Les associations en Tunisie : De la restriction à la libéralisation

22-02-2019

En 2011, avec l’euphorie de la révolution, et pour lever les restrictions imposées sous l’ancien régime à la société civile qui entravaient largement son fonctionnement, un nouveau cadre juridique régissant les associations a été mis en place : le décret-loi n° 88 du 24 novembre 2011 a en effet été promulgué pour rompre avec la vieille loi de 1959 et surtout avec le système des autorisations et des enquêtes préalables.

Désormais, le paysage associatif s’est transformé suite à la prolifération exponentielle, des associations qui ont atteint le nombre de 22 211 en 2019 selon les dernières statistiques de IFEDA.

Dans ce contexte, l’Association Tunisienne des Sciences administratives a organisé un colloque à la Faculté des Sciences Politiques, Juridiques et Sociales de Tunis, avec le soutien de la fondation Hannes Seidel sous le thème de « le droit des associations en question ».

Des lois pour garantir la transparence dans le paysage associatif
Contenant plusieurs ambiguïtés, le projet de loi relative au registre national des entreprises a été accusé par une trentaine de députés de l’opposition d’atteinte aux libertés, au fonctionnement de la justice, aux droits de l’homme et à la protection des données personnelles en particulier, selon les articles 21, 24, 35, 49, et 65 du chapitre II de la constitution.

Leila Chikhaoui, membre de l’instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des lois, a démontré dans son intervention que, ce projet de loi a été remis en question à cause de la mise en place d’une exigence supplémentaire, concernant la création des associations par le biais de l’immatriculation obligatoire au registre national des entreprises.

L’instance provisoire avait examiné le projet de loi et l’a confronté à la constitution afin de confirmer ou contester ces argumentations.

La position de l’IPCCPL était prudente a souligné Leila Chikhaoui, l’instance a accepté uniquement le grief fondé sur la violation du devoir de l’Etat de protéger les données personnelles, en estimant que la procédure de l’immatriculation incriminée, est nécessaire dans le cadre de la nécessaire transparence accompagnant la transition vers une société démocratique.

L’IPCCPL a aussi confirmé la constitutionnalité de l’un des articles incriminés du projet de loi (article 10), en prouvant que « l’obligation (…) de faire figurer au registre national des entreprises, toutes les données déterminant l’identité des diverses personnes énumérées par ses dispositions, est énoncée selon une formulation si large et vague qu’elle nécessite davantage de précision afin de ne pas porter atteinte aux droits de la protection des données personnelles consacrés par l’article 24 de la constitution ».

Au mois d’octobre, le projet de loi a été réexaminé par l’IPCCPL qui a précisé que la nouvelle formulation du même article est validée, après un second examen et une deuxième lecture de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) à ce sujet, d’où la décision n° 2018 du 22 octobre 2018.

Le régime de la déclaration remplace l’octroi du visa
Dans son intervention sur le contrôle des associations, Leila Chikhaoui a évoqué l’article 1er du décret-loi n°2011-88 du 24 septembre 2011, qui vise à « garantir la liberté de constituer des associations, d’y adhérer, d’y exercer des activités », mais aussi de renforcer le rôle des organisations de la société civile ainsi que leur développement et le respect de leur indépendance ».

L’adoption du régime de la déclaration a fait passer les associations du régime restrictif de l’autorisation à un autre beaucoup plus libéral qui consacre le passage de l’étroit contrôle préalable du ministère de l’intérieur à la simple information du Secrétariat général du gouvernement.

D’autres mesures ont été prises pour la libéralisation des associations comme, la suppression du visa préalable octroyé aux associations. Le Secrétariat général du Gouvernement n’impose plus, de ce fait, aucun visa sur la déclaration de l’existence d’une association, mais enregistre simplement sa création par l’envoi d’une lettre recommandée avec accusé de réception, accompagnée des documents exigés par l’article 10 du décret-loi n°2011-88.

Selon le même article, le non-envoi de l’accusé de réception dans les 30 jours qui suivent, par l’association n’empêche pas sa création ce qui soulève le risque du refus d’immatriculation au registre national d’entreprise à cause de l’absence de preuves d’existence juridique.

Emna Bhira