Tunisie : L’artisanat se régénère sans cesse, mais des freins en entravent l’expansion

L’artisanat tunisien est un trésor national qui incarne l’histoire, la tradition et le savoir-faire du pays. Réputé dans le monde entier pour sa diversité, sa qualité et son authenticité, cet artisanat joue un rôle essentiel dans la préservation de l’identité culturelle tunisienne. Mais il ne se limite pas uniquement à sa dimension culturelle ; il est également un moteur économique important, contribuant à la création d’emplois, à la croissance économique et au développement des régions.
Pourtant depuis quelques années, ce secteur pâtit de quelques difficultés qui rendent son expansion de plus en plus restreinte. La crise du tourisme, aggravée par celle du Covid-19, ont porté un coup dur aux acteurs de ce secteur qui sont nombreux à déserter et à se réorienter.
Hormis quelques foires dédiées à l’artisanat et une journée de l’habit traditionnel, rares sont les occasions de mettre en avant ce secteur.
Des chiffres encourageants
Le secteur de l’artisanat en Tunisie connaît une évolution encourageante, comme en témoignent les récentes statistiques. D’après une récente déclaration du ministre du Tourisme et de l’Artisanat Moez Belhassine, les recettes d’exportation des produits artisanaux ont atteint plus de 350 millions de dinars en 2022.
Cela témoigne de l’importance croissante de l’artisanat dans l’économie tunisienne. En effet, le secteur contribue déjà à hauteur de 5% du produit intérieur brut (PIB) et emploie environ 350 000 personnes à travers le pays. Chaque année, il génère également 6 000 nouveaux postes d’emploi, offrant ainsi des opportunités essentielles aux artisans talentueux et aux jeunes entrepreneurs.
Un conseil ministériel a été organisé en mars dernier, visant à soutenir les artisans et à promouvoir les entreprises citoyennes. Il a été question notamment de soutenir l’exportation dans le secteur des industries artisanales, en encourageant les incitations et en simplifiant les procédures via le projet « Easy Export ». Ce programme vise à faciliter l’exportation des produits de l’artisanat en utilisant le réseau de la Poste Tunisienne. Cette démarche pourrait ouvir de nouvelles perspectives pour les artisans tunisiens, leur permettant de conquérir de nouveaux marchés internationaux et d’accroître leur visibilité à l’échelle mondiale.
Le ministre a également souligné l’importance de développer la capacité de production, d’encourager le financement des opérations d’exportation et de promouvoir les industries artisanales à plus grande échelle.
Le département espère pouvoir atteindre les 500 millions de dinars des recettes d’exportation des produits artisanaux d’ici la fin de l’année grâce à ces facilitations.
De la petite échoppe aux concept-stores
Au fil des années, les jeunes créateurs tunisiens ont su apporter une touche de modernité à l’héritage culturel riche de l’artisanat tunisien. L’engouement des consommateurs pour les produits faits main et locaux témoigne de cette évolution. Les vêtements traditionnels revisités, les articles de maroquinerie fabriqués en Tunisie, les accessoires de mode alliant différents styles, ou encore les articles de linge de maison et d’art de la table qui marient tradition et innovation ont volé la vedette aux objets traditionnellement vendus dans les souks et qui prennent la poussière dans les ruelles de la Médina de Tunis.
Et ce sont vers les concept-store, qui font florès notamment dans les grandes villes que les jeunes artisans décident de se tourner pour vendre leurs produits.
L’apparition des concept stores en Tunisie témoigne de l’évolution des attentes des consommateurs et de l’importance croissante accordée à l’artisanat. Ces espaces novateurs jouent un rôle clé dans la promotion du design tunisien, de l’artisanat local et de la consommation responsable. Les concept stores contribuent au développement économique et à la mise en valeur de la diversité culturelle tunisienne.
D’autres choisissent aussi les réseaux sociaux en promouvant leurs produits à coup de « story » ou avec l’aide d’inffluenceurs.
Code de change, crédits: Les jeunes artisans à la peine
Dans un récent article, nous avions abordé la rigidité du code de change qui rendait difficile le parcours des start-up en quête de marchés internationaux. C’est aussi le cas pour les artisans tunisiens qui souhaiteraient exporter leurs produits à l’étranger.
C’est ce que nous raconte Inès Khoffi, créatrice de vêtements haute-couture et membre du bureau exécutif de la CONECT Monastir. En effet, elle explique qu’elle éprouve des difficultés à envoyer à des clients étrangers sa marchandise que ce soit pour le transport en lui même, mais surtout pour la rémunération. « Il est très difficile de pouvoir recevoir des devises étrangères. Nous devons, dans la plupart des cas, nous arranger avec des personnes que nos connaissons qui voyagent dans un but personnel pour pouvoir livrer nos commandes. C’est un réel frein pour le développement de notre activité à l’étranger » nous dit-elle.
Par ailleurs, la jeune créatrice déplore également le manque d’encouragement de la part de l’Etat pour le secteur de l’artisanat. Dans ce sens elle souligne les réticences des banques de microcrédit qui refusent de nombreux dossier en raisons de la fragilité de ce domaine d’activité. « Quand vous avez un jeune créateur qui fait trois demandes à des organismes différents et qui sont tous rejetés, il se décourage et se retrouve dans l’obligation de se reconvertir professionnellement », confie-t-elle.
L’artisanat tunisien représente bien plus qu’une simple activité économique. C’est un symbole de l’identité et de l’authenticité du pays, ainsi qu’un moteur de développement régional et national. En préservant et en valorisant cet héritage artisanal, la Tunisie offre des opportunités économiques et culturelles durables, tout en contribuant à la transmission des savoirs et à la promotion de la diversité culturelle. L’artisanat tunisien mérite d’être célébré et soutenu, car il incarne à la fois le passé, le présent et le futur de la nation.
Wissal Ayadi