Tunisie : Le potentiel solaire et éolien, un important atout pour le développement de l’hydrogène vert !

12-10-2022

La Tunisie, et plus globalement le monde, fait face à une crise énergétique sans précédent. Une situation qui a poussé de nombreux pays à accélérer leur processus de transition énergétique et développer les énergies renouvelables pour se libérer de leur dépendance en terme d’énergie.

Parmi les alternatives, il y a l’hydrogène vert qui fait de plus en plus parler de lui. Il est considéré comme étant l’énergie de l’avenir qui peut se substituer aux énergies fossiles.

Le ministère de de l’Industrie, des mines et de l’énergie s’est clairement engagé dans cette voie en signant un février dernier un protocole d’accord avec la GIZ. Le projet a été nommé « H2Vert.TUN ».

L’hydrogène vert a fait l’objet d’une conférence-débat organisée par la fondation Heinrich-Böll Stiftung et le think-tank Arab Reform Initiative (ARI), à la Cité des Sciences de Tunis. L’occasion d’en savoir plus sur cette énergie du futur.

Qu’est ce que l’hydrogène vert ?

L’hydrogène, fabriqué à partir d’un processus d’électrolyse de l’eau, est dit vert si ce dernier est réalisé à partir d’électricité renouvelable. Ses principaux avantages sont le fait qu’il ne rejette aucune émission de gaz à effet de serre puisqu’elle est une énergie totalement propre. Ceci constitue un atout pour la décarbonisation de l’industrie en Tunisie et sa flexibilité étant donné qu’il peut être stocké et distribué à la demande, idéal pour le marché de l’export.

Ainsi, le potentiel solaire et éolien de la Tunisie peut constituer un atout de taille pour le développement de cette source d’énergie, surtout que la demande émanant notamment de l’Europe se fait de plus en plus importante.

En Tunisie, l’hydrogène vert peut être une opportunité pour l’industrie et le transport dit « lourd ».

A qui les bénéfices ?

Cette question a été placée au cœur de la conférence dédiée à l’hydrogène vert. En effet, la coopération tuniso-allemande sur le projet de stratégie nationale pour le développement de l’hydrogène vert nous incite à penser que l’énergie fabriquée grâce à cette nouvelle technologie sera faite au bénéfice de l’Europe, où la réflexion sur ce sujet, est bien plus avancée qu’en Tunisie.

Aïda Delpuech, journaliste, chercheuse, est l’auteure d’un rapport appelé « Stratégie nationale pour le développement de l’hydrogène vert en Tunisie, à qui les bénéfices ? », a affirmé lors du débat qu’un certain nombre de zones d’ombre planent encore sur ce projet. « J’ai pu assister à plusieurs ateliers de réflexions entre le gouvernement tunisien et les équipes de la GIZ. Il a été clairement notifié que la majeure partie de l’hydrogène vert fabriqué en Tunisie à une vocation d’export vers l’Union Européenne ». A noter que l’Europe table sur un besoin en hydrogène  vert de 40 Millions de tonnes par année d’ici 2050. La Tunisie pourrait constituer comme un fournisseur de taille grâce notamment à l’exportation de l’hydrogène vert via le gazoduc transméditerranéen qui relie l’Algérie à l’Italie.

Mme Delpuech précise à cet égard, que sur les 50% d’hydrogène vert importé par l’Europe, 80% proviendra des pays de l’Afrique du Nord.

En effet, la Tunisie n’est pas le seul pays du bassin méditerranéen à s’être engagé dans cette voie puisque le Maroc ou encore l’Egypte ont également signé des protocole d’accord dans ce sens.

Ainsi, Aïda Delpuech a dénoncé le risque de mener en Tunisie un modèle extractiviste. Il s’agit de retirer une ressource du milieu naturel, puis de la vendre sur les marchés, habituellement, internationaux. L’État, par la perception de redevances ou par l’effet de retombées bénéficie de ce modèle économique même s’il n’est pas forcément l’acteur central de l’activité extractive. L’économie générale du pays est gagnante car le PIB croît au fur et à mesure que des ressources jusqu’alors inexploités sont intégrées dans le processus économique.

« Au cours de mes recherches pour élaborer cette étude, j’ai constaté un flou autour de la question de savoir ce que la Tunisie veut faire de l’hydrogène vert et du contenu même du mémorandum signé avec l’Allemagne », -a-t-elle déclaré à l’assistance.

De son côté, la GIZ se défend de vouloir mener une politique extractiviste. « 85% de l’énergie tunisienne est importée depuis l’Algérie. Et si demain, l’Algérie coupe les vannes, il y aura un vrai problème. Le vrai risque c’est de ne rien faire », a souligné Tanja Faller, Cheffe du Cluster Energie et Climat à la GIZ.

Cette dernière y voit au contraire, une opportunité pour la Tunisie d’accélérer la transition énergétique. A noter que la Tunisie ne produit aujourd’hui que 3% d’énergie renouvelable.

Risques environnementaux et sociaux

La conférence-débat a également été l’occasion de parler des risques de développement de l’hydrogène vert en Tunisie. En effet, les panélistes n’ont pas hésité à rappeler dans quelles conditions d’autres projets liés aux énergies renouvelables ont été réalisés en Tunisie. « Tout le monde a eu vent de l’histoire du champs éolien de Borj El-Salhi dans la région de Haouaria dans le gouvernorat de Nabeul. Des gens ont été expropriés de force de leurs terrains, parfois sans contrepartie financière.

En ce qui concerne l’hydrogène vert, sa fabrication nécessitera la mise en œuvre de méga projet qu’ils soient solaires, éoliens ou hydraulique, faisant planer le risque de nouveau problèmes sociaux à l’instar de ce qui s’est passé à Haouaria.

Par ailleurs, l’hydrogène vert nécessite d’importantes ressources en eau pour sa fabrication. Si les nappes phréatiques tunisiennes sont inexploitables en raison d’une surexploitation en faveur de l’agriculture, la solution demeure dans la déstalinisation de l’eau de mer. Il faut savoir, que 1kg d’hydrogène (14kWh) nécessite entre 14 et 25 litres d’eau. Un processus coûteux qui va également induire des aménagements importants.

« Que fera-t-on ensuite de la saumure extraite de cette déstalinisation ? », s’interroge Aïda Delpuech. Selon elle, de nombreux experts sur la question s’accordent à dire que le rejet en mer de ce sel extrait accentue le réchauffement climatique.

Pour le moment le protocole d’accord Tuniso-Allemand est estimé à 31 millions d’Euros. Aucun calendrier précis n’a été dévoilé, ni par la GIZ ni par l’Etat tunisien concernant les étapes de la mise en service de la production d’hydrogène vert.Le projet devrait quant à lui s’étendre jusqu’en mars 2025.

Wissal Ayadi