Les externalités positives du Coronavirus pour l’économie tunisienne, selon un expert

11-03-2020

Depuis l’apparition du Coronavirus il y’a deux mois en Chine, le monde entier est en alerte. Le nombre de foyers épidémiques ne cesse d’augmenter et pour l’instant aucun remède n’a été trouvé.

Au delà de l’aspect sanitaire, c’est également l’économie planétaire qui est touchée. Trafic aérien et maritime à l’arrêt et commerce en baisse… Nous dirigeons-nous vers une crise économique ?

Avec 7 cas de personnes contaminées par le Coronavirus en Tunisie, nous ne sommes pas encore arrivés au stade de l’épidémie. Pourtant la psychose monte de plus en plus. Magasins dévalisés, anticipation des vacances scolaires ou encore annulation des activités culturelles…. Le pays se prépare à une éventuelle accélération de l’épidémie.

Quelles sont les répercussions économiques pour la Tunisie, dont la croissance est déjà au ralenti.

Pour nous éclairer sur le sujet, nous avons fait appel à Safouane Ben Aïssa, économiste et professeur universitaire.

« Aujourd’hui la Tunisie subit de plein fouet les impacts du Coronavirus. Les secteur les plus touchés sont l’import/export et le tourisme », nous explique-t-il. Pour autant, l’économiste indique qu’il existe des externalités positives dans cette crise.

Selon Ben Aïssa, le premier élément positif vient de la maîtrise de la propagation du virus en Chine. « Ils ont réussi à maîtriser la situation en seulement deux mois malgré l’importance du phénomène », nous dit-il. Il ajoute que « cet exemple doit nous donner des enseignements très forts: la discipline, la réactivité et surtout la centralisation du pouvoir. Malgré l’étendue des dégâts, il n’y avait qu’un décideur qui est le pouvoir central et la Tunisie devrait s’en inspirer pour anticiper l’étendue éventuelle du virus dans notre pays ».

Deuxième point positif, la baisse du prix du baril.  Il est aujourd’hui de 36 dollars. En effet, l’impact de la facture énergétique pèse lourd sur le budget de l’Etat et notamment la balance des paiements. « Cela contribue au déficit budgétaire, commercial et courant », affirme Ben Aïssa. L’économiste propose ainsi de revoir le modèle économique qui régit aujourd’hui les produits pétroliers. « Aujourd’hui en Tunisie cela ne sert plus a rien de raffiner du brut. Il est plus rentable d’importer des produits déjà raffinés plutôt que d’importer du brut et de le raffiner ensuite », recommande-t-il. 

« Il faut saisir cette opportunité pour relancer l’industrie tunisienne, notamment le textile !». D’après, l’économiste , l’Europe qui est le premier partenaire commercial de la Tunisie, est en pré-récession. Elle est donc en train de repenser son modèle économique. Si jusqu’à présent ses importations provenaient principalement de Chine, le vieux continent se tourne de plus en plus vers les pays voisins. « L’Europe ne pense plus au low-cost chinois mais plutôt au best-coast à proximité. Il faut donc que la Tunisie saisisse cette chance». N’ayant aucune visibilité sur la durée de l’épidémie du Coronavirus, il serait judicieux pour la Tunisie de saisir cette opportunité et de récupérer des marchés européens jusqu’à présent monopolisés par la Chine. A noter que depuis la Révolution, il y a eu une exode des industriels. L’Indice de production industrielle a été, cette année, évalué à -1,6%. « Pour cela il faut que le gouvernement mette en place une veille stratégique. Avant d’encourager la création d’entreprises et de nouveaux marchés, il faut encourager l’industrie existante en leur octroyant des avantages fiscaux », affirme Ben Aïssa.

La Tunisie importe tout de la Chine et n’y exporte rien. Elle importe notamment les équipements industriels qui servent à la production. D’après notre interlocuteur, « l’arrêt du trafic aérien et maritime entre la Chine et la Tunisie risque donc de provoquer un ralentissement de la production tunisienne ».

Ainsi, Ben Aïssa exhorte le gouvernement tunisien à avancer sur les accords de libre-échange. Il fait notamment référence au ZLECA (zone de libre échange avec l’Afrique), qui n’a pas pu être discuté  à l’ARP faute de quorum ou encore l’ALECA (Zone de libre échange avec l’Union européenne), qui piétine depuis plusieurs années. Il ajoute par ailleurs que L’Etat tunisien subit beaucoup trop les aléas de l’économie mondiale. « Il faut qu’on cesse avec le rôle de sapeur pompier. Il faut anticiper « , martèle-t-il.

Il y a quelques jours, Elyes Fakhfakh a annoncé une croissance de 1% pour la Tunisie en 2020, autant qu’en 2019, contre 2,7% en 2018. Il a notamment justifié cette stagnation de la croissance par l’apparition du Coronavirus en Tunisie. Une information relativisée par Marwen Abassi, Gouverneur de la Banque Centrale, qui a affirmé que « la Tunisie pouvait démarrer avec 1% et finir  avec 3% », d’autant que les chiffres du premier trimestre n’ont pas encore été dévoilés. D’après Safouane Ben Aïssa, «il est encore prématuré de révéler des données chiffrées sur l’impact du coronavirus en Tunisie ».

Wissal Ayadi