Tunisie/ Hébergement alternatif : Un produit prisé et en plein essor, mais des insuffisances persistent

06-05-2024

Dans le paysage touristique tunisien, une tendance émerge : l’essor de l’hébergement alternatif. C’est dans cette logique que récemment, la fédération interprofessionnelle du tourisme tunisien (FI2T) a présenté les résultats d’une étude quantitative et qualitative menée par le cabinet EMRHOD en Avril 2024. L’occasion se rendre compte de ce potentiel encore trop peu exploité en Tunisie.

Houssem Ben Azouz, président de la FI2T, nous a accordé une interview ce sujet.

Des chiffres encourageants

Selon les données recueillies lors de cette étude, 60 % des Tunisiens disposant d’un revenu mensuel égal ou supérieur à 500 DT choisissent de partir en vacances au moins une fois par an. Cette propension est plus marquée chez les jeunes, qui ont tendance à voyager plus fréquemment que les adultes et les seniors.

Parmi les différentes options d’hébergement alternatif, les hébergements alternatifs et notamment les maisons d’hôtes, jouissent d’une notoriété relativement forte, atteignant 61 %. « L’étude a montré que le taux de pénétration de l’hébergement alternatif représente 10% de l’offre touristique dans son ensemble ce qui est très bien. Cela montre que les Tunisiens connaissant bien le produit et l’apprécient », nous dit Houssem Ben Azouz.

Les motivations des Tunisiens pour opter pour ce type d’hébergement sont diverses mais convergent vers la recherche de repos, de tranquillité et du plaisir de se retrouver entre amis. « Une des statistiques de l’étude souligne que 99 % des personnes ayant séjourné dans une maison d’hôtes sont satisfaites de leurs expérience. Il y a un réel marché et une demande toujours croissante », affirme le professionnel.

Du côté des clients, les établissements d’hébergement alternatifs attirent principalement les touristes étrangers, suivis par les familles nationales. En outre, une tendance émergente est la demande croissante de la clientèle professionnelle, notamment pour des activités de team building.

En ce qui concerne les activités proposées, les randonnées pédestres se démarquent comme l’activité la plus prisée par la clientèle des maisons d’hôtes et des gîtes ruraux.

Des obstacles toujours persistants pour les opérateurs

Cependant, malgré le potentiel de croissance, les gérants de ces établissements font face à des obstacles significatifs. Seuls un tiers d’entre eux ont réussi à obtenir une autorisation d’exploitation, principalement en raison de la complexité des démarches administratives. « Nous avons dénombré plus de 2000 hébergements alternatifs sur le territoire tunisien. Mais seule une centaine dispose d’un agrément. Certains pensent que la procédure réglementaire est trop rigide et trop compliquée et d’autres le font délibérément pour éviter les démarches administratives », souligne Ben Azouz.

En outre, un quart des gérants ont été confrontés à des obstacles sécuritaires ou administratifs dans l’exploitation de leur site. Pour pallier ces difficultés, les exploitants expriment un besoin urgent de réglementations claires et transparentes, ainsi que d’un soutien financier et d’une amélioration de l’infrastructure de base.

« Plus on attend, plus le problème s’aggrave. Force est de constater que le domaine de l’hébergement alternatif n’est pas encadré de la bonne manière. Ainsi beaucoup d’opérateurs par ignorance mais aussi par nonchalance ne vont pas chercher l’information ou alors ne cherchent, pas à la trouver en raison des contraintes qui sont liées l’obtention des agréments nécessaires à la création de ce type d’hébergement. Certains continuent à opérer de manière illégale en raison de ce flou administratif », déplore le Président de la FI2T.

Vide juridique?

En effet, ce dernier indique que si le vide juridique n’existe pas vraiment, il n’est pas pour autant encadré clairement par une loi.  « On ne peut pas considérer pour autant qu’il y a un vide juridique. Il y a un projet de cahier de charges mais qui est toujours en cours d’élaboration. Pour le moment nous ne disposons que de textes de lois régis par des arrêtés : celui de 2013 pour les chambre d’hôtes et celui de 2018 pour les gîtes ruraux. En attendant la parution du cahier des charges, ce sont ces textes qui régissent l’hébergement alternatif. C’est un processus long et fastidieux qui n’encourage pas vraiment les opérateurs à entrer dans le cadre réglementaire. Nous espérons donc que la parution d’un cahier de charge simplifiera ses démarches afin d’inciter les opérateurs », poursuit-il.

Autre recommandation émise par les opérateurs du secteur, un rééquilibrage des taux de TVA qu’ils trouvent excessifs et injuste. A cet égard, il est important de noter que les hébergements alternatifs sont soumis à une TVA de 19% alors que pour les hôtels classiques elle ne s’élève qu’à 7%.

« Pour de nombreux propriétaires, c’est un véritable frein  à leur entrée dans le cadre réglementaire et c’est un véritable manque à gagner pour l’Etat en termes de recettes fiscales Â», rappelle Ben Azouz.

Enfin, le président de la Fédération interprofessionnelle du tourisme tunisien réclame une harmonisation des directives de l’Etat au sein d’un seul et même ministère, celui du tourisme. En effet plusieurs ministères (Agriculture, tourisme, culture et intérieure) entre en jeu dans la délivrance des agréments. Une situation qui constitue également un frein au développement réglementaire de ce secteur.

Dans l’ensemble, l’hébergement alternatif en Tunisie présente un potentiel promntetteur, mais son développement nécessite des mesures d’accompagnement et de soutien afin de libérer tout son potentiel et de répondre aux attentes des voyageurs nationaux et internationaux. Le tourisme alternatif se pose aujourd’hui comme étant un secteur voué à se développer de manière exponentielle entrainant avec lui des créations d’emploi et la redynamisation de certaines régions délaissées de tout développement.

Wissal Ayadi