Femme tunisienne : Des avancées, mais le combat pour l’égalité est encore long !
Dans l’ombre de l’Histoire de la Tunisie réside une histoire de force, de résilience et de détermination féminine. Alors que le pays continue de tracer son chemin tant bien que mal dans la voie du progrès social, économique et politique, il est essentiel de lever le voile sur le rôle crucial que les femmes tunisiennes ont joué et continuent de jouer dans cette évolution.
Le 13 août de chaque année marque ce combat perpétuel pour la lutte pour l’égalité des sexes, et la célébration de leurs réalisations exceptionnelles, mais aussi l’importance de mettre un terme aux violences dont elles font l’objet.
Malgré un cadre législatif avant-gardiste grâce notamment au Code du Statut Personnel et plus récemment à la loi 58 pour l’élimination des violences faites aux femmes, elles demeurent encore considérées comme une population vulnérable. En 2023, soit six ans après la promulgation de la loi 58, quinze femmes ont perdu la vie des suites de violences conjugales.
Samia Letaief, membre du bureau exécutif du Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux dresse un bilan de la situation.
Malgré la loi, les violences augmentent dangereusement
En 2017, la Tunisie adoptait la loi 58 relative à l’élimination des violences faites aux femmes. Un arsenal juridique de plus censé protéger la femme. « Nous pensions que nous allions éliminer les violences faites aux femmes, mais les chiffres nous montrent le contraire. L’ambiance générale du pays influe sur la population la plus vulnérable qui est la femme », nous confie Samia Letaief.
Dans ce sens, elle déplore l’absence de mécanismes d’application de cette loi, raison pour laquelle, selon elle, que les femmes qui sont victimes de violences ne se sentent pas vraiment protégées par ce cadre juridique, la société ne l’ayant pas assimilé.
Les femmes violentées sont, en effet, confrontées à la pression d’une société encore ancrée dans un système patriarcal. « Quand une femme parle des violences à sa famille, on lui répond de prendre sur elle, quand elle se rend au commissariat on lui répond de pas en faire une histoire, à l’hôpital on lui dit que c’est juste une claque et que ce n’est pas grave. Cela montre que malheureusement la société tunisienne banalise la violence », nous dit-elle.
Du côté des hommes, les justifications sont souvent les mêmes: le chômage, le manque d’argent, la précarité. « C’est une société en crise et elle a des conséquences néfastes qui se répercutent sur les populations vulnérables et notamment les femmes ».
Cette banalisation de la violence conduit aujourd’hui à des chiffres effrayants. En moyenne, trois femmes tunisiennes perdent leur vie chaque mois en raison de la violence perpétrée par leurs conjoints. Au cours du premier trimestre de 2023, huit femmes ont tragiquement perdu la vie dans des incidents de violence conjugale, comme l’a rapporté l’Association Aswat Nissa. Les méthodes de violence varient, certaines ayant été étranglées tandis que d’autres ont été victimes de coups de couteau.
A cet égard, Samia Letaief indique qu’il faut avant tout travailler sur la sensibilisation auprès des femmes, afin qu’elles signalent les violences dès la première fois afin d’éviter qu’elles entrent dans l’acceptation de tels actes. « Dans les médias on en parle très peu. Il faut savoir que la violence n’est pas seulement physique. Elle psychologique et économique également. Si on assimile que tous ces actes sont des formes de violences, il sera alors possible de les éliminer », relève-t-elle.
Le rôle économique des femme encore sous estimé
Le ministère de la Femme a fait de l’autonomisation des femmes une de ses priorité afin d’éradiquer toute forme de discrimination, mais également pour combattre les violences faites aux femmes. Malgré des programmes de financement importants qui encouragent l’entreprenariat ou encore la formation, la marche vers l’égalité est encore longue.
« On parle de l’autonomisation des femmes alors que l’inégalité salariale entre femmes et hommes est toujours de mise et presque acceptée. On ne prend pas assez en considération l’importance du rôle économique des femmes », souligne Samia Letaief.
Cette dernière relève que quand une femme travaille c’est soit pour « aider son mari » ou « aider sa famille », mais jamais pour elle-même, la reléguant au second plan.
Une situation qui se ressent au niveau des salaires, puisque selon un récent rapport de la Banque mondiale qui met en évidence un écart salarial de près de 19% entre les hommes et les femmes par heure travaillée.
« Les agriculteurs préfèrent embaucher une main d’œuvre plutôt féminine que masculine, car elles travaillent plus et sont moins rémunérées », conclut Mme Letaief.
En examinant à la fois les succès accomplis et les défis persistants, il est clair que cette journée est à la fois un hommage à l’histoire des femmes tunisiennes mais aussi un rappel inspirant de l’importance de poursuivre le combat pour l’égalité et l’autonomisation.
Wissal Ayadi