Drame à Mezzouna : L’effondrement d’un mur, l’effondrement d’un avenir (Edito)

La Tunisie est en deuil. La chute d’un mur dans un lycée de Mezzouna, au cœur du gouvernorat de Sidi Bouzid, a emporté la vie de trois jeunes, de futurs bacheliers pleins d’espoir, et a secoué toute une nation. Ce drame n’est pas un accident isolé, mais le symptôme d’un mal plus profond : l’abandon des infrastructures publiques, oubliées depuis trop longtemps par un État qui ne parvient plus à investir dans l’avenir de ses enfants.
Comment ne pas pleurer l’image de ces murs délabrés et de ces écoles dépourvues d’eau potable, de toilettes défaillantes et de chauffage insuffisant en hiver ? Chaque salle de classe mais aussi chaque couloir d’hôpital où règne le manque de moyens et de personnel, porte la marque indélébile d’une négligence chronique. Le temps des excuses et des responsabilités se dissipe face à l’évidence accablante : notre système public, qu’il s’agisse de l’éducation ou de la santé, est en train de s’effondrer.
La lenteur des procédures qui auraient pu, peut-être, éviter cette tragédie laisse un goût amer d’injustice. Rien n’aurait pu empêcher ce désastre si les premiers signes d’effondrement avaient été pris au sérieux. Pourtant, pendant que nos jeunes mourraient silencieusement derrière des murs fatigués, l’investissement national chutait inexorablement. De 25 % du PIB dans les années 2000 à un alarmant 11 % en 2023, la dérive est sans appel. La Tunisie, autrefois porteuse d’espoir, se retrouve aujourd’hui accablée par un modèle économique autodestructeur.
Le cœur de cette tragédie repose sur une question lancinante : jusqu’à quand sacrifier nos enfants sur l’autel d’un souverainisme de façade ? Jusqu’à quand constater la fuite de nos jeunes talents – médecins, ingénieurs, esprits novateurs – vers des horizons plus prometteurs, laissant derrière eux un pays aux infrastructures délabrées et aux institutions épuisées ? Nos écoles et nos hôpitaux témoignent du désinvestissement lourd de conséquences.
Aujourd’hui, les jeunes de Tunisie n’ont plus d’espoir. Leur avenir se dessine entre les cicatrices d’un passé mal entretenu et l’incertitude d’un présent où le véritable investissement se fait rare. Derrière chaque effondrement, se cache l’incapacité de nos dirigeants à prendre des décisions courageuses, à repenser un modèle économique qui ne laisse aucune place à la jeunesse. La mort de ces futurs bâtisseurs est un cri d’alarme pour toute une société qui se refuse encore à agir.
Il est temps de dépasser les querelles des responsabilités individuelles pour embrasser une vérité plus universelle. Le mal est systémique, et seul un changement structurel, fondé sur un investissement réel dans l’avenir, pourra éviter que de nouvelles tragédies ne viennent déchirer le cœur de notre nation. La Tunisie doit cesser de sacrifier son avenir pour des illusions de souveraineté mal définies et s’engager sur la voie d’un renouveau qui place ses enfants et ses jeunes talents au centre des priorités.
Aujourd’hui, le mur qui s’est effondré n’est pas le symbole d’un édifice isolé ; il est le reflet d’un État en déclin, où l’inaction se conjugue au passé et la douleur à l’avenir. La question reste posée : serons-nous enfin capables de construire un avenir digne, ou continuerons-nous à laisser nos jeunes mourir, non pas d’un mur qui s’écroule, mais d’un système qui s’effrite de l’intérieur ?
Wissal Ayadi