L’agro-alimentaire tunisien à l’épreuve de la concurrence des produits importés

26-04-2023

L’agroalimentaire est l’un des secteurs clés de l’économie tunisienne, représentant environ 15% du PIB et employant plus de 20% de la population active du pays. La Tunisie dispose d’un vaste potentiel agricole, grâce à sa situation géographique privilégiée, à son climat favorable et à la diversité de ses sols. Ce secteur est donc vital pour assurer la sécurité alimentaire du pays, mais aussi pour générer des revenus et des emplois dans les zones rurales.

Le secteur agroalimentaire tunisien est caractérisé par une grande variété de produits, allant des fruits et légumes aux produits de la mer, en passant par les céréales, les viandes et les produits laitiers. Les exportations de produits agricoles représentent également une part importante des revenus du pays, avec des produits tels que les dattes, les agrumes, les olives et les huiles essentielles.

Cependant, malgré son potentiel, le secteur de l’agroalimentaire en Tunisie est confronté à plusieurs défis, tels que la faible productivité agricole, la dépendance aux importations de produits alimentaires de base, la faible compétitivité des entreprises locales, ainsi que les effets du changement climatique.

Contexte

L’industrie alimentaire en Tunisie est étroitement liée à l’agriculture, car elle utilise une grande partie des matières premières agricoles produites dans le pays. Elle est un secteur important de l’économie tunisienne, qui contribue de manière significative à la création d’emplois et à la croissance économique du pays.

En termes de production, la Tunisie est un producteur important de certains produits agricoles, tels que l’huile d’olive, les dattes, les agrumes, les fruits et légumes, et les produits laitiers. Ces matières premières sont transformées par l’industrie alimentaire pour produire une large gamme de produits, tels que les conserves, les jus de fruits, les huiles comestibles, les pâtes alimentaires, les produits laitiers, les boissons gazeuses, et bien d’autres.

Cependant, l’industrie alimentaire tunisienne est confrontée à des défis importants, tels que la concurrence des produits importés, la baisse de la qualité des produits locaux, la faible productivité agricole, et la limitation des capacités d’innovation et de recherche. Les normes sanitaires et de qualité sont également en deçà des normes internationales, ce qui limite l’exportation de produits tunisiens sur les marchés internationaux.

Pour surmonter ces défis, l’industrie alimentaire tunisienne doit adopter une approche de chaîne de valeur intégrée, en renforçant la collaboration entre les différents acteurs de la chaîne de valeur alimentaire, en améliorant la qualité des matières premières agricoles, en investissant dans la recherche et le développement, et en adoptant des normes sanitaires et de qualité plus élevées.

Creusement du déficit de la balance commerciale alimentaire

En Tunisie, la part consacrée au marché intérieur de l’industrie alimentaire est relativement importante par rapport à la part destinée à l’exportation. En effet, la majorité de la production de l’industrie alimentaire tunisienne est destinée à la consommation intérieure, et seulement une petite partie est exportée.

Le déficit de la balance alimentaire en Tunisie est un problème économique et social majeur qui affecte la sécurité alimentaire et la stabilité économique du pays. La balance alimentaire est un indicateur qui mesure la différence entre les exportations et les importations de produits alimentaires. En Tunisie, cette balance est déficitaire, ce qui signifie que le pays importe plus de produits alimentaires qu’il n’en exporte.

Selon les derniers chiffres communiquées par l’Observatoire national de l’agriculture (ONAGRI) le 16 février dernier, la balance commerciale alimentaire de la Tunisie a enregistré un déficit de 151 millions de dinars au mois de janvier 2023, contre 62,4 millions de dinars en janvier 2022.

Il existe plusieurs facteurs qui contribuent à ce déficit. L’un des principaux facteurs est la dépendance de la Tunisie à l’égard des importations de céréales et d’autres produits alimentaires de base tels que le lait, le sucre et les huiles végétales. Cette dépendance est due à la faiblesse de la production agricole du pays, qui souffre de plusieurs problèmes tels que la sécheresse, l’insuffisance des investissements et des technologies agricoles, ainsi que la faible productivité des exploitations.

La cause du déficit enregistré est liée notamment à une augmentation rapide des importations de céréales (+63,2%) et d’huiles végétales (+40,3%), malgré une hausse des exportations d’huile d’olive (+20,4%).

Un autre facteur est la hausse des prix des matières premières alimentaires sur le marché mondial, qui rend les importations de produits alimentaires plus chères pour la Tunisie. Cette situation est aggravée par les fluctuations des taux de change, qui rendent les importations encore plus coûteuses.

Le déficit de la balance alimentaire en Tunisie a des conséquences économiques et sociales importantes. Tout d’abord, cela met en danger la sécurité alimentaire du pays, en particulier pour les populations les plus vulnérables. En effet, l’augmentation des prix des denrées alimentaires entraîne une baisse du pouvoir d’achat des consommateurs et une augmentation de la pauvreté alimentaire. De plus, le déficit de la balance alimentaire contribue au déséquilibre de la balance commerciale en entraînant une sortie de devises pour payer les importations.

Pour autant, les données montrent que le prix moyen de l’huile d’olive à l’exportation a augmenté de manière significative de 40,5%, atteignant 15,09 DT/kg entre janvier 2022 et 2023. Les prix des dattes ont également progressé de 12,4% et ceux des agrumes de 1,6% par rapport à la même période de l’année précédente. Ces chiffres témoignent d’une nette amélioration sur cette période pour ces produits d’exportation tunisiens, mais insuffisant pour réduire le déficit.

Pour y faire face, la Tunisie devrait investir davantage dans l’agriculture pour améliorer la production et réduire sa dépendance aux importations. Cela peut se faire en encourageant les agriculteurs à adopter des technologies modernes et durables, en améliorant l’accès au financement et en promouvant les exportations de produits agricoles tunisiens. De plus, le gouvernement doit également soutenir les politiques qui encouragent la production et la consommation de produits alimentaires locaux afin de réduire les importations.

A titre d’exemple, il est possible d’augmenter la valeur de l’exportation d’huile d’olive. En effet, la Tunisie exporte chaque année seulement 10% huile d’olive dite conditionnée. Or pour les experts il s’agit d’une menace car aujourd’hui le plus gros marché au sein de ce secteur concerne l’huile d’olive conditionnée, c’est à dire en bouteille. Mais en Tunisie, l’huile est vendue à l’export pour l’essentiel en vrac, pour être sur place mise en bouteille et vendue trois fois plus chère.

S’ouvrir à de nouveaux marchés

Cependant, il est important de noter que l’industrie alimentaire tunisienne cherche à augmenter sa part d’exportation, notamment en développant de nouveaux marchés et en améliorant la qualité de ses produits. En effet, l’exportation de produits alimentaires est un levier important pour diversifier les sources de revenus de l’industrie alimentaire tunisienne et pour renforcer sa compétitivité sur les marchés internationaux.

A cet égard, le 18 février dernier, le conseiller en développement économique, Chakib Ben Mustapha, avait indiqué que la Tunisie étaient en mesure de quadrupler ses exportations vers l’Afrique, pour passer de 3% actuellement à environ 15% et 20% du total des exportations.

En effet, l’Afrique pourrait devenir un nouveau levier d’exportations pour la Tunisie sachant que le pays a ratifié plusieurs accords tels que l’accord de la zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF) et le Marché commun de l’Afrique orientale et australe (COMESA).

Le label Tunisien: un avantage sous-exploité

Le label tunisien, comme tout label de qualité, doit faire face à une concurrence importante sur les marchés internationaux. Les produits alimentaires tunisiens sont confrontés à la concurrence de produits similaires provenant d’autres pays de la région méditerranéenne, tels que l’huile d’olive espagnole ou italienne, les dattes égyptiennes ou saoudiennes, les agrumes marocains, etc.

Cependant, le label tunisien dispose d’un certain nombre d’avantages qui peuvent l’aider à se frayer un chemin sur les marchés internationaux. Tout d’abord, la Tunisie bénéficie d’une position géographique stratégique, située au confluent de l’Europe et l’Afrique, qui lui permet de servir de plateforme de transit pour les échanges commerciaux. De plus, la Tunisie dispose d’une main-d’œuvre qualifiée et d’un savoir-faire ancestral dans la production de produits alimentaires de qualité, tels que l’huile d’olive et les dattes.

En outre, le gouvernement tunisien a mis en place des politiques pour promouvoir le label tunisien sur les marchés internationaux. Le ministère de l’Agriculture a créé un organisme de certification, l’Institut National de Normalisation et de Propriété Industrielle (INNORPI), qui délivre des certificats de conformité aux normes de qualité internationales. Le gouvernement tunisien offre également des incitations fiscales et des subventions pour les entreprises qui exportent des produits alimentaires.

Enfin, les entreprises tunisiennes cherchent de plus en plus à se différencier en adoptant des stratégies de marketing innovantes, telles que la production de produits biologiques, le développement de marques haut de gamme, et la mise en place de canaux de distribution en ligne pour atteindre des consommateurs internationaux.

En somme, le label tunisien a la capacité de se positionner de manière efficace sur les marchés internationaux, en se différenciant de la concurrence par la qualité de ses produits, l’innovation, et le marketing. Cependant, pour y parvenir, il est important que l’industrie alimentaire tunisienne continue de renforcer ses capacités de production, de recherche et d’innovation, et de respecter les normes sanitaires et de qualité internationales.

Les préparation alimentaires font petit à petit leurs chemin…

En Tunisie, la filière des préparations alimentaires n’est pas aussi développée que dans d’autres pays comme la France, mais elle commence à prendre de l’ampleur. Les Tunisiens sont en effet de plus en plus nombreux à opter pour des préparations alimentaires, notamment en raison de leur mode de vie de plus en plus urbain et de l’augmentation du nombre de femmes travaillant hors du foyer.

Cependant, la consommation de préparations alimentaires reste encore limitée en Tunisie, comparée à la consommation de plats traditionnels cuisinés à la maison. Les Tunisiens sont en effet attachés à leur patrimoine culinaire et à la cuisine maison, qui est considérée comme plus saine et plus authentique que les préparations industrielles.

Malgré cela, les préparations alimentaires commencent à trouver preneurs en Tunisie, en particulier les produits à base de viande et de volaille, tels que les saucisses, les nuggets, les hamburgers et les merguez. Les produits surgelés, les plats préparés, les soupes instantanées et les snacks salés sont également en demande croissante en Tunisie.

Cependant, il est important de noter que la filière des préparations alimentaires en Tunisie doit encore faire face à des défis en matière de qualité et de sécurité alimentaire, ainsi qu’à la concurrence des produits importés de pays voisins comme l’Algérie ou la Turquie. Par conséquent, les entreprises tunisiennes cherchent de plus en plus à se différencier en proposant des produits de qualité supérieure, à base d’ingrédients locaux et naturels, afin de conquérir la confiance des consommateurs tunisiens et des marchés étrangers.

Wissal Ayadi