La Tunisie entame l’année 2024 dans l’incertitude, le compter sur soi prôné par Kaïs Saïed reste à définir !

02-01-2024

La planète entame la nouvelle année 2024 un peu groggy, entrainant le lourd legs et des défis incommensurables qui n’ont pu être résolus l’année écoulée ni les années qui l’ont précédée. Les dirigeants du monde entier ont exprimé les vœux du nouvel an à leurs populations, lesquels étaient dominés par un constat peu reluisant d’un monde de plus en plus belliqueux, miné par les dissensions, les conflits et les guerres ; l’engagement à relever les défis et à résoudre les crises, et les promesses de lendemains meilleurs.

La Tunisie n’est pas en reste, le président de la république continue à faire valoir « le compter sur soi » pour sortir de l’ornière. Dans ses vœux au gouvernement et aux Tunisiens, exprimés le 29 décembre dernier, lors d’un conseil des ministres à Carthage, Kaïs Saïed a promis « la poursuite de la marche de militantisme et de libération, en comptant sur nos propres moyens et nos propres ressources sur la base de choix de notre peuple, pour construire un avenir meilleur et réaliser nos rêves et nos espérances ».

Pour essayer de décrypter cette phrase générique, disons  que le chef de l’Etat reste attaché à sa stratégie de combat et de démantèlement d’un système miné par la corruption, les lobbies, les fonctionnaires véreux et déloyaux…

Chose plus facile à dire qu’à faire, a fortiori, que personne n’est en mesure, à l’heure qu’il est, de quantifier l’ampleur de ces fléaux, qui sont bien réels, mais diffus et inextricables. Ce n’est pas, par un coup de baguette magique que l’on combattra la corruption, la malversation, la mauvaise gouvernance…mais c’est, par d’abord, un diagnostic scientifique de l’étendue de ces maux et une application stricte de la loi, à tous sur un pied d’égalité, en œuvrant, en parallèle, à instaurer une culture d’intégrité et de rectitude, et en faisant entrer, progressivement, les bons réflexes et les pratiques vertueuses dans les mœurs de la société.

Les Tunisiens souffrent

Ceci étant, la Tunisie reste confrontée, en ce début 2024, à des crises multiples, dont le retentissement continue à se faire sentir dans le quotidien des Tunisiens, leur porte-monnaie et leur panier.

Tout d’abord la crise du pouvoir d’achat et de la pénurie des produits de base, dans un contexte inflationniste qui ne se dément pas. Les organismes officiels ont beau évoquer une inflation en baisse, les Tunisiens ne le constatent pas vraiment, face à la flambée des prix, et une cherté de la vie continue et débridée. Chose aggravée par la pénurie des produits de base qui ne semble, pas, là aussi connaitre de quelconques solutions durables et définitives…le gouvernement agit par à-coups pour approvisionner le marché en ces denrées prisées, sans parvenir à couvrir tous les besoins.

Ensuite, la crise des finances publiques. Là aussi, c’est le flou artistique. Le budget de 2024 a été conçu et bâti sans l’hypothèse du recours au fonds monétaire international. L’accord de principe signé le 15 Octobre 2022 entre la Tunisie et l’institution financière autour d’un prêt de 1,9 milliards de dollars semble être renvoyé aux calendes grecques. Et pour cause, les deux parties ne sont pas parvenues à un modus vivendi autour des réformes à entreprendre, notamment sur la réforme de la caisse de compensation dont le budget explose, ainsi que la réforme des entreprises publiques, plongées, en majorité, dans des déficits abyssaux. Le président de la république qui a affirmé, à maintes reprises, être le seul à tracer la politique générale a opposé une fin de non-recevoir à l’institution de Bretton Woods, refusant la levée de la subvention et l’acheminement vers la vérité des prix dans le souci de préserver la paix civile, et désapprouvant la privatisation et la cession des entreprises publiques et le renoncement aux trésors de la nation, qui constituaient naguère des fleurons de l’économie nationale.

Ce Niet présidentiel ne signifie pas, pour autant, que les ponts soient coupés entre la Tunisie et le FMI ; les concertations se poursuivent, selon le gouvernement. Dans quels objectifs, selon quel programme et quelle teneur, personne ne le sait.

Le 3ème crise majeure, est celle environnementale. Le monde entier est en train de se mobiliser, à des degrés variables, même si les efforts restent insuffisants, pour relever les défis des changements climatiques, et faire en sorte que la planète, frappée par des phénomènes climatiques extrêmes et inédits, continue à être vivable.

Des politiques sont en train d’être engagées pour décarboner l’économie, faire avancer la transition énergétique, promouvoir les énergies renouvelables, et répondre aux besoins en énergie, avec la perspective de s’affranchir, progressivement, des énergies fossiles, un engagement pris lors du récent sommet du climat, la Cop 28 de Dubaï. Là aussi, les actions concrètes manquent face avec une promesse  d’une économie bas carbone à l’horizon de 2030 et 2050 qui restent vagues, et sans un plan d’action clair, précis et assorti d’un échéancier bien déterminé.

Le 4ème défi, il es de taille est celui de la digitalisation et de la transition numérique, avec la machine qui est de plus en plus en train de supplanter l’homme et un TchatGPT triomphant, cet instrument d’intelligence artificielle, qui en est actuellement à sa version 4, et qui va accélérer la suppression des postes d’emploi à travers le monde, et aggraver le chômage…Le programme de la Tunisie pour accompagner ces changements fulgurants et imparables n’est pas clair, hormis des actions isolées et ponctuelles pour digitaliser certaines transactions et prestations dans un tel domaine, ou tel autre. 

La question est de savoir : Que préconise le compter sur soi, face à ces quatre grands défis majeurs, d’autant que la Tunisie est toujours inscrite dans une économie mondialisée, et est membre de l’Organisation mondiale du Commerce…Elle a beau crier à sa souveraineté et à l’indépendance de sa décision nationale, elle aura, forcément, à subir et non à choisir certaines injonctions, si elle vent continuer à exporter, à préserver voire à améliorer  ses parts de marché, et à conquérir de nouveaux marchés, pour renflouer ses réserves en devise, pour ne citer que cet exemple…

Le manque de visibilité est préjudiciable à plus d’un égard, l’on ne peut continuer à naviguer à vue, sans connaitre le cap, la stratégie, et les phases de concrétisation, ainsi que  les leviers et la teneur du compter sur soi ? Un devoir de clarification s’impose.

H.J.