Tunisie : Face à l’inaction du gouvernement, la société civile montre le chemin de la transition énergétique

21-12-2021

La société civile tunisienne est déterminée à convaincre les autorités sur l’urgence de la mise en place de politiques environnementales. Ainsi, experts, spécialistes, associations et activistes ont décidé de créer une dynamique collective autour de la problématique de l’environnement en Tunisie.

Une initiative qui arrive à un moment où le pays subit de nombreuses difficultés à gérer cette question. Pour preuve, l’affaire des déchets italiens ou encore celle de la déchetterie de Aguereb  à Sfax, tout récemment.

Face à l’inaction des pouvoirs publics, la société civile souhaite ainsi porter des idées franches mais surtout urgentes et les proposer au gouvernement afin de mettre la Tunisie dans le chemin d’une réelle transition écologique.

Lors d’une conférence organisée, ce mardi 21 décembre à la Cité des Sciences, ce collectif a dévoilé ces propositions.

Une crise structurelle

Nidhal Attia est spécialiste des questions environnementales. Selon lui, il faut une véritable révolution environnementale en Tunisie. « La crise environnementale en Tunisie est structurelle et non pas conjoncturelle. C’est l’Etat qui est responsable de cette situation. Cela fait 30 ans que la question de l’écologie a été institutionnalisée en Tunisie…mais au final rien n’a été mis en place en faveur du développement durable », nous dit-il.

Par ailleurs, les conférenciers indiquent que cet échec émane d’un manque d’efficacité des politiques environnementales. En effet si la Tunisie s’est engagée dans tous les accords internationaux liés à l’écologie, au développement durable et à la préservation de l’environnement, du point de vue législatif, il manque encore un cadre juridique clair. « Les lois liées à l’environnement ne sont pas du tout en cohérence avec les accords internationaux », affirme Mme Afef Hammami Marrakchi, professeur de droit environnemental à l’université de Sfax.

Ainsi, parmi les recommandations faites par ce comité d’experts, la transversalité interministérielle des politiques environnementales. « La question de l’écologie implique tous les ministères : la santé, l’éducation, la sécurité, l’agriculture, etc », confirme Nidhal Attia. « Depuis que le nouveau gouvernement a été mis en place, aucun conseil ministériel n’a été organisé sur l’environnement alors que la Tunisie vit une crise environnementale grave », ajoute-t-il.

Faire pression sur les autorités

A travers cette note, la société civile souhaite faire pression sur les autorités afin que soient mises en place de vraies politiques environnementales qui aideront au développement de la Tunisie. « La pollution est un facteur de violence, comme cela été le cas dans l’affaire de la déchetterie de Aguareb à Sfax. C’est aussi un facteur d’injustice, de pauvreté et un frein au développement », souligne Mr Attia.

Ainsi, ils recommandent une approche systémique qui trace la voie d’une véritable transformation structurelle en faveur d’une plus grande cohérence des politiques environnementales inclusives, respectueuses des droits humains, ne laissant personne de côté et conformes aux engagements internationaux et des différentes conventions et accords ratifiés par la Tunisie.

Parmi les intervenants, il y a également M. Boubaker Houman, figure du militantisme écologique en Tunisie. Il déplore l’incohérence du discours de Kaïs Saïed sur l’environnement. « Souvenez-vous de l’affaire de Aguareb. La première chose qu’a fait le président cela été de convier le ministre de l’Intérieur. Or il aurait fallu qu’il convie la ministre de l’Environnement mais également la société civile de Agareb…Chose qu’il a faite en dernier. Cela prouve l’incohérence des actions menées par le chef de l’Etat et son ignorance par rapport à la question environnementale. »

Quatre secteurs prioritaires

Afin de donner une vision claire de sa stratégie, le collectif d’experts a décidé de s’attarder sur quatre secteurs.

Le premier concerne la gestion des ressources hydriques. D’après eux, il faut une réforme urgente du Code des Eaux et également des réformes concernant la loi sur les terres agricoles qui date de 1983.

Autre secteur où l’urgence de mettre en place des mesures s’impose, c’est celui de la pollution. Les experts recommandent ainsi de penser à des mécanismes de revalorisation des déchets et de limiter le rejet des déchets industriels qui font des ravages dans certaines régions comme dans le Golfe de Gabès.

Le troisième secteur concerne celui de la biodiversité. Le comité préconise a cet égard de prendre des mesures strictes contre le braconnage et le trafic des espèces protégées notamment  à travers la révision des sanctions dérisoires régies par le Code Forestier de qui n’a pas été révisé depuis plus de 30 ans.

Enfin, le dernier secteur est celui de la transition énergétique. Ils proposent au gouvernement de revoir le cadre de la planification et de la programmation du Plan Solaire Tunisien, de faciliter la communication avec les porteurs de projets, de faciliter l’accès au foncier pour les projets d’énergies renouvelables, d’encourager les projets PPP et enfin l’élaboration d’un code des énergies renouvelables.

La Tunisie est encore loin d’avoir franchi le pas de la transition écologique. Le manque de volonté politique et de stratégie sont les principaux freins à cette démarche.

La question financière doit également être posée. Le pays a-t-il véritablement les moyens de mettre en place des politiques environnementales fortes ? D’après les experts, l’inaction coûtera toujours plus cher que l’action.

Wissal Ayadi