L’ATUGE lance le débat sur l’impact de la crise du Covid-19 sur l’économie tunisienne 

08-05-2020

L’économie parallèle  est devenue dominante ces dernières années, et a atteint son apogée en 2020, a déploré le vice-président de l’université Paris Dauphine, Elyes Jouni.

Selon lui, l’Etat est affaibli avec l’absence de contrôle des financements politiques, le renforcement du clientélisme et donc des rentes. Il s’en ajoute l’explosion de la dette, accompagnée de nouvelles formes d’action sociale dues aux déséquilibre régionaux, de type « Jemna, Fech Nestanew, Manich Msamah, Mansinekomch, Ouinou El pétrole….

« Avec le Covid, ça devient un cocktail explosif ! Sans réponse structurée les tensions sociales pourraient avoir des effets ravageurs  ».

C’est le cri d’alerte qui a été lancé par Jouini lors d’un webinar sur « l’impact de la crise Covid-19 sur l’économie tunisienne », organisé par l’association des tunisiens des grandes écoles (ATUGE).

A cet égard, il suggère la création  d’un impôt de solidarité sur le patrimoine qui représentera une source de recette pour l’Etat.

Il appelle également à la fondation d’un nouveau pacte de justice sociale et redistribution des richesses.

« L’économie de rente et la corruption vont de pair. Ils forment un frein à la croissance. Par ailleurs, il faut profiter de la proximité géographique et stratégique avec l’Europe, pour attirer plus les marchés de sous-traitance, le tourisme, numérique, santé et enseignement supérieur ».

Jouini recommande aussi la mise en place de couples de hauts responsables à la coopération industrielle et technologique au niveau international. Ainsi que la création d’un réseau de conseillers du développement économique, industriels, cadres supérieurs, implantés à l’étranger, porte- paroles habilités à la politique économique tunisienne.

 L’impact de cette pandémie sur le taux de croissance va durer quelques années jusqu’à 2022, a, pour sa part, confirmé l’ancien ministre du développement régional et local, Abderrazek Zouari.

« Cette crise a mis à nu les défaillances institutionnelles tunisiennes. Elle a montré qu’on dispose d’une adaptabilité insuffisante au changement. L’administration continue à fonctionner normalement, alors que cette phase exige des décisions urgentes pour relancer l’activité des entreprises », a-t-il expliqué.

«  Il faut repenser la structure institutionnelle, de manière à ce qu’elle permette aux entreprises d’utiliser pleinement leurs capacités. La production de phosphate doit être renforcée pour ne pas approfondir la récession ».

 « Nous sommes dans un sentier d’Etat stationnaire en Tunisie, sans investissement, sans productivité, et le stock de capital est obsolète », a rappelé Zouari. Selon lui, la relance peut augmenter la dette et l’inflation…Il faut donc miser sur un plan de reprise économique prévoyant notamment un saut technologique.

Par ailleurs, il a souligné que l’Europe serait contrainte de faire une relocalisation stratégique, du secteur textile  et de l’industrie pharmaceutique, au nord de l’Afrique au lieu de la Chine. « Mais ce choix se basera sur des critères de compétitivité ».

A cette occasion, le polytechnicien Anis Marrakchi a mis l’accent sur le secteur informel qui représente 40% de l’économie en Tunisie.

« Le fait d’accaparer des richesses sans en créer d’autres cadenasse la croissance et ne permet pas d’enregistrer une croissance. Le problème  aussi, c’est que l’Etat décourage les investisseurs, en leur imposant des conditions difficiles à satisfaire… »

Le haut fonctionnaire au ministère de l’économie et des finances a indiqué qu’exiger le fait d’avoir un local et deux employés au minimum pour garantir une situation légale de l’entreprise, pousse les plus démunis ayant des idées de projet à travailler dans l’informel.

« Il faut encourager les entrepreneurs à travailler dans le secteur formel, en leur proposant des avantages et non pas des entraves. Avec la crise économique engendrée par le Covid-19, il faut miser dans l’avenir, sur la lutte contre la corruption, comme tremplin pour sauver l’économie tunisienne de l’effondrement… », conclut-il.

Emna Bhira