Tunisie : L’Institut Pasteur lance une enquête sur la santé mentale des doctorants
Syndrome de l’imposteur, dépression, dépendance financière, anxiété, isolement et solitude, c’est ce que pourrait ressentir les doctorants, durant de longues années de recherche, en vue d’obtenir le plus haut diplôme d’Etat, le doctorat.
C’est ce que nous a confirmé la doctorante en biologie, Cyrine Bouabid, qui a lancé avec la chercheuse Olfa Maghrebi, « une enquête sur la santé mentale des étudiants en thèse », élaborée par l’Institut Pasteur de Tunis, dont l’objectif serait de proposer des réformes aux unités de recherche dédiées…
Le syndrome de l’imposteur chez les doctorants
En nous expliquant les séquelles psychologiques des études doctorales, Cyrine Bouabid a évoqué en premier l’absence du statut social du thésard, qui pourrait affecter son estime de soi, malgré les capacités intellectuelles et les bonnes performances qu’il a pu acquérir.
L’incompréhension de l’entourage vis-à-vis de son choix de carrière et de la nature de son travail, mettent en péril la santé mentale des étudiants, a souligné la chercheuse.
En effet, les doctorants sont des personnes ayant choisi de poursuivre leurs études après l’obtention de deux diplômes au minimum (la licence ou équivalent, master ou équivalent). Ce sont généralement des bac+5 ayant au moins 25 ans, qui se lancent dans la recherche dans une discipline spécifique, bien pointue, au lieu de se lancer dans la vie active.
Cette situation d’être ni étudiant ni employé, et le fait que la recherche n’est pas un travail rémunéré, met les chercheurs dans la catégorie des diplômés chômeurs. Ils sont même considérés comme des personnes qui ne veulent plus quitter l’école afin de préserver leur zone de confort, choisissant ainsi une vie estudiantine interminable et plus confortable….
« Tous ces préjugés provoquent chez les étudiants en thèse le syndrome de l’imposteur ».
Pourtant, les chercheurs sont appelés à mener un travail assidu de recherche, qui ne s’arrête qu’une fois la thèse sera déposée au jury. « Entre-temps, les étudiants souffrent de l’isolement social, puisqu’ils mènent un travail de solitaire, sans assister à des cours, et peuvent passer des années sans avoir un réel rapport professionnel avec des collègues. Certains passent des semaines renfermés dans des laboratoires ou chez eux pour réaliser des essais, expériences scientifiques, lire ou rédiger leurs thèses, et cela sans la moindre aide d’un encadrant. Cet isolement pèse sur la santé mentale des doctorants, et provoque dans la plupart des cas, une grave dépression, a précisé Cyrine Bouabid.
La dépendance financière des doctorants
Les étudiants en doctorat ne sont pas rémunérés pourtant ils contribuent à l’évolution des recherches au niveau national et international, nous-a-t-elle expliqué.
« Ces derniers reçoivent seulement 250 dinars le mois, et cela tous les trimestres, durant les trois premières années de recherche. Après cette période, ils sont livrés à eux même, sachant que la quantité des recherches qu’ils effectuent ne permet pas de se concentrer sur un autre travail. Ainsi les bourses ne permettent pas de vivre dignement. Une situation qui oblige les docteurs à rester dépendants financièrement de leur famille. Cela peut même affecter la pertinence de leurs recherches, puisqu’ils ne peuvent pas se rendre à l’étranger pour accéder à une bibliographie plus variée et avancée par rapport à ce qui est disponible dans nos bibliothèques nationales. La stigmatisation des doctorants ne fera que rendre leur travail final impertinent, et contribuera à son échec après des années sacrifiées…».
Ce projet d’enquête sur la santé mentale des doctorants, élaboré par l’Institut Pasteur de Tunis, est en collaboration avec une équipe de recherche de l’Université de Florence en Italie, intitulé «Projet Transdisciplinaire et Transfrontalier (TT) sur les problèmes de santé mentale des étudiants en thèse ». Elle concernerait un échantillon de 200 étudiants Tunisiens, et 200 étudiants italiens, issus de différentes disciplines de sciences dures et molles.
L’objectif étant d’identifier les facteurs influençant la santé mentale des étudiants en thèse dans différents domaines ainsi que les similarités et les différences de ces problèmes entre les étudiants tunisiens et italiens et mettre en évidence la manifestation de ces problèmes et la politique de recherche adoptée par les deux pays.
Les données recueillies seront utiles à conceptualiser les problèmes de santé mentale chez les étudiants en thèse, les identifier et proposer des recommandations liées à l’amélioration de leur état de santé mentale.
Emna Bhira
Problème financière:absence du rémunération. Pb technique : impossibilité du quitter à l’étranger pour pouvoir accéder aux bases de données, Pb psychologique : a le statut d’un chômeur