Des experts appellent à prévenir la discrimination contre la femme dans la législation
« Il est vrai que les progrès qu’a réalisés la législation tunisienne en matière d’égalité entre les deux sexes sont exceptionnels dans le monde arabe. Mais cela ne signifie pas non plus, que le code du statut personnel et les droits civils et politiques de la femme en Tunisie, sont dans leurs meilleures versions. Elles sont encore à améliorer », a affirmé la présidente de l’Association des Femmes Tunisiennes pour la Recherche sur le Développement (AFTURD).
Ouvrant le forum régional sur « la lutte contre la législation discriminatoire », Salwa Kennou a appelé à maintenir les efforts en matière de lutte contre la discrimination faite à l’égard des femmes.
Organisé par l’Euromed Initiative ( EFI), ce forum qui a vu la participation de plusieurs universitaires, et représentants de la société civile, a pour objectif d’activer les accords inhérents aux droits internationaux des femmes, notamment la 4ème déclaration de l’union pour la méditerranée sur les droits de la femme, signée au Caire ( 27 novembre 2017), et la convention d’Istanbul (2011), sur la lutte contre la violence domestique faite aux femmes.
Droits économiques de la femme rurale
Dans son intervention, Kennou a plaidé pour la promotion des droits économiques de la femme rurale.
« Les besoins spécifiques des femmes rurales n’ont pas été pris en considération dans le budget de l’Etat, ce qui prouve qu’il y a encore du chemin à faire…Elles souffrent de stigmatisation, d’appauvrissement, et elles sont absentes dans les discours politiques. Et cela, ne fait qu’amplifier l’insécurité sociale… », a-t-elle déploré.
« Les agricultrices femmes, n’ont pas le droit à la propriété foncière dans la plupart des cas, pourtant ce sont elles qui travaillent dans les champs et les terres agricoles », a-t-elle souligné. A ses yeux, « cette problématique ne sera résolue qu’à travers l’égalité dans l’héritage ».
D’autre part, la co-présidente de l’Euromed Feminist et la représentante de la délégation européenne en Tunisie, Lillian Halls-French, a évoqué l’écart qui existe entre les lois progressistes instituées, et les réalités que vivent les femmes.
Selon elle, « il est nécessaire de séparer le religieux et le politique, pour s’engager dans une constitution non discriminatoire au niveau des institutions et de l’Etat ».
Lillian Halls-French a appelé au refus du relativisme culturel et de l’influence des traditions archaïques. Elle a ajouté qu’il manque de partout la volonté de mettre fin à ces violences et d’appliquer enfin la législation existante.
« Pour mettre fin à la violence et l’insécurité, il faut lutter contre la dominance patriarcale, et arrêter de considérer la femme en tant que citoyenne de seconde zone, ou comme une mineure », a-t-elle recommandé.
Les acquis de la femme en Tunisie sont-ils menacés ?
Slim Laghmani, membre de la commission des libertés individuelles et de l’égalité, a rappelé que l’article 6 de la constitution a failli être modifié, en 2012, lors des débats sur le projet de la constitution 2014.
« Le mouvement d’Ennahdha a proposé d’intégrer la Chariaa, dans cet article qui stipule que « l’État est gardien de la religion. Il garantit la liberté de croyance, de conscience et le libre exercice des cultes ; il est le garant de la neutralité des mosquées et lieux de culte par rapport à toute instrumentalisation partisane ».
D’autre part, Laghmani est revenu sur le principe de complémentarité homme/ femme qu’Ennahdha a voulu inscrire dans la nouvelle constitution. « Si le texte n’a pas été voté en séance plénière, le simple fait qu’il ait été évoqué par une commission parlementaire traduisait une régression sociale », conclut-il.
Emna Bhira