La Tunisie face à la canicule, et ses graves retombées sur la vie quotidienne, la santé, l’agriculture…

12-07-2023

La Tunisie fait face à une canicule précoce, qui témoigne de l’accélération des changements climatiques auxquels le pays est confronté.

Les températures extrêmes et les vagues de chaleur anticipées ont des répercussions significatives sur le quotidien des Tunisiens.

Un dôme de chaleur sévit sur le pays

Selon l’ingénieur en météorologie, Mehrez Ghannouchi, les températures caniculaires persisteront au cours de la semaine prochaine et probablement jusqu’au 20 juillet. Dans une vidéo publié sur sa page Facebook, ce dernier a noté que les régions tunisiennes ont enregistré des températures extrêmement élevées, dépassant même le record de 48,3°C enregistré à Kairouan le 14 juillet 2018, avec un pic à 48,4°C le lundi 10 juillet.

Ghannouchi a expliqué que cette canicule est due à la remontée de masses d’air chaud saharien, qui est resté sur le pays en raison de la haute pression rencontrée. Cette situation est communément appelée « dôme de chaleur » par les spécialistes. De plus, l’humidité élevée ajoute quelques degrés supplémentaires aux températures ressenties.

Impact économique et social de la canicule

Sur le plan social, la canicule précoce affecte la vie quotidienne des Tunisiens, notamment les personnes les plus vulnérables, comme les personnes âgées, les enfants et les travailleurs en extérieur. Les risques pour la santé augmentent, notamment les coups de chaleur, la déshydratation et les problèmes respiratoires. Les citoyens doivent également faire face à des restrictions d’eau, des coupures d’électricité et des perturbations dans les transports.

Ahmed est ouvrier sur un chantier de construction, il témoigne pour Gnetnews: « Travailler sous cette chaleur étouffante est insupportable. Nous devons nous hydrater régulièrement, mais les pauses fréquentes ralentissent notre productivité et les chefs n’aiment pas quand nous prenons trop de pauses », nous confie-t-il.

Du point de vue des conséquences économiques, la chaleur a également des impacts, notamment celui de faire grimper les factures d’électricité en raison de l’utilisation importante des systèmes de climatisation. A cet égard, nous avons interrogé un salarié d’une grande chaîne d’hypermarchés, qui nous a indiqué que la vente de climatiseurs avait explosé depuis le début de la vague de chaleur. « Nous sommes même en rupture de stock sur certains modèles », précise-t-il.

Par ailleurs, ce lundi 10 juillet, à 15h38, la Tunisie a enregistré un nouveau record de consommation d’électricité, atteignant un pic de 4692 mégawatts, selon Mounir Gharbi, Directeur de la communication à la STEG.

Ce chiffre dépasse le précédent record établi en septembre 2022, qui était de 4677 mégawatts. La STEG a réussi à faire face à cette demande record grâce à ses services, mais il est crucial que les citoyens maîtrisent leur consommation, en particulier en ce qui concerne l’utilisation de la climatisation, compte tenu de la période de canicule prévue pour durer un certain temps.

Cette demande d’électricité devrait encore augmenter dans les jours à venir en raison de la vague de chaleur qui sévit. Des températures élevées sont prévues, avec 42°C à Tunis, 43°C à Bizerte, 44°C à Manouba et 46°C à Béja. Le pic de chaleur sera enregistré à Jendouba avec 47°C.

Conséquences sanitaires et mesures préventives

La canicule a un impact considérable sur la santé publique en Tunisie. Les hôpitaux sont confrontés à une augmentation des cas de maladies liées à la chaleur, tels que les insuffisances rénales, les coups de chaleur et les problèmes cardio-respiratoires.

Le Docteur Bouraoui est médecin généraliste à Tunis. Il a constaté depuis le début de la vague de chaleur une hausse du nombre de patients. « Nous sommes débordés par les demandes de rendez-vous liées à la canicule. Les patients souffrent de déshydratation sévère. Nous avons aussi des enfants qui viennent consulter pour des insolations sévères. Il est essentiel que la population prenne conscience des dangers de la chaleur excessive et prenne les précautions nécessaires pour protéger leur santé », nous dit-il.

Dans ce sens, le ministère de la santé a également diffusé des campagnes de prévention pour lutter contre la canicule à travers les réseaux sociaux:

Campagne de prévention du ministère de la Santé

Impacts sur l’agriculture

La canicule précoce a des conséquences néfastes sur l’agriculture tunisienne, mettant en péril la sécurité alimentaire du pays. Les températures élevées et la sécheresse prolongée entraînent des pertes de récoltes, la diminution des ressources hydriques et la détérioration des sols.

Selon Karim Daoud, agriculteur et membre du bureau exécutif du syndicat nationale des agriculteurs tunisiens (SYNAGRI), les impacts négatifs de cette canicule sur le secteur agricole demeurent d’abord le phénomène d’évapotranspiration. « La pluie qui est tombée ces dernières semaines est évaporée par la chaleur à hauteur de 90% entraînant de grandes pertes d’eau. », nous dit-il. Ainsi, les agriculteurs ont besoin de toujours plus d’eau pour compenser les pertes causée par la canicule.

Par ailleurs, Daoud indique que les coups de sirocco (vent chaud) sur les production maraichères et fruitières sont catastrophiques car cela brûle littéralement le fruit ou le légume.

Cependant, Karim Daoud affirme que les effets positifs de cette canicule demeure essentiellement dans le fait qu’elle fait disparaître un certain nombre de parasites et de maladies qui touchent les productions agricoles.

« Il ne faut pas croire que les pluies tombées entre mai et juin ont suffi à régler les problèmes de sécheresse. Il faut continuer à préserver nos ressources naturelles et surtout l’eau ».

Nous avons également pu joindre Ali, agriculteur dans la région de Kairouan : « Cette canicule a brûlé nos cultures et asséché nos puits. Nous avons du mal à nourrir nos familles et à vendre nos produits sur le marché. Les conditions climatiques extrêmes nous mettent en danger », déplore-t-il.

La production de tomates en péril à cause de la canicule

Comment expliqué plus haut, la canicule qui frappe la Tunisie a des conséquences dramatiques sur l’agriculture du pays. En particulier, la production de tomates, l’un des piliers de l’économie agricole tunisienne, est sévèrement affectée. Les températures extrêmes, la sécheresse et les conditions météorologiques imprévisibles ont un impact dévastateur sur les cultures de tomates, entraînant des pertes importantes pour les agriculteurs et mettant en péril la sécurité alimentaire du pays.

La canicule entraîne des températures extrêmement élevées et prolongées, ce qui est particulièrement préjudiciable à la culture des tomates. Les plantes sont exposées à un stress thermique important, ce qui affecte leur développement et leur productivité. C’est ce que nous explique Maidani Dhaoui, président du SYNAGRI mais également grand producteur de tomates dans la région de Sidi Bouzid. Ce dernier avait déjà lancé l’alerte à travers des réseaux sociaux  en publiant une vidéo montrant les ravages de la canicule sur ses champs de tomates. « Nous avons récolté en 15 jours ce que nous devions récolter en 1 mois. C’est une véritable catastrophe. Nous avons des pertes énormes. Les plantes ont été gravement endommagées par la chaleur et beaucoup de nos fruits ont brûlé, ce qui aura un impact financier considérable sur notre exploitation. » », nous dit-il désemparé.

Il explique également que le fait que la récolte se fasse toute en même temps et en grande quantité engendre des problèmes de transport. « En plus des pertes, je n’arrive pas à trouver de transporteur pour amener les tomates au marché de gros. J’ai peur qu’elles ne tiennent pas le coup, surtout que la canicule est loin d’être terminée », poursuit-il.

Outre les pertes de récoltes, la canicule affecte également la qualité des tomates. Les températures élevées peuvent entraîner une maturation prématurée des fruits, les rendant plus sensibles aux maladies et aux problèmes de conservation. Les tomates peuvent devenir flétries, molles et moins savoureuses. Cela pose des défis pour les agriculteurs lorsqu’il s’agit de commercialiser leurs produits, car la demande pour des tomates de qualité supérieure diminue, ce qui entraîne une baisse des prix et des difficultés économiques.

La canicule précoce en Tunisie est un signal alarmant des changements climatiques auxquels le pays est confronté. Ses effets se font ressentir dans tous les aspects de la société, de l’économie à la santé, en passant par l’agriculture.

Les témoignages des citoyens illustrent les difficultés auxquelles ils sont confrontés et appellent à des mesures d’adaptation et d’atténuation.

Il est essentiel de mettre en place des stratégies pour faire face à ces défis, en mettant un nouveau modèle et une nouvelle politique agricole pouvant faire face aux défis imposés par la situation économique et sociale du pays mais aussi par les changements climatiques. Seule une approche globale et coordonnée permettra de répondre efficacement à ces enjeux majeurs et de préserver un avenir durable pour la Tunisie.

Wissal Ayadi