Tunisie/ Huile d’olive : deux filières, l’une pour la consommation, et l’autre pour l’exportation pour prévenir la flambée des prix (Expert)

04-10-2023

La saison de récolte des olives destinée à la production d’huile d’olive arrive bientôt. Le ministère de l’Agriculture a annoncé récemment que la production de cette saison 2023/ 2024 d’huile d’olive est estimée, selon les prévisions préliminaires, à un million tonne d’olives, l’équivalent de 200 mille litres d’huile, soit 11 % de plus par rapport à la production de l’année écoulée.

Pourtant, les prix de vente en Tunisie ne cesse d’augmenter et cette année ils pourraient même connaître une flambée.

Faouzi Zayani, expert en politique agricole et en développement durable, a bien voulu analyser la situation.

Les prévisions sont un peu trop optimistes

Le ministère de l’Agriculture avait annoncé à la mi-septembre, que la production de cette saison 2023/ 2024 d’huile d’olive est estimée, selon les prévisions préliminaires, à un million tonne d’olives, l’équivalent de 200 mille litres d’huile, soit + 11 % par rapport à la production de l’année écoulée.

« Je pense que le ministère de l’Agriculture est optimiste quant aux prévisions de récolte d’huile d’olive. Je pense que nous serons, cette année, au même niveau que l’an passé, sachant que la récolte reste toujours tributaire des pluies qui tardent à arriver. Donc elle pourrait même être en baisse par rapport à la saison passée », nous dit Faouzi Zayani.

En effet, si pour les pieds d’olivier qui nécessitent une irrigation (sakoui), la question ne se pose pas, pour les autres que l’on appelle « baâli », la sécheresse accrue de cette année a conduit à leur dessèchement et à une productivité moindre. « Il faut que la pluie tombe dans les prochains jours pour que l’olive grossisse en attendant le moment de la récolte en novembre ».

Selon Faouzi Zayani, dans les conditions idéales de précipitations mentionnées ci-dessus, la récolte tournerait aux alentours des 170/180 mille tonnes d’huile d’olive.

Il précise également que le prix de l’huile d’olive sur les cours mondiaux est aux alentours de 9 euros, soit une trentaine de dinars. « Pour la deuxième année consécutive il y a une baisse de la production mondiale en raison de la hausse significative des températures et de l’irrégularité des pluies ».

A cet égard il évoque l’Espagne, premier exportateur mondiale d’or vert. « D’habitude l’Espagne produit aux alentours de 1,5 millions de tonnes d’huile. Aujourd’hui les prévisions sont de 600.000 tonnes, l’équivalent de sa propre consommation nationale. « L’Espagne devra donc importer de l’huile d’olive pour effectuer un coupage pour garantir sa productivité et fournir ses clients », affirme l’expert.

Le manque d’huile dans le monde…une aubaine pour la Tunisie

« Si les pays comme l’Espagne devront faire appel à l’importation d’huile pour combler le manque de productivité, comment la Tunisie pourrait profiter de cette situation? », s’interroge Faouzi Zayani. En effet, le spécialiste explique que la Tunisie à une carte à jouer pour l’exportation d’huile d’olive en vrac mais aussi et surtout conditionnée. « On pourrait facilement vendre 10% d’huile d’olive conditionnée et à un prix bien plus intéressant que le vrac. Il faut pour cela les vendre sous forme de bidon en métal de 5 ou 10 litres, bien plus rentables que les bouteilles d’un litre ou un litre et demi ».

Selon Zayani, la Tunisie devra absolument profiter de cette crise au niveau mondial pour améliorer ses exportations, invoquant la loi de l’offre et de la demande. « La saison passée la consommation mondiale en huile d’olive s’élevait à 3,3 millions de tonnes alors que la production n’était que de 2,5 millions de tonnes. Nous pouvons pousser les exportations jusqu’à 30% de notre production au lieu des 10% actuels », ajoute-t-il.

La Tunisie a les capacités d’être reconnue dans le monde pour la qualité de son huile, a-t-il indiqué. Pour cela, il rappelle qu’elle est l’un des pays qui détient le plus de médailles d’or, d’argent et de bronze pour la qualité de l’huile. « Il faut rappeler que notre pays est le premier producteur mondiale et exportateur d’huile d’olive biologique ».

Pour autant, l’expert souligne que pour atteindre ces objectifs, il faut que les agriculteurs puissent investir avec l’aide des banques. « Aujourd’hui les banques sont réticentes à octroyer des prêts, invoquant le manque de liquidité », nous dit-il.

Le litre d’huile pourrait atteindre les 30 dinars

En ce qui concerne le prix de vente, Zayani indique qu’il augmentera considérablement. « La meilleure huile d’olive se vend actuellement entre 24 et 25 dinars » , nous Faouzi Zayani. A noter que l’an passé, le prix du litre d’huile devait être vendu entre 14 et 15 dinars le litre.

« En réalité, le prix de l’huile d’olive est régi par les cours mondiaux et il pourrait donc être vendu à 30DT », affirme-t-il.

Pour faire face à cette hausse, l’expert préconise la mise en place de deux filières bien distinctes: celle dédiée à l’exportation et l’autre à la consommation nationale, qui « devrait faire l’objet d’une subvention ciblée par l’Etat », selon ses dires.

« Nous avons plus d’un million  de pieds d’oliviers qui pourraient être dédiés à la consommation nationale. La hausse des exportations d’huile conditionnée pourraient permettre la création d’une caisse de subvention pour l’huile d’olive au lieu de subventionner l’huile végétale, qui plus est, reste introuvable », conclut-il.

Lors d’une conférence de presse consacrée notamment aux préparatifs de la saison de l’huile d’olive, le ministère a précisé que la production se répartit en 23 % au Nord, 17 % au Sahel, 35 % au Centre-Ouest, et 25 % au Sud. La production est issue, dans une proportion de 55 %, du secteur irrigué.

Wissal Ayadi