Tunisie : Entre foyers publics, privés, appartement, l’hébergement universitaire, un véritable casse-tête !

29-08-2022

Les inscriptions dans les foyers universitaires étatiques ont démarré ce lundi 29 aout 2022 dans tous les gouvernorats de la Tunisie, pour les étudiants des études préparatoires et médecine à priori. Ces derniers sont nombreux à se déplacer d’autres gouvernorats pour entamer leurs études dans des régions plus lointaines. En effet, si certains sont chanceux de pouvoir rester chez leurs parents le temps qu’ils finissent leurs études universitaires, d’autres sont contraints de s’éloigner de leur domicile familial, pour se loger près de leurs universités.

Durant cette période, quelques semaines avant le retour en classe, les étudiants sont en pleine recherche d’un logement dans des foyers publics ou privés, ou d’un appartement à louer. Malgré, les différents choix d’habitats qui se présentent, l’encombrement des établissements étatiques ainsi que le budget à consacrer à l’hébergement, demeurent les plus grandes contraintes pour ces jeunes…

En effet, pour plusieurs raisons, comme la sécurité et la proximité, la plupart des étudiants optent pour les foyers publics. A 10 dinars le mois, ils ont accès à une chambre double ou triple, le wifi, une salle de lecture, cuisine et télévision commune, des clubs de peinture ou de chant, infirmerie plus la sécurité garantie 24/24h. Mais ces foyers publics sont accessibles uniquement aux nouveaux étudiants en première année, orientés par le ministère de l’Enseignement supérieur vers des universités, aux étudiants ayant réussi le concours de réorientation universitaire, aux personnes ayant retiré leurs inscriptions l’année précédente. Ils sont, par ailleurs, accessibles aux étudiants pris en charge par l’Etat et ceux souffrant d’un handicap.

Avec l’encombrement de ces établissements, et les conditions imposées, une bonne partie des étudiants n’ont pas d’autres choix que de se diriger vers les foyers privés ou d’opter pour la location d’un studio ou d’un appartement. Cependant, dans un établissement privé, il faut payer entre 60 DT et 330 DT pour une pièce individuelle avec bureau. Ces tarifs varient aussi, selon la nature de la chambre : double, triple ou quadruple. Du côté de la location, les prix varient selon l’emplacement de la maison, les équipements, et le standing disponible. La meilleure option serait de partager un appartement, pour que ça ne pèse pas sur le budget.

A la recherche d’un logement décent

Les parents de deux étudiantes originaires de Kelibia, orientés vers l’université de Carthage-Tunis témoignent. Lui est fonctionnaire et sa femme est employée à mi-temps. On pourrait croire qu’avec un revenu mensuel de 4000 dinars/ mois, ils n’ont pas de soucis à se faire, et pourtant avec les impôts, les dépenses courantes pour l’alimentation et les voitures, ces deux loyers en plus, vont être ressentis. « 1150 dinars, c’est plus d’un quart pour le budget de la famille », nous informe Rabiaa, la maman. Avant d’attaquer la recherche d’appartement, c’était l’heure des sacrifices cet été. Pas de vacances ni de baignades. Car, même avec ce budget, ils vont découvrir qu’ils n’ont pas grand-chose à trouver sur le marché des loyers en prévision de la rentrée universitaire.

C’est ce que nous a confirmé leur fille Meriem, étudiante en deuxième année informatique. Cette dernière a lancé ses recherches d’une maison à louer depuis le mois de juillet. Vu qu’elle n’a plus le droit à un foyer étatique, elle doit trouver à l’avance où elle va vivre l’année prochaine. « Comme nous sommes nombreux à être dans la même situation, plusieurs groupes sur les réseaux sociaux ont été créés pour s’entraider, via des annonces de locataires, d’étudiants en quête de colocataires… Mais nous n’avons trouvé que des petits logements, sans le moindre confort. Pour un S+3 pour étudiants, il faut payer 600 DT avec un cautionnement de 1200 DT, et se contenter d’un lit simple avec un vieux matelas, d’une kitchenette non équipée, des toilettes et une douche étroite, plus un salon muni d’une télé et d’une table en guise de bureau. Nous avons aussi trouvé des logements insalubres, impropres, humides, et délabrés, pour le même budget. Et, les locataires ne cessent de profiter de ces jeunes désargentés, qui sont obligés d’accepter l’inacceptable… », dénonce-t-elle.

C’est le cas d’Ilyes, originaire de Kairouan et étudiant en 3ème anglais, qui n’a jamais trouvé un logement décent avec son budget  de 300 DT pour le loyer mensuel et le cautionnement confondus. Tombé sur une annonce sur les réseaux sociaux, à propos d’un studio au quartier Montplaisir à 260 DT, il a vécu l’enfer pendant des mois, nous confie-t-il. « Le locataire Fethi, était un homme connu dans la zone car il louait des studios à bas prix aux étudiants…Il est propriétaire de deux villas en rez-de-chaussée, qu’il a transformée en petites chambres de 10 à 15 m², sans fenêtres. Cet homme profite des étudiants les plus démunis, pour leur louer des espaces invivables. Dès l’entrée à la maison, des odeurs nauséabondes des égouts et du manque d’aération, dominent les lieux, les insectes de toutes sortes vivent sous les escaliers, ainsi que les douches et WC sont communes, dans chaque maison. L’eau est souvent coupée car ce locataire achetait rarement une bouteille de gaz… », nous raconte-t-il avec dégout.

En effet, plusieurs étudiants se sont retrouvés dans la même situation, vu la cherté des foyers privés et l’encombrement des foyers publics. Ils ont dû se diriger vers la location. Comme Boutheina, une étudiante venue de Gabes pour entamer des études de santé. Cette dernière ne connaissant pas très bien les quartiers de Tunis, elle s’est retrouvée dans un studio en retrait de la ville, loin de toutes les commodités et services. « Sur internet l’annonce disait le contraire. Le texte publicitaire a insisté sur la proximité des transports communs et de toutes les commodités. J’ai parlé avec le propriétaire avant de payer, il m’a confirmé ces informations. Mais, une fois sur place,  j’ai découvert que l’endroit était au milieu de nul part. C’était un studio qui ressemblait aux photos publiées sur les réseaux sociaux, mais qui est implanté dans une zone inhabitée », nous raconte-t-elle déçue.

Pour Sirine sa copine, étudiante en 3ème année médecine, il est difficile de trouver un colocataire qui soit à la hauteur de ses attentes. « Avec des études qui demandent beaucoup de concentration, des révisions durant des nuits blanches, et un mode de vie bien organisé pour réussir, j’ai trouvé du mal à partager un logement avec des inconnus », nous confie-t-elle. Cette dernière garde en revanche de bons souvenir de son passage dans un foyer public en première année. C’était la meilleure période de sa vie estudiantine, indique-t-elle. « Nous étions tous des étudiants en médecine dans un foyer public à Bab Saadoune. Nous avions le même rythme de vie avec les gardes qui finissaient tard, les mêmes sujets de conversations sur nos cours, et le restaurant universitaire, était à deux pas…Mais une fois sorti de l’auberge, je n’ai jamais retrouvé cette alchimie et entente avec d’autres étudiantes de différentes spécialités. 

 Actuellement, Sirine vit chez sa tante qui l’accueille depuis juin dernier, durant ses stages d’été. «Ils ont une chambre supplémentaire, où je me suis installée. Ma liberté est un peu limitée, mais au moins j’ai pu économiser et me débarrasser des perturbations, et des chamailleries, pour mieux réussir mes études universitaires… », a-t-elle conclu.

E.B