Les raisons de la hausse du coût du pèlerinage de La Mecque 2024
Le coût du Hajj en 2024 s’élèvera à 19.970 dinars, enregistrant une augmentation de 2,93% par rapport à l’année précédente. Le quota de pèlerins tunisiens accordé par l’Arabie saoudite pour 2024 s’élève quant à lui à 10.982.
Après l’annonce de ce tarif par le ministère des Affaires religieuses l’opinion publique n’a pas hésité à réagir en pointant la cherté de ce pèlerinage, surtout en ces temps de crise économique sévère.
Pour connaître les raisons de ce tarif jugé exorbitant, nous nous sommes adressé à Sami Ben Saidane, Vice-Président de la Fédération tunisienne des agences de voyage (FTAV).
Par ailleurs, le Cheick Bader Chebil, nous donnera également son point de vue théologique sur la question.
Près de 20.000dt pour le Hajj 2024 : Les raison de cette hausse
Le Grand Pèlerinage de La Mecque, un rituel sacré pour les musulmans, présente un coût accru en 2024 en Tunisie, atteignant 19.970 dinars, comparé à 19.400 dinars en 2023, marquant ainsi une augmentation de 2,93%. Par rapport à 2022, la hausse est encore plus importante puisqu’elle est de l’ordre de 3000DT.
Ces frais comprennent l’hébergement et les services, représentant 16.400 dinars (+2,5% par rapport à l’année précédente), ainsi que le billet d’avion à 3.570 dinars (+5% par rapport à l’année précédente).
Un prix qui a suscité une vive réaction de l’opinion publique jugeant ces tarifs beaucoup trop importants. Certains ont même fustigé l’Arabie Saoudite, accusant le Royaume de monétiser cet acte spirituel, considéré comme le plus important dans la religion musulmane.
Sami Ben Saidane, Vice-Président de la Fédération Tunisienne des agences de voyage (FTAV), nous a expliqué lors d’une interview, que cette hausse est dans un premier temps imputable à l’inflation et au glissement du dinar en Tunisie. « En réalité la hausse par rapport à 2022 n’est que de 570DT. Après tout, l’inflation et la hausse des prix nous les ressentons encore plus dans notre quotidien avec la hausse vertigineuse de certains produits alimentaires issus de l’importation. Donc il fallait s’attendre à cette augmentation », nous dit-il.
Il indique également que la hausse du prix du pèlerinage est due aux modifications des prix et des taxes en Arabie Saoudite. Il a rappelé le triplement du taux de TVA par le royaume en 2020, passant de 5% à 15%, en réponse à la baisse historique des prix du pétrole après la pandémie de Covid-19.
« Il faut aussi noter que les pèlerins tunisiens sont particulièrement exigeants en termes de prestation. Ainsi, l’Etat qui détient le monopole dans le choix des produits se doit de choisir des prestations de bonne qualité (hôtels, proximité avec le les lieux saints) pour contenter les citoyens », ajoute le voyagiste
Or, selon Ben Saidane, la commission qui s’occupe de l’organisation du Hajj en Tunisie, relevant du ministère des affaires religieuses accuse beaucoup de retard dans le processus d’achat des produits auprès des opérateurs Saoudiens. « En raison de la lenteur administrative et bureaucratique connue de tous en Tunisie, cette commission prend beaucoup trop de temps pour choisir le produit et se retrouve à payer plus cher que si elle avait réservé à l’avance. A l’étranger où le marché du pèlerinage à la Mecque est ouvert à la concurrence, il est possible de réserver à l’avance et de bénéficier des meilleurs tarifs et d’une meilleure offre en terme de prix », souligne-t-il.
D’après Sami Ben Saidane une des solutions en Tunisie serait que la commission achète auprès de l’Arabie Saoudite au moins trois produits différents. « Un 7*, un 5* et un 4* avec des prix qui varient en fonction des bourses de chacun en sachant que la condition la plus importante pour le pèlerin est la distance entre les lieux saints. Il faut à cela ajouter la notion de premier arrivé premier servi ».
Il faut libéraliser le marché
L’autre solution pour espérer voir une baisse des prix du pèlerinage à la Mecque serait selon Ben Saidane de procéder à une libéralisation de cette activité, soulignant que les monopoles contribuent à l’augmentation des coûts. « Pourquoi pas une libération partielle, sous le contrôle de l’État, pour stimuler la concurrence entre les acteurs privés. L’objectif est de diversifier les offres pour les Tunisiens en fonction de la distance des lieux saints et des services de transport, d’hébergement et de nourriture, répondant ainsi aux besoins des citoyens au budget souvent limité », préconise-t-il.
Le Vice-Président de la FTAV indique aussi que la délégation d’une partie de la gestion des pèlerins à des agences de voyage allégerait la charge sur les services de l’État. « De plus, cela faciliterait des négociations plus précoces avec les acteurs saoudiens, permettant de réduire les coûts et d’offrir des services plus élaborés pour ceux qui en ont la capacité financière ».
Du point de vue théologique
Le Cheikh Bader Chebil, nous a dévoilé une réflexion théologique approfondie sur la hausse des coûts du pèlerinage à La Mecque en Tunisie, abordant également la question de l’obligation du Hajj en cas de difficultés financières.
Ce dernier admet dans un premier temps que pour la majorité des fidèles tunisiens qui aspirent à accomplir le pèlerinage, les contraintes économiques sont devenues un obstacle croissant. « Les 20 000DT, représentent le coût du voyage. Ils ne couvrent pas les à-côtés tels que la nourriture, les cadeaux familiaux et parfois les frais de transport. Ces frais s’accumulent rapidement, d’autant plus avec l’inflation observée en Arabie Saoudite », nous dit-il.
D’un point de vue théologique, le Cheikh Chebil souligne que le pèlerinage, parmi les adorations canoniques, est unique avec une exception explicite dans son titre. En effet, الحج لمن ٱستطاع آليه سبيلا signifie que le pèlerinage est une prescription religieuse pour ceux qui en ont les moyens physiques et matériels. Ainsi, ceux confrontés à des difficultés financières ne sont pas redevables du Hajj devant Allah le Tout-Puissant. Il rappelle également que cette règle s’applique aux personnes malades. « Pour ceux ayant les capacités physiques et financière, le Hajj demeure une obligation religieuse, au même titre que la prière, la Zakat, le jeûne du Ramadan, la bienfaisance envers les parents et envers autrui en général, etc », ajoute Bader Chebil.
Enfin, ce dernier soulève une question polémique concernant ceux qui entreprennent un deuxième ou même un troisième Hajj, alors qu’ils en ont les moyens. « Pour ma part, je considère que dans le contexte socioéconomique actuel, ceux qui ont les moyens physiques et matériels pour effectuer un deuxième Hajj feraient mieux d’utiliser cet argent dans l’adoration d’Allah d’autres manières, comme aider des personnes qui ont faim, ou aider quelqu’un à investir dans un commerce pour améliorer sa condition de vie. En effet, le premier pèlerinage est un pilier de l’islam, à accomplir dès que possible, mais les suivants sont des adorations supplémentaires pour lesquelles il faut se poser la question », conclut-il.
Gnetnews