Tunisie : Statut d’auto-entrepreneur, microfinance…des mécanismes pour l’insertion des plus démunis dans le circuit économique

22-02-2023

Selon les derniers chiffres publiés par l’Institut national de la statistique, le taux de pauvreté en Tunisie s’établit à 16,6% en 2021, contre 15,2% en 2015, 20,5% en 2010 et 23,1% en 2005.

En 2022, le nombre des familles démunies et à revenus limités a frôlé le un million de familles, soit 4 millions de Tunisiens qui souffrent de dénuement. La hausse du chômage, l’inflation et la baisse du pouvoir d’achat en sont les principales causes.

De son côté, l’Etat verse à ces familles modestes une indemnité de 220 dinars par mois au titre d’aides sociales. Une somme qui peut paraître symbolique quand on connait la hausse vertigineuse du coût de la vie ces dernières années.

Ainsi, pour compléter leurs revenus beaucoup travaillent dans le secteur informel. En Tunisie, presque la moitié des travailleurs ne sont pas déclarés. Toujours selon l’INS, 44,5% de la main d’oeuvre nationale appartient au secteur informel, dont 42,5%, travaillent de manière indépendante.

Pour la plupart, ce sont des travailleurs qui cherchent à compléter des revenus faibles afin de s’assurer un meilleur pouvoir d’achat, et ce malgré les risques qui peuvent en découler.

Aux vues de la faiblesse des ressources publiques, l’élargissement de l’assiette de l’indemnité accordée aux familles démunies et à revenu limité n’est pas dans la stratégie du ministère des Affaires sociales qui préfère insérer ces catégories dans le circuit économique, afin qu’elles contribuent à la création des richesses.

La micro-finance: un levier de développement pour les petits entrepreneurs

La microfinance en Tunisie a connu une croissance importante ces dernières années. La Tunisie dispose d’un cadre législatif favorable aux institutions de microfinance, et plusieurs d’entre elles opèrent dans le pays.

La microfinance est considérée comme un outil important pour lutter contre la pauvreté et l’exclusion financière. Elle vise à fournir des services financiers de base, tels que des prêts, à des personnes et à des entreprises qui ont généralement un accès limité aux services financiers traditionnels.

Plusieurs institutions de microfinance opèrent en Tunisie, y compris des ONG, des coopératives et des banques spécialisées dans la microfinance. La Banque Centrale de Tunisie réglemente le secteur de la microfinance en fixant des limites aux taux d’intérêt, en établissant des exigences de capital et en supervisant les institutions de microfinance.

La microfinance est devenue de plus en plus importante en Tunisie, en particulier pour les personnes ayant des moyens limités. Les services de microfinance ont contribué à créer de nouvelles opportunités d’affaires et à renforcer l’économie locale.

Aujourd’hui, les institutions de microfinance en Tunisie offrent une gamme de produits financiers, y compris des prêts pour les petites entreprises, pour l’achat de matériel ou d’équipements, pour l’agriculture et la pêche, pour l’habitat, des assurances, des produits d’épargne et des transferts d’argent.

Les taux d’intérêt pour les prêts de microfinance en Tunisie sont réglementés par la Banque Centrale de Tunisie et varient généralement entre 5% et 15%. Les institutions de microfinance en Tunisie ont également mis en place des mécanismes pour évaluer la capacité de remboursement des clients, tels que l’analyse de crédit et les garanties.

La microfinance en Tunisie a permis à de nombreuses personnes de sortir de la pauvreté et de développer leurs activités économiques. Elle a également contribué à l’autonomisation des femmes en leur donnant accès à des services financiers, ce qui leur permet de devenir des acteurs économiques importants dans leur communauté.

Selon la Banque Centrale de Tunisie, il y avait 178 institutions de microfinance en Tunisie à la fin de l’année 2020, dont 78 ONG, 48 coopératives et 52 banques spécialisées dans la microfinance.

Le nombre total de clients des institutions de microfinance en Tunisie a augmenté régulièrement ces dernières années, passant de 517 000 en 2015 à 1,2 million en 2020.

Le portefeuille de prêts des institutions de microfinance en Tunisie s’élevait à 2,8 milliards de dinars tunisiens à la fin de l’année 2020, contre 2,4 milliards de dinars tunisiens à la fin de l’année 2019.

Le taux de pénétration de la microfinance en Tunisie reste encore bas puisqu’il s’établit à environ 10%, ce qui signifie que seulement 10% de la population tunisienne a accès à des services de microfinance.

En termes de genre, les femmes représentent une part importante des clients de la microfinance en Tunisie. Selon la BCT, environ 52% des clients de la microfinance en Tunisie sont des femmes.

Le statut d’auto-entrepreneur pour inciter les plus démunis à s’insérer dans le circuit économique

Comme évoqué auparavant, près de la moitié des travailleurs en Tunisie sont actifs dans ce que l’on appelle le secteur informel. C’est-à-dire qu’ils exercent une activité non déclarée, sans statut officiel, sans contribution aux caisses sociales, et sans paiement d’impôts ou de taxes.

Ainsi, la notion d’auto-entrepreneuriat a été examinée par les autorités publiques en 2016. Après plusieurs années de travail, le décret-loi n°2020-33 relatif au statut d’auto-entrepreneur a été publié en juin 2020. Cependant, en l’absence de textes réglementaires nécessaires, qui sont encore en cours d’élaboration par les autorités compétentes, le décret-loi n’a toujours pas été mis en application.

A noter que de plus en plus de pays à travers le monde ont  mis en oeuvre le statut d’auto-entrepreneur, qui s’est avéré efficace. Au Maghreb, le Maroc et l’Algérie ont déjà pris cette voie.

L’objectif est de mettre fin à cette économie informelle qui a un impact considérable sur le pays, favorisant les inégalités sociales et entraînant des pertes financières importantes pour l’État. Cela peut également encourager l’entreprenariat et aider à lutter contre la pauvreté et le chômage, en particulier chez les jeunes.

Le statut d’auto-entrepreneur en Tunisie offre plusieurs avantages, tels que la simplicité et la rapidité de la création de l’entreprise, l’absence de formalités de constitution, la fiscalité simplifiée et la limitation de la responsabilité financière aux biens personnels de l’auto-entrepreneur.

Ce statut est réservé aux personnes qui réalisent un chiffre d’affaires annuel inférieur à 75.000  dinars et qui exercent une activité commerciale, artisanale ou libérale. Pour ce qui est des avantages fiscaux, là aussi, l’auto-entrepreneur pourra bénéficier d’un régime fiscal spécial qui consiste à payer une contribution unique libérée de l’impôt sur le revenu des personne physiques, de le taxe sur la TVA et de la cotisation à la CNSS.

En résumé, le statut d’auto-entrepreneur en Tunisie est une option intéressante pour les personnes qui souhaitent créer une entreprise individuelle de manière simple et rapide, avec une fiscalité et des formalités allégées. Toutefois, il est important de respecter les conditions et les obligations fiscales et sociales liées à ce statut.

La question est de savoir si ces catégories démunies qui vivent souvent de métiers précaires et travaillant dans l’illégalité, sans presque aucun contrôle de l’Etat iront s’insérer dans un schéma entreprenarial qui les contraindra à payer des cotisations, avec la contrainte de la bureaucratie typique de la Tunisie… Heureusement plusieurs associations opèrent dans ce domaine en Tunisie afin d’aider ces personnes voulant créer leurs propres projets…

Wissal Ayadi