Zarbia 2021 au Kram : Le tapis tunisien résiste, malgré l’invasion du bas de gamme (Reportage)

19-03-2021

L’Office National de l’Artisanat organise une édition exceptionnelle de la Foire Nationale du tapis, Tissages ras et des Fibres végétales « Zarbia 2021 » du 12 au 21 mars 2021 au Palais des expositions du Kram. Gnetnews s’est rendu sur place à la découverte des créations des artisans venus de tous les gouvernorats de Tunisie, pour exposer leurs produits régionaux.

Midi, en plein milieu de la journée, les halls de la foire regorgeaient déjà de visiteurs, venus redécouvrir le Tapis tunisien artisanal qui a évolué à travers les années, en suivant les tendances de décoration, et le goût des plus jeunes…

Même au niveau des textures, couleurs, motifs et design, les acheteurs ont désormais l’embarras du choix, Mergoum, Klim, tapis en peau de vache ou chameau, tapis kairouanais, d’autres en laine, en lin ou encore en soie…

Le seul inconvénient, provient de l’invasion des tapis synthétiques importés, qui se vendent à bas prix, menaçant ainsi le secteur de la tapisserie traditionnelle, désormais en plein marasme économique.

C’est ce que nous a expliqué « Arbia », une artisane venue de la ville de « Gaâfour » du gouvernorat de « Seliana », qui dirige un stand partagé avec une collègue artisane également.

Selon elles, les tapis turcs sont en train de dominer le secteur de la tapisserie tunisienne, autrefois réputé sur le plan local et international. « Avec la crise économique, les clients préfèrent dépenser moins en achetant un produit médiocre, au lieu d’investir dans des produits locaux de haute qualité, qui font vivre des milliers d’artisans », déplorent-elles.

En leur demandant le coût d’un tapis tunisien, ces deux artisanes nous ont dévoilés que le prix du kilogramme de laine de mouton, la matière première en tapisserie traditionnelle, varie entre 10 et 13 dinars, selon sa gamme. Sinon, il faut compter aussi, les charges du transport pour s’approvisionner des fils et des outils de tissage de Kairouan, dans un lieu situé à des centaines de kilomètres de chez elles. S’y ajoutent les charges de location des stands durant les foires, qui représentent pour elles, l’opportunité la plus importante pour faire des recettes.

« Malgré nos efforts de s’adapter aux nouvelles tendances de déco et de demande, pour pouvoir concurrencer et percer sur le marché, la survie dans ce secteur demeure difficile, notamment avec la cherté de la matière première », nous confie l’une d’elles.

En nous promenant  dans les halls de la foire, un immense étalage de « Klims », multicolores  a tenu notre attention.  C’était le stand de l’artisan Salah Afi, venu de Sidi Bouzid pour exposer ses tapis berbères, aux couleurs pétillantes.

Cet homme d’un certain âge, nous a appris comment différencier tout d’abord entre le « Klim » ayant l’avantage d’être utilisé sur les deux facettes, alors que le « Mergoum » ne peut être posé que sur une seule face.

En lui demandant quelle clientèle apprécie généralement ce genre de tapis, utilisé fréquemment à la campagne et les petits villages, il nous a dévoilés que ce sont les étrangers qui affluent en premier pour acheter ces pièces décoratives.

« Pour eux, un « Klim », peut-être une pièce maitresse dans un intérieur, grâce à son originalité et son authenticité. D’autant plus, que ses ornementations, motifs, et symboles berbères sont inspirés de tout un héritage culturel, transmis d’une génération à une autre. Ces « étrangers », valorisent plus nos produits que les acheteurs locaux, et sont souvent prêts à dépenser pour se procurer ces produits distingués ».

En effet, en allant d’un stand à un autre, on remarque bien que chaque tapis cache en lui les codes décoratifs d’une région du nord tunisien, du sud, ou encore du centre. Les tapis de Gabes par exemple se distinguent par leurs couleurs sobres et leurs motifs berbères minutieusement tracés de manière linéaire sur la surface.

Les tapis des petites villes du centre sont généralement plus gais, composés de couleurs chatoyantes et joviales. Quant au tapis de Kairouan, il est reconnaissable par les bordures qui encadrent le tableau central de sa composition florale, basée sur des détails ornementaux, à la fois symétriques, parallèles et raffinés. Le tapis de Kairouan, reste le plus cher à cause du nombre de points de tissage dont ils disposent, et de sa laine de mouton très épaisse.

Emna Bhira