Les Tunisiens et l’environnement: Assiste-t-on à l’émergence d’une nouvelle génération « écolo »?

30-06-2022

Changements climatiques, pollution, déchets… Le monde fait face à des défis environnementaux urgents. Si dans les pays développés la question écologique prend de plus en plus d’espace, en Tunisie elle est loin d’être une des premières préoccupations.

En effet, la crise économique, la baisse du pouvoir d’achat ou encore le chômage sont aujourd’hui au coeur des priorités des Tunisiens. Pourtant, au fil des siècles et des années, l’Histoire a montré que l’écologie et toutes ces problématiques sont liées et qu’elles vont de paire.

D’après une étude parue en 2017, réalisée par la fondation Heinrich Böll en Tunisie, la question de l’environnement arrive en dernière position des préoccupations des Tunisiens, loin derrière les problèmes socio-économiques.

Nidhal Attia, expert en environnement et militant écologiste estime que le débat sur l’environnement a stagné en Tunisie. « Les débat restent superficiels ce qui ne laisse pas la place pour les vrais sujets de fonds », nous dit-il. De plus, il ajoute que malgré les efforts de la société civile dans ce domaine, les problématiques qu’elle aborde sont facile. « On verra beaucoup d’actions de nettoyage… C’est louable, mais malheureusement insuffisant car le problème des déchets et de la pollution dans son ensemble est structurel », souligne l’expert. La majorité des actions sont ponctuelles et donc éphémères.

« Le tunisien se plaint de la pollution, des déchêts, de la saleté…mais il y contribue », déplore Nidhal Attia. Ce constat amer est le résultat d’un manque de sensibilisation auprès de la population. Une sensibilisation qui doit être faite à la fois par la société civile mais aussi et surtout par les pouvoirs publics qui n’ont jamais vraiment élaboré de réformes radicales pour la protection de l’environnement.

Encore faut-il que le ministère ait un budget en conséquence…mais c’est tout le contraire. D’après les chiffres de la répartition du budget de l’Etat pour l’année 2022, le plus fort repli concerne le budget du ministère de l’Environnement et des Affaires locales qui est passé de 1,2 milliard de dinars à 350 millions, soit une baisse de 72% et ce suite au transfert du budget attribué aux Affaires locales au ministère de l’Intérieur.

« Dans n’importe quel projet on doit impliquer les citoyens et c’est cela qui fait émerger les consciences qu’elles soient écologiques ou citoyennes en général. Les pouvoirs publics ont une approche sectorielle et il n’y a donc pas de transversalité… Nous avons un ministère de l’Environnement et des Affaires locales, mais aucun lien entre les deux », affirme Attia.

Aujourd’hui, les Etats du monde entier s’accordent à dire que l’environnement devrait transcender tous les débats. Pour cela il faut que les modèles de développement changent pour se diriger vers la décroissance en changeant les habitudes de consommation et en réduisant une surconsommation qui mène la planète vers un chaos inéluctable.

Une réalité d’autant plus vraie quand on analyse les problèmes environnementaux qui touchent de plein fouet la Tunisie. Les périodes de sécheresse, d’inondations ou le retard des pluies causés par les changements climatiques viennent s’ajouter à une crise alimentaire mondiale inédite.

« Les médias ne donnent pas assez d’importance à l’écologie. Au JT quand on montre une manifestation dans les campagnes à cause de la raréfaction des ressources en eau, on la qualifie de révolte sociale et on ne parle pas du vraie problème de fond qui est en réalité environnemental », indique Nidhal Attia.

D’après le militant écologiste, l’écologie doit aujourd’hui être politisée. En effet, le discours politique en Tunisie est totalement dépourvu de débats sur la préservation de l’environnement. Le spectre politique ne dispose pas de partis « verts » pour défendre ces questions, comme c’est le cas notamment dans les pays européens. Il n’y a pas non plus de figure militante emblématique qui pourrait diriger les réflexions autour de l’environnement.

« L’écologie citoyenne n’est pas vraiment développée car il n’y a pas de vision au niveau des pouvoirs publics », déplore l’expert en environnement.

Pourtant, de plus en plus de voix, notamment au sein de la jeunesse Tunisienne, commencent à s’élever et  prônent un discours radical et des réformes urgentes. Mais malheureusement cette minorité peine à faire le poids contre une majorité insensibilisée et préoccupée par une situation économique de plus en plus difficile.

« On a mis trop de temps à ne rien faire et donc ils sont en demande de réformes immédiates, réalistes et justes. Mais encore faut-il se regrouper. Nous n’avons pas besoin de plus d’associations, il faut juste qu’elles travaillent ensemble pour fédérer les idées et se poser comme une vraie force de proposition », conclut Nidhal Attia.

Wissal Ayadi