Africa Solar réunit tous les intervenants pour examiner les réalités et perspectives du photovoltaïque en Tunisie

15-03-2023

Un des plus grands défi de ce millénaire est sans aucun doute, la réduction des émissions de CO2  dans le monde. Un défi qui doit être avant tout engagé par les industries qui sont les principales émettrices de gaz carbonique dans l’atmosphère.

La Tunisie, de son côté doit réduire son emprunte carbone à hauteur de 45% et introduire 30% d’énergies renouvelables dans son mix énergétique à l’horizon 2030.

Une contrainte alourdie également par la mise en place de la taxe carbone, dès octobre 2023, aux frontières européennes pour les entreprises exportatrices vers le voeux continent.

Ainsi, une conférence a été organisée ce mercredi 15 mars à Tunis, à l’initiative de l’un des leader du marché tunisien en photovoltaïque, Africa Solar. L’occasion de réunir les industriels, les professionnels du secteur et également les différentes institutions publiques, comme la STEG et le ministère de l’Industrie, de l’Energie et des Mines.

Conférence Africa Solar sur la réduction de l’emprunte carbone des industries

La transition énergétique des industries est incontournable

Depuis deux décennies les prix du pétrole fluctuants influent sur l’économie de manière directe. Et la Tunisie en subit les conséquences de plein fouet. D’après l’Observatoire national de l’énergie et des mines, le déficit de la balance commerciale énergétique s’est accru  en 2022 pour passer de près de 5,6 milliards de dinars en 2021 à plus de 9,6 milliards de dinars en 2022.

Les industriels restent les plus grands consommateurs d’électricité avec 60% de la demande des clients haute et moyenne tension en 2022. Ainsi, il est urgent que ce secteur accélère sa transition énergétique. La décarbonation du secteur industriel tunisien peut s’appuyer sur le solaire et l’éolien. En effet, le photovoltaïque, notamment, connaît une croissance significative ces dernières années. Le pays a un fort potentiel pour l’énergie solaire en raison de son emplacement géographique favorable, avec un taux d’ensoleillement moyen de 2 500 heures par an.

Selon Hamza Jenahi, Responsable développement de projet chez Africa Solar, la Tunisie dispose de tous les atouts pour amorcer cette transition. « Nous avons en Tunisie tout le cadre juridique nécessaire pour inciter à la fois les industriels et les particuliers à investir dans le photovoltaïque et produire leur propre énergie. Par ailleurs, l’Etat, d’ici 2025, a pour objectif d’établir des incitations fiscales aux entreprises qui souhaitent investir dans le photovoltaïque », nous dit-il.

Les premières taxes carbones prévues dès octobre 2023

Le Pacte vert pour l’Europe est un pilier central du mandat de la Commission européenne, avec pour objectif ambitieux d’atteindre la neutralité climatique d’ici 2050. Pour y parvenir, l’Union européenne vise à réduire ses émissions de gaz à effet de serre à un niveau suffisamment faible pour être compensé par des puits de carbone naturels tels que les forêts et les océans, ainsi que des puits technologiques permettant de capturer les émissions artificiellement. Dans cette optique, l’implémentation d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières de l’Union européenne figure parmi les projets phares de ce Pacte Vert.

En pratique, ce mécanisme implique l’ajout de coûts supplémentaires en fonction des niveaux d’émissions de carbone des entreprises situées dans des pays tiers. Les produits importés dans l’Union européenne qui ont été produits sans être soumis à un prix du carbone ou avec un prix faible se verront alors imposer un surcoût lorsqu’ils entreront sur le marché européen. Cette mesure incitera les entreprises exportatrices à adopter des technologies moins émettrices, contribuant à réduire l’impact environnemental « externe » de l’Union européenne et encourageant les pays tiers à adopter des politiques environnementales plus solides.

La mise en œuvre progressive du mécanisme doit commencer à partir du 1er octobre 2023. Pendant la période de transition prévue par l’exécutif européen – de cette date à fin 2025 – les importateurs devront seulement déclarer les émissions carbone des produits importés. Ils ne commenceront à payer celles-ci qu’à partir de 2026. Les premiers secteurs concernés sont la métallurgie et la cimenterie. Ainsi la Tunisie, est directement visée par cette taxe, d’où l’urgence pour ces industrie de réduire leur emprunte carbone.

Un arsenal juridique existant, mais trop lourd

En Tunisie, le cadre réglementaire des énergies renouvelables est défini par la loi n° 2015-12 relative à la production de l’électricité à partir des énergies renouvelables et de la cogénération, ainsi que par le décret n° 2015-1849 relatif aux conditions et procédures d’application de cette loi.

La loi de 2015 définit les sources d’énergies renouvelables éligibles à la production d’électricité, notamment l’énergie solaire, l’énergie éolienne, l’énergie hydraulique, l’énergie géothermique, l’énergie biomasse et l’énergie des mers. Elle fixe également les objectifs de production d’électricité à partir de sources renouvelables pour les différents secteurs économiques, tels que l’industrie, le transport et le résidentiel.

Le décret d’application de la loi de 2015 établit les procédures d’octroi de licences pour les producteurs d’électricité à partir d’énergies renouvelables, les conditions de raccordement des installations au réseau électrique national, ainsi que les modalités de fixation des tarifs d’achat de l’électricité produite à partir de sources renouvelables.

« La réflexion sur les énergies renouvelables en Tunisie a débuté en 2009. Si la machine a eu du mal à se mettre en route, aujourd’hui les enjeux et les opportunités ont changé. Les coûts des ont beaucoup baissé ce qui permet d’avoir des projets très rentables puisqu’il ne faut plus que 5 ou 6 ans pour voir le retour sur investissement », indique Abdelhadi Khalfallah, Directeur de la Transition Energétique au ministère de l’Industrie, des Mines et de l’Energie.

Il explique par ailleurs que la technologie est également maîtrisée en Tunisie, aussi bien du point de vue compétences que techniques et que les entreprises doivent accélérer leur processus de transition vers une industrie plus verte. « Les installateurs sont présents en Tunisie. Nous devons faire vite avant la mise en place de la taxe carbone car elle peut lourdement affecter les exportations. C’est essentiel pour garantir la compétitivité de nos entreprises », relève-t-il.

Selon Khalfallah, un peu plus de 300 autorisations ont été attribuées pour des projets d’énergie renouvelable, précisant qu’il s’agit encore de petits projets qui ne font pas vraiment avancer le pays rapidement vers ses objectifs. « Afin d’attirer plus d’investissements dans ce secteur, nous avons simplifié le cadre réglementaire, notamment sur la durée d’octroi des autorisations. En novembre dernier nous avons enlevé l’autorisation du ministère pour les projets e moins de moins de 1MW. Il suffit désormais de s’adresser directement à la STEG, ce qui a permis de réduire cette durée à un mois », a-t-il souligné et ajoutant que es autorités étaient prêtes à collaborer d’avantage avec le privé pour réformer encore au besoin.

Présent également lors de ce séminaire, Ali Kanzari, président de la Chambre syndicale des intégrateurs en photovoltaïque a mis en évidence la subsistance de certains blocages. Il a notamment évoqué les contraintes à l’entrée pour les importateurs, car les panneaux photovoltaïques ont été soumis à un contrôle préalable à l’entrée. « Comment peut on avoir un objectif de développer le photovoltaïque en faisant des blocages au niveau de l’importation des panneaux ? De plus il faut impérativement que l’Etat révise les taxes à l’importation qui sont beaucoup trop élevées ». En effet, les taxes sont de 10% quand par exemple au Maroc elles ne sont que de 2,5%.

Wissal Ayadi