Les côtes tunisiennes touchées par l’érosion, la corniche de Bizerte en est l’exemple !
L’érosion côtière, un phénomène alarmant, frappe durement les côtes tunisiennes, menaçant non seulement les précieuses ressources naturelles mais aussi l’économie du pays. Ce constat préoccupant met en lumière les défis majeurs auxquels la Tunisie est confrontée en matière de préservation de son littoral et des secteurs clés tels que le tourisme et l’agriculture qui dépendent largement de ces zones.
Cet article mettra en lumière l’état critique de la corniche de Bizerte, une zone côtière étendue sur environ 6 km. Cette région est particulièrement touchée par l’érosion, entraînant la quasi-disparition de la plage et des dommages lors des tempêtes violentes. Malgré les efforts entrepris pour la réhabilitation et la protection de cette corniche, des défis persistent. Nous explorerons également les solutions préconisées par des experts pour lutter contre l’érosion côtière et préserver les précieuses côtes de la Tunisie.
L’érosion en Tunisie…Quelques chiffres
Selon une étude récente de la Banque mondiale, près de 44 % des côtes tunisiennes sont classées comme fortement vulnérables et 24 % sont considérées comme modérément vulnérables à l’élévation du niveau de la mer, à l’érosion et aux risques de submersion. L’érosion côtière est due à divers facteurs tels que l’affaissement du littoral dû au poids des constructions côtières, les infrastructures qui entravent le dépôt de sédiments en aval, et l’élévation du niveau de la mer.
Les côtes tunisiennes font face à une menace croissante de recul, estimée à dix fois plus rapide que la moyenne mondiale. Malgré cette situation alarmante, le problème de l’érosion côtière en Tunisie reste largement non résolu. L’érosion côtière atteint jusqu’à 1,5 mètre par an dans de nombreux points sensibles de la Tunisie, et certains endroits, comme la plage de Hammamet, font face à un recul allant de 3 à 8 mètres par an. Cette situation met en péril la durabilité du secteur du tourisme, notamment en ce qui concerne les plages menacées de disparition.
L’érosion côtière impacte également les zones urbaines et industrielles, avec des actifs immobiliers exposés à des risques d’inondation importants. La pêche traditionnelle est également menacée en raison de l’élévation du niveau de la mer.
Au-delà des dommages environnementaux, l’élévation du niveau de la mer constitue une menace majeure pour le secteur du tourisme, principalement balnéaire. Les coûts annuels de l’élévation du niveau de la mer sont estimés à 2 à 6 % du PIB, couvrant les inondations, les coûts de protection et d’entretien des infrastructures.
Malgré l’engagement de la Tunisie dans l’Accord de Paris et la mise en place d’un plan d’action national pour la résilience et l’adaptation du littoral, la coordination des parties prenantes, notamment sectorielles, reste faible selon la Banque mondiale.
La corniche de Bizerte touchée de plein fouet
La corniche de Bizerte, qui s’étend sur environ 6 km de côte, est fortement touchée par l’érosion, conduisant à une quasi-disparition de la plage. De plus, elle subit une détérioration lors des tempêtes violentes. C’est ainsi, qu’en novembre 2019, les habitants de Bizerte ont eu la surprise de voir une partie du mur qui constitue la corniche s’effondrer totalement en raison de l’érosion. Un pan du muret en béton érigé pour protéger la corniche de Bizerte a cédé sous l’effet des vagues et des vents forts.
Suite à cet incident, le ministère de l’Equipement a entrepris, dès février 2020, le démarrage de la première tranche du projet de protection de la corniche de Bizerte de l’érosion marine. Un projet estimé à 820 mille dinars, qui permettra la rénovation et la protection du mur de soutènement et du trottoir de la corniche endommagés suite à une violente tempête survenue en novembre 2019.
Suite à la pandémie de Covid-19, les travaux ont pris un retard considérable. Ce n’est qu’en juillet dernier que le département a annoncé la fin des travaux. Or sur le terrain, il semble que la réalité soit toute autre. En effet, lors d’une visite sur les lieux, le dimanche 17 septembre, engins et ouvriers étaient toujours à pied d’œuvrel. Si a protection du mur a été renforcée, les travaux d’embellissement du trottoir sont toujours en cours.
« Du fait de la vacance de la municipalité et de la non action de la société civile, le projet de réhabilitation de la corniche reste en suspend. L’entreprise a largement dépassé les délais et plus le résultat est un échec esthétiquement parlant », nous dit Sami Ben Haj, expert en gestion de l’environnement côtier et membre actif de la société civile.
« Les affouillements qui sévissent depuis de nombreuses années dégradent les murs créant des trous. Cela menace l’effondrement du trottoir mais aussi de la route… Il y a donc urgence! », ajoute-t-il.
En effet, si les travaux entrepris permettent de minimiser les risques d’affouillements, selon l’expert ce n’est pas suffisant.
Dans ce sens, il explique qu’il faut trouver une solution aux occupation temporaire des parasols payant qui ont d’une part ôté le caractère public des plages et la corniche et qui é également contribué à l’érosion de celles-ci. « Il faut améliorer la surface utile par baigneur car nous l’avons largement dépassé », déplore l’expert.
Afin de préserver les côtes de la Corniche de Bizerte de l’érosion, Sami Ben Haj préconise ce qu’il appelle des solutions douces comme les digues sous-marines qui diminuent l’hydro-dynamisme réduisant la pression de la mer sur le littoral.
Il existe aussi la possibilité d’utiliser l’agriculture pour freiner l’érosion comme les palmivelles et les ganivelles:. « Cela a été fait à la fin des années 90 à Mahdia, ce qui a permis l’engraissement des plages et la sauvegarde des dunes », souligne Ben Haj.
Enfin, il préconise la mise en place d’une réflexion autour du recul stratégique qui permet d’éviter de faire des aménagements et des constructions dans les zones vulnérables à l’élévation du niveau de la mer à l’horizon 2100.
Wissal Ayadi