L’anticyclone des Açores bloque les précipitations et laisse la Tunisie en proie à une sécheresse persistante (climatologue)

14-11-2023

Depuis quatre ans, la Tunisie est confrontée à une sécheresse persistante. Elle se définit par des précipitations annuelles inférieures à la moyenne normale.

Si cette réalité diffère d’une région à l’autre, notamment dans le Nord-Ouest où les données climatiques présentent des variations significatives, cette situation inquiète quand à la sécurité hydrique du pays.

Zouheier Haloui, climatologue, nous explique les raisons de ce manque de pluie.

Dynamiques climatiques

Le climatologue Zouheier Hlaoui explique que bien que la Tunisie ait déjà connu des périodes de sécheresse prolongées, l’intensité actuelle de la sécheresse est exacerbée par l’augmentation extrême des températures.

La position géographique de la Tunisie, en transition entre les climats tropical et tempéré. « C’est un avantage car durant la période hivernale nous sommes sous l’influence  du secteur nord qui permet l’arrivée des masses d’air à l’origine des précipitations. Pendant la période estivale, nous sommes sous l’effet des influences tropicales qui viennent du sud, amenant l’air chaud et sec », nous dit-il.

Cette position expose le pays à plusieurs centres d’actions climatiques, influençant son climat: l’anticyclone des Acores, l’anticyclone de Sibérie, l’anticyclone saharien et la basse pression située dans les régions polaires.

Pour comprendre le manque de pluie, le professeur Hlaoui évoque les impacts saisonniers de l’anticyclone des Açores. « Cet anticyclone a un mouvement saisonnier. En période estivale, il remonte vers le Nord, et régresse vers le sud pendant l’hiver. Quand il migre vers le Nord, il protège les régions du sud de l’Europe et du bassin méditerranéen des précipitations venues des régions polaires. Au moment de l’hiver, la force importante de l’air froid polaire pousse le système anticyclonale et dépressionnaire vers le sud, laissant la place aux perturbations et donc à la pluie et au froid », relève-t-il.

Or, aujourd’hui, cet anticyclone actuellement bloqué au nord, crée une situation de blocage atmosphérique, détournant les précipitations vers d’autres régions, laissant la Tunisie en proie à une sécheresse intense. Une situation qui met en évidence la nécessité de comprendre les dynamiques climatiques pour mieux anticiper et atténuer les impacts de la sécheresse en Tunisie.

« C’est cet anticyclone qui bloque la pluie au niveau du sud de l’Europe et qui est détourné ensuite vers les pays d’Europe de l’Est sans toucher les pays pays du sud, comme la Tunisie ».

Une menace pour la sécurité hydrique

L’effet de cette sécheresse est exponentiel, souligne le climatologue Zouheier Hlaoui. « Une seule année de sécheresse isolée entre deux années pluvieuses n’a généralement pas d’impact majeur, mais une succession de plusieurs années s’avère préjudiciable à de nombreux secteurs économiques », souligne le professeur.

La politique tunisienne de gestion de l’eau, axée sur l’eau potable, expose les citoyens à des restrictions et coupures d’eau, avec des conséquences telles que l’altération de la qualité de l’eau. La sécheresse intense se manifeste également par la raréfaction de l’eau en bouteille.

A cet égard, il est important de rappeler que les réserves globales d’eau dans l’ensemble des barrages tunisiens ont régressé de 30%, ne dépassant pas les 533 millions m3, à la date du 7 novembre 2023, par rapport à la moyenne enregistrée durant les trois dernières années (762 millions m3), d’après des données publiées récemment, par l’Observatoire national de l’agriculture (Onagri). En raison de l’absence de précipitations, le niveau de remplissage varie d’un barrage à un autre. Il s’élève à 33% au barrage de Sejnane, 28% à celui de Sidi Salem, 24% à Sidi Saâd, 19% à Bir Mcharga, 17% à Siliana et Bouhertma, 11% à Joumine et Mallègue, et 0% aux barrages d’El Houareb et El Hamma.

Par ailleurs, l’agriculture, grand consommateur d’eau (82% des ressources en eau tunisiennes), est  elle aussi durement touchée. « La diminution de la quantité d’eau affecte la productivité et la qualité des produits agricoles, incitant les agriculteurs à creuser des puits illicites, compromettant ainsi la souveraineté hydrique du pays », rappelle le professeur Hlaoui.

D’autres secteurs tels que l’industrie, notamment le phosphate et l’industrie textile, ainsi que l’activité touristique, sont également impactés par cette sécheresse prolongée.

« Outre les aspects économiques, la crise de l’eau générée par le manque de précipitations peut déclencher d’importants mouvements sociaux, mettant en évidence l’urgence d’une action concertée », conclut Zouheier Hlaoui.

Wissal Ayadi