Journée mondiale du diabète : La Tunisie face à un défi de santé publique

14-11-2024

Ce samedi 16 novembre 2024, la Tunisie se joint à la communauté internationale pour célébrer la Journée mondiale du diabète. Cette maladie chronique, qui affecte profondément la régulation du glucose dans l’organisme, est devenue un problème de santé publique majeur. Pour faire le point, nous avons consulté le Professeur Koussay Ach, endocrinologue.

Une prévalence croissante

En Tunisie, la prévalence du diabète, notamment de type 2, continue de progresser, principalement en raison des changements de mode de vie, de l’urbanisation, et des habitudes alimentaires de plus en plus riches en sucres et graisses. D’après le dernier recensement officel (2016), 15.5% des adultes tunisiens de plus de 30 ans sont touchés par le diabète de type 2. Quant au diabète de type 1, bien que moins fréquent, il inquiète aussi, notamment en raison de son apparition chez les enfants.

Le Pr Ach souligne que la détection précoce reste essentielle : « Beaucoup de personnes ne sont pas diagnostiquées. En affinant les méthodes statistiques, le nombre de cas pourrait être bien plus élevé. » Il rappelle que le diabète est diagnostiqué au-dessus de 1,26 g de glucose par litre de sang. Les prédiabétiques, quant à eux, avec des taux de glucose entre 1,10 et 1,25 g, sont tout aussi nombreux et nécessitent une attention particulière.

Le diabète de type 2 : un mal silencieux

Le diabète de type 2 se développe généralement de façon asymptomatique, et de nombreux cas sont découverts tardivement. Cette forme de diabète, plus répandue que le type 1 en Tunisie, est liée à des facteurs de risque comme l’obésité, l’inactivité physique, et des antécédents familiaux. « L’hyperglycémie reste longtemps sans symptôme, et beaucoup de patients découvrent leur maladie de manière fortuite », précise le Pr Ach.

En milieu rural, les modes de vie plus traditionnels semblent offrir une protection contre le diabète. Cependant, l’urbanisation croissante tend à standardiser les habitudes alimentaires, exposant ainsi davantage de Tunisiens à la maladie.

Des adolescents touchés de plus en plus jeunes

La hausse des cas de diabète chez les adolescents est une source de préoccupation croissante. L’augmentation du taux d’obésité infantile en est un facteur aggravant. « Des enfants deviennent diabétiques dès 15 ans », déplore le Pr Ach, soulignant que l’obésité qui affectait autrefois les adultes touche aujourd’hui des jeunes générations.

Mondialisation et alimentation

Le Pr Ach pointe également la mondialisation et l’industrialisation de l’alimentation comme des facteurs aggravants. « Ce n’est pas l’aliment en lui-même qui pose problème, mais sa transformation industrielle », explique-t-il. La prolifération des produits transformés riches en sucres et en graisses saturées a profondément modifié les habitudes alimentaires, même en Tunisie, où la cuisine traditionnelle est naturellement plus saine.

Les pauses déjeuner rapides dans le milieu professionnel et le recours aux fast-foods favorisent ces comportements alimentaires peu sains. De nombreuses entreprises en Europe ont déjà pris conscience de ce problème en offrant à leurs employés des cantines équilibrées et des installations sportives.

Sensibilisation et prévention

Pour lutter contre ce fléau, la prévention et la sensibilisation sont des piliers essentiels. Le Pr Ach souligne qu’un dépistage du diabète est rapide et peu coûteux, et appelle à ce que cette pratique devienne une politique sanitaire soutenue par les pouvoirs publics. « Il faut une éducation à la santé, et ce dès le plus jeune âge, pour que chacun comprenne l’importance de modes de vie sains », insiste-t-il.

Accès aux soins : progrès et défis

La prise en charge du diabète en Tunisie a bénéficié de progrès notables. La CNAM a récemment inclus la Dapagliflozine dans ses remboursements, un traitement qui contribue au contrôle glycémique, à la protection cardiovasculaire et rénale, et aide à la perte de poids. Toutefois, les glucomètres, indispensables pour les patients diabétiques, ne sont toujours pas remboursés.

Le Pr Ach rappelle que si le traitement médicamenteux est primordial, les complications du diabète, souvent coûteuses, peuvent être évitées avec un suivi adapté et un changement des habitudes de vie.

Alors que la Journée mondiale du diabète 2024 rappelle une fois encore la gravité de cette maladie, la Tunisie reste confrontée au défi de sensibiliser sa population et de promouvoir un système de prévention robuste, afin de limiter l’impact de cette véritable épidémie silencieuse.

Wissal Ayadi