Tunisie : Au marché central, la crise se ressent, et les prix atteignent des sommets ! (Reportage)

05-04-2022

Tout le monde le sait, les premiers jours du mois de Ramadan constituent les meilleurs moments pour les commerçants des marchés en Tunisie. En effet, la frénésie acheteuse s’empare de la population afin de préparer les meilleurs mets qui orneront les tables de la rupture du jeûne.

Les deux ans de pandémie, la crise économique et l’inflation grandissante ont pourtant eu raison des achats à en croire la faible affluence au Marché Central de Tunis en ce quatrième jour du mois saint.

Reportage.

L’absence de contrôle derrière la hausse des prix

En faisant un tour dans les rayons du plus grand marché de la capitale, la détérioration du pouvoir d’achat des Tunisiens est ressentie. Les clients observent les prix, comparent et partent avec de très petites quantités à chaque achat. La réticence des consommateurs a été confirmée par la plupart des vendeurs de fruits et légumes, que nous avons interrogés.

« Avec la flambée des prix des ingrédients basiques des plats Tunisiens, comme le piment (6 dinars le kilogramme), les tomates (2DT/kg), et les pommes de terre (2.5DT/kg), autrefois à la portée de tous, les citoyens ont opté pour le boycott de ces légumes, en attendant une éventuelle baisse des tarifs », souligne un marchand.

« Ce sont les spéculateurs qui profitent de ce mois en particulier pour doubler leurs gains, vu que la consommation atteint son apogée durant le Ramadan. Ces derniers créent une pénurie, en retirant la marchandise la plus sollicitée par les Tunisiens du marché. Et comme la rareté fait le prix des choses, une fois le manque de ces 3 légumes, est ressenti, les spéculateurs nous réapprovisionnent, avec des tarifs élevés…Ces méthodes sont plus fréquentes cette année, faute d’absence de contrôle », déplore un primeur.

En regardant de près les étals des légumes, son constat a été confirmé. Le piment et les pommes de terre en particulier n’étaient pas disponibles, sauf à très petites quantités… « Le prix du gros a augmenté », nous explique un marchand.

Selon lui, la marchandise est de plus en plus chère pour les vendeurs comme pour les consommateurs. « Espérons que les autorités trouvent une solution pour la spéculation », dénonce-t-il.

Pour le reste des légumes de saison, leurs étiquettes enregistrent une légère hausse par rapport à la normale. Les betteraves se vendent à 3DT/kg, le  radis à 1.5DT/kg, les carottes à 2DT/kg, quant au céleri, la coriandre, l’épinard et le persil, essentiels aux soupes ramadanesques, leurs prix ne dépassent pas 1DT. Pour les salades et  laitue, leurs prix varient de 0.800 dt à 1.5DT/kg, les fenouils à 2.5DT/kg, la courgette à 2.5DT/kg et l’oignon se vend à 1.2DT le kilo.

Du côté des fruits, un autre vendeur nous a expliqué que les prix de gros d’un cageot des fruits de saison comme les pommes (2.3DT/kg en moyenne), fraises (8DT/kg) et oranges (de 1.5DT à 2.8DT/kg) ont augmenté de 20DT, l’unité, ce qui se répercute sur leurs tarifs. Les bananes en revanche, sont inaccessibles pour les budgets restreints, vu que le kilo affiche 7DT. Par ailleurs le citron se vend  à 1.630DT/kg, le citron confis à 4.980DT/kg, les dattes de 5 DT/kg à 12 DT/kg, leurs tarifs varient selon leurs qualités.

Les Tunisiens boudent la viande rouge, trop cher

En ce qui concerne les viandes blanches et rouges, les allées qui y sont consacrées sont quasiment vides… Le kilo de viande d’agneau se situe aux alentours de 31DT. Le veau est quant à lui d’environ 29DT.

« Il n’y à qu’à voir les allées du marché pour comprendre que la situation est difficile. La viande hachée qui est particulièrement appréciée pendant le ramadan peine à être vendue…Les clients achètent en petite quantité…100g…200g… mais pas plus. Ne parlons même pas de l’agneau qui est presque devenu inaccessible…», nous explique un boucher du marché.

Une cliente venue voir les prix est finalement repartie les mains vides en ayant cette phrase devenue désormais si répandue sur les marchés « mouch lezem » (c’est pas la peine).

Le prix de la volaille à la baisse

La (petite) foule, nous la retrouvons devant les étals de volaille. Poulet, dinde, caille et même lapin. Il y l’embarras du choix. Du côté des prix, la surprise a été de constater que les prix ont légèrement baissé. Le kilo d’escalope de poulet est passé de 14DT à 13DT, le poulet entier de 9DT à 7,5DT. L’escalope de dinde reste toujours moins cher, à 11DT.

« Les prix ont baissé depuis le début du ramadan. Tous les marchands se sont alignés sur les mêmes prix. Pour le moment, les ventes se passent bien parce que ce sont les premiers jours et que les salaires ont été versés en même temps que le début du jeûne », explique un marchand de volailles.

Un autre nous indique que les personnes qui ont un tout petit budget, n’hésitent pas à acheter les carcasses de poulet pour aromatiser les soupes. En interrogeant un client qui scrutait l’étal, il affirme qu’il ne peut plus se payer de viande rouge et que  désormais sa femme ne cuisine qu’avec de la volaille. « La viande d’agneau est beaucoup trop cher pour moi…J’ai une femme et trois grands enfants  à nourrir. Alors je n’achète qu’un kilo que nous essayons de répartir sur quelques occasions comme la mi-ramadan ou la nuit du destin pour faire le couscous».

« J’ai oublié le goût des crevettes »

Pendant le mois de ramadan, les Tunisiens consomment plus de poisson qu’à l’habitude. Ainsi, la halle consacrée à la pêche sont pris d’assaut par les clients. La dorade (d’élevage), appréciée lors de la rupture du jeune est au prix de 14DT. Le rouget de roche est vendu entre 39DT et 40DT selon le calibre. Il est idéal pour la soupe ou même en friture.

« Avant je pouvais me payer du calamar ou des crevettes…ça fait longtemps que j’en ai oublié le goût », déplore un client que nous interrogeons. A noter que le kilo de crevettes (digne de ce nom est de 98DT), celui de la chevrette (petite crevette) à 47DT, le calamar frôle les 48DT et environ 26DT pour la seiche.

Pourtant du côté des commerçants de poisson, ce début de ramadan s’annonce sous les meilleurs auspices. « J’ai bien vendu, comme chaque année d’ailleurs. Il faut dire que la pêche est bonne et la météo, plutôt clémente, nous permet d’approvisionner en quantité.

Il y a des allées qui ne désemplissent pas comme celles du fromage et des variantes et olives. En effet, les Tunisiens ne se privent pas quand il s’agit de fromage. Tajines, bricks, tartes, pâtes… il est présent dans presque tous les plats.

« Je peux me priver de plein de choses mais surement pas de fromage… j’achète en quantité et je mets au congélateur. Mes enfants aiment quand je leur prépare des pizzas ou des lasagnes pendant le ramadan », indique-t-elle.

Il faudra compter 2,2DT les 100 grammes de mélange 4 fromages, 1,8DT pour la mozzarella, et près de 4DT les 100g de gruyère.

Reportage réalisé par Emna Bhira et Wissal Ayadi