Bizerte : La vie suit son cours dans une nonchalance ambiante, un re-confinement n’est pas exclu (Reportage)
Avec 845 cas pour 100.000 habitants, le gouvernorat de Bizerte est l’une des régions les plus touchées par le Coronavirus.
Depuis le début de la pandémie plus de 18.600 personnes ont été infectées par le Covid-19, et 717 sont décédés, des suites du virus.
Afin de contrer cette vague épidémique, le gouverneur de Bizerte, Mohamed Gouider a décrété, la semaine dernière, un confinement général de 5 jours, du 8 ou 12 juillet à travers tout le territoire.
Quel est le bilan de ce confinement ? Quelle est la stratégie mise en œuvre pour lutter contre la pandémie dans la région ? Les gestes-barrières sont-ils respectés par les habitants ? Reportage.
Contexte sanitaire
La situation épidémiologique dans le gouvernorat de Bizerte devient de plus en plus critique. D’après les données de la direction régionale de la santé datant du 14 juillet, le taux d’incidence est désormais de 845 cas par 100.000 habitants.
Dans les établissements de santé, le nombre de patients hospitalisés dans les services Covid des hôpitaux de la région augmente lui aussi inexorablement. Ainsi, 246 lits d’oxygène sur les 286 disponibles sont actuellement occupés. Les lits de réanimation ont atteint leur maximum, puisque sur les 15 lits disponibles, 14 abritent des patients en détresse.
Une situation critique qui laisse présager un scénario catastrophe.
Une nonchalance extrême
Afin de comprendre, comment Bizerte a pu en arriver là, nous nous y sommes rendus. Dès 9h du matin ce mercredi, le marché aux fruits et légumes qui juxtapose le fameuse hall aux poissons était déjà noir de monde. Dans les allées, si certains (très peu), ont opté pour la technique du « double masque », ils étaient nombreux à placer leur bavette sous le menton, voire à ne pas en porter du tout.
Mais l’image la plus inquiétante est celle de voir les commerçants sans masque. Alors que nous prenons quelques clichés de la foule, l’un d’entre eux nous interpelle: « Arrêtez de prendre des photos du marché, car en voyant comment cela se passe, les autorités le fermeront et nous n’arriverons plus à travailler », nous lance-t-il d’un air menaçant et bien sur sans porter de masque.
Une anecdote qui en dit long sur le manque de conscience des Tunisiens pendant cette crise.
Vers 14h, c’est le calme plat à Bizerte…La chaleur intense qui sévit ces derniers jours permet un moment de répit…Mais il sera de courte durée. Vers 18h, un embouteillage de 2km vient se former sur la route menant à la Corniche qui borde la mer.
Ces derniers veulent surement profiter de la douceur de l’après-midi pour aller faire une marche ou prendre un café avec vue sur la méditerranée. Des centaines de personnes étaient assises sur les bancs et les murets qui ornent les 3 kilomètres de corniche. Malgré l’interdiction de rassemblements en tout genre, plusieurs groupes se sont donnés rendez-vous.
Peu avant 20 heures, heure du couvre-feu dans le tout le pays, Bizerte est encore en ébullition. Le ballet de voitures remontant la Corniche n’a pas cessé… Les cafés et restaurants continuent de servir les derniers clients, alors qu’ils sont censés fermer à 19h.
Un spectacle accablant et désolant. A croire que le confinement de 5 jours, qui a été mis en place la semaine d’avant aura eu l’effet contraire…
La menace d’un confinement total plane toujours
Afin d’y voir plus clair sur les résultats des mesures et restrictions déjà prises, et celles qui pourraient l’être au vu de l’évolution de la situation épidémique dans la région, nous avons rencontré le gouverneur Mohamed Gouider.
Il explique qu’un confinement général de 5 jours (du 8 ou 12 juillet) a été décidé au moment où le taux d’incidence était de 600 cas pour 100.000 habitants, aujourd’hui ce chiffre est passé à 845. Malgré cette augmentation fulgurante, le gouverneur se félicite de la réussite du confinement. « Grâce à un dispositif sécuritaire important, nous avons pu faire en sorte que cet isolement marche. Aucun commerce n’a ouvert ses portes et les gens sont restés chez eux ». Il explique en partie cette réussite par les images diffusées dans les médias montrant des hôpitaux surchargés, des patients à même le sol et des décès importants survenus dans des régions comme Kairouan ou Béja.
Mais l’opération dont il est le plus fier est celle de l’interdiction d’accès aux plages. En effet, la région est connue pour ses plages paradisiaques et ses côtes encore vierges. Ainsi, chaque été, de nombreux visiteurs venus notamment de la capitale, de par sa proximité, se rendent sur les fameuses plage de Ghar-El-Melh, Sidi Ali-Mekki ou encore Raf Raf, où de nombreux restaurants ont vu le jour ces dernières années. Mais pendant le week-end du confinement, leur accès y était strictement interdit. Sur les réseaux sociaux, de nombreuses vidéos ont circulé montrant des baigneurs se faisant refouler au péage sur l’autoroute de Bizerte.
Pour ceux qui ont échappé aux contrôles, des patrouilles terrestres et aériennes (hélicoptères), se sont chargées de faire respecter le confinement.
Mais cela est-il suffisant à endiguer l’épidémie ? Pas si sûr à en voir les chiffres. A la date du 14 juillet, pas moins de 11 personnes sont décédées du coronavirus à Bizerte en seulement 24 heures, sachant que la moyenne enregistrée jusqu’à présent étaient d’environ 4 morts par jour.
Mohamed Gouider reste réaliste en nous affirmant qu’un confinement de plus de 5 jours était irréalisable compte tenu de la situation socio-économique fragile. « Il est difficile d’enfermer les gens chez eux quand il fait 40 degrés dehors », ajoute-t-il.
Malgré une réussite, certes nuancée, du confinement général de 5 jours, le gouverneur Gouider a tout de même indiqué que rien n’est acté et qu’une telle décision pourrait être réitérée, si la situation sanitaire ne s’améliorait pas.
Pour autant, il garde espoir pour le mois d’août et appelle à la conscience des citoyens pour peut-être finir tant bien que mal la saison estivale dans de meilleures conditions.
Retrouvez dans la vidéo ci-dessus, l’interview complète du gouverneur Mohamed Gouider, concernant la stratégie mise en place à Bizerte.
Wissal Ayadi