prélèvement…) et les spécialistes en maxillo-faciales, sont fortement exposés à la contamination également car ils ont un contact très rapproché avec les patients ».
« Cette proximité facilite la projection des gouttelettes de salive ».
« A cet égard, tous les médecins sont appelés à être vigilants, en matière d’hygiène dans les structures sanitaires, concernant le personnel soignant et au niveau des procédures », ajoute-t-elle.
« Des recommandations strictes ont été adressées par le CNOMDT aux dentistes pour protéger les professionnels de la santé, ainsi que les patients « potentiellement sains », qu’on appellerait aussi « les patients suspects », dans le but de ne pas devenir un vecteur de contamination aussi.
Un grand manque des outils de protection pour les médecins dentistes particulièrement
La vice-présidente du CNOMDT a évoqué « le problème d’approvisionnement concernant les visières. Aujourd’hui on ne peut pas confirmer qu’il y a une rupture de stock, mais ces outils sont très peu disponibles, et la pharmacie centrale nous a fourni qu’une partie de la quantité qu’on a commandée pour les régions ».
« Quant aux masques chirurgicaux FFP2, la pharmacie centrale a réussi à fournir l’ordre des médecins, des pharmaciens et des dentistes pour qu’ils puissent ensuite les distribuer dans les régions, pour les professionnels de la santé », ajoute-t-elle.
Les médecins dentistes opteront pour « un tri des patients »
« Concernant les consultations de la médecine dentaire, on va recevoir que les patients qui présentent une urgence (douleurs aiguës, traumatismes, complications infectieuses…). Le CNOMDT a insisté sur « la prise de rendez-vous par téléphone, certains interrogatoires se feront à distance, il faut poser surtout les bonnes questions », a préconisé Dr. Gharbi. « Pour les anciens rendez-vous, le médecin seul, peut décider de l’urgence de l’intervention », précise-t-elle.
« En cas de consultation urgente, on recommande à tous les dentistes de vérifier, si le patient présente des symptômes comme la fièvre, la toux sèche ou bien s’il a séjourné à l’étranger avant de le prendre en charge.
Ces mesures concernent surtout les dentistes qui sont les plus exposés ».
Mesures d’hygiène fermes dans les cabinets, outils à bannir, et renforcement des équipes d’intervenants
Dr. Gharbi a souligné « que dans ce contexte épidémiologique, les médecins estiment qu’il n’y a vraiment pas de patient sain. Toutes les personnes sont plutôt « potentiellement saines en ce moment ».
La vice-présidente du CNOMDT a parlé des restrictions concernant les outils médicaux d’intervention. « Durant la consultation, le dentiste est autorisé à utiliser ses instruments rotatifs, à savoir le turbine, le contre angle, protection avec masque FFP2, lunettes avec retour, ou masque chirurgicale avec la visière. On préconise également des sur-blouses, des sur-chaussures, et des calots ».
« Pour éviter la contamination au sein du cabinet médical, on recommande d’espacer les rendez-vous, d’accueillir les patients un par un, renvoyer les patients n’ayant pas pris de rendez-vous par téléphone, et ne pas mélanger les patients suspects avec les patients potentiellement sains ».
« D’autre part, les mesures d’hygiène sont à prendre fermement, à savoir la désinfection de la salle d’attente, la salle de consultation, et les poignets toutes les heures. Il faudra aussi se débarrasser des magazines et revues et plantes, aérer la salle d’attente et la salle de soin. Pour les cabinets qui ne disposent pas d’autoclave classe B (stérilisateurs des outils médicaux), ils seront strictement interdits d’exercice. ».
« Il faut éviter également, les jets d’air qui proviennent du crachoir et opter pour l’aspirateur chirurgical et les rouleaux de coton ».
« Afin de mieux gérer l’acte médical, les dentistes sont appelés à renforcer leurs équipes avec le recrutement d’un instrumentiste, à part l’assistante et le médecin même. Une intervention médicale chez le dentiste nécessite 4 mains, deux souillées celles du médecin, et deux autres mains propres de l’assistance », a-t-elle expliqué, en concluant « qu’afin d’assurer une meilleure hygiène, renforcer le staff paramédical avec un instrumentiste serait nécessaire ».
Emna Bhira