Le torchon brûle entre Alger et Madrid, l’Algérie menace de couper le gaz à l’Espagne

28-04-2022

AFP & Le Monde – Le ministère algérien de l’Energie a menacé mercredi de rompre le contrat de fourniture de gaz à l’Espagne si cette dernière venait à l’acheminer «vers une destination tierce», dans un contexte de tensions diplomatiques avec Madrid et le Maroc autour du Sahara occidental. Le géant algérien des hydrocarbures Sonatrach a fourni en 2021 plus de 40% du gaz naturel importé par l’Espagne, dont l’essentiel lui parvient à travers le gazoduc sous-marin Medgaz, d’une capacité de 10 milliards de mètres cubes par an.

Une autre partie du gaz algérien arrivait jusqu’en octobre en Espagne à travers le Gazoduc Maghreb Europe (GME) passant par le Maroc. Mais Alger l’a fermé après la rupture en août de ses relations diplomatiques avec Rabat, privant ainsi le Maroc du gaz algérien qui transitait par son territoire. Selon un communiqué du ministère algérien de l’Energie et des mines, le ministre Mohamed Arkab a été informé «ce jour (mercredi) par message électronique, par son homologue espagnole, Mme Teresa Ribera, de la décision de l’Espagne d’autoriser le fonctionnement, en flux inverse, du Gazoduc Maghreb Europe» et que «cette opération interviendra ce jour ou demain».

Le communiqué n’a pas précisé le nom du pays qui bénéficierait de ce fonctionnement du pipeline en «flux inverse» mais le gouvernement espagnol avait annoncé en février qu’il allait aider Rabat à «garantir sa sécurité énergétique» en lui permettant d’acheminer du gaz à travers le GME après qu’Alger a cessé de l’alimenter. Tout acheminement de «quantité de gaz naturel algérien livré à l’Espagne, dont la destination n’est autre que celle prévue dans les contrats, sera considéré comme un manquement aux engagements contractuels, et par conséquent, pourrait aboutir à la rupture du contrat liant la Sonatrach à ses clients espagnols», a averti le ministère algérien.

Cette mise en garde survient dans un contexte de tensions diplomatiques entre Alger et Madrid sur la question du Sahara occidental, ancienne colonie espagnole aujourd’hui considéré comme un «territoire non autonome» par l’ONU et qui oppose depuis des décennies le Maroc aux indépendantistes sahraouis du Front Polisario. L’Espagne, très dépendante de l’Algérie pour ses approvisionnements en gaz, a opéré le 18 mars un changement de position radical sur ce dossier sensible, en apportant publiquement son soutien au projet d’autonomie marocain et suscitant la colère d’Alger, principal soutien du Polisario.

Soutien espagnol du plan d’autonomie marocain

Le chef de la diplomatie espagnole a affirmé, lundi 25 avril, ne pas vouloir « alimenter des polémiques stériles Â» avec l’Algérie après la condamnation par le président Abdelmadjid Tebboune du revirement espagnol en faveur du plan marocain d’autonomie pour le Sahara occidental. « L’Espagne a pris une décision souveraine dans le cadre du droit international et il n’y a rien d’autre à ajouter Â», a déclaré José Manuel Albares sur la radio Onda Cero.

M. Albares était interrogé sur les propos de M. Tebboune, qui a qualifié samedi d’ « inacceptable, moralement et historiquement Â», le revirement de l’Espagne qui a permis de mettre fin à une brouille diplomatique de près d’un an entre Madrid et Rabat. « Nous avons de très solides liens avec l’Etat espagnol mais le chef du gouvernement [Pedro Sanchez] a tout cassé Â», a fustigé M. Tebboune, avant d’assurer que l’Algérie « ne renoncerait jamais à ses engagements d’assurer la fourniture de gaz à l’Espagne, quelles que soient les circonstances Â». Près d’un quart du gaz importé par l’Espagne est venu d’Algérie au premier trimestre.

« De toutes ces déclarations, ce que je retiens c’est la garantie totale de l’approvisionnement en gaz algérien à l’Espagne et le respect des contrats internationaux Â», a souligné lundi M. Albares. Alger a aussitôt rejeté ces déclarations. Ces propos « désobligeants, offensants et inacceptables […] ne contribueront certainement pas à un retour rapide à la normale dans les relations bilatérales Â», a indiqué Amar Belani, l’envoyé spécial chargé de la question du Sahara occidental au ministère algérien des affaires étrangères, cité par l’agence officielle APS.

La décision de l’Espagne de soutenir pour la première fois publiquement, le 18 mars, le plan d’autonomie marocain, qualifié de « base la plus sérieuse, réaliste et crédible pour la résolution Â» du « différend Â» au Sahara occidental, a provoqué la colère d’Alger, principal soutien des indépendantistes sahraouis du Front Polisario. Dénonçant un « revirement Â» de Madrid, l’Algérie a rappelé, dès le lendemain, son ambassadeur en Espagne.