Projet de loi sur la profession de notaire : l’Ordre des avocats tire la sonnette d’alarme

Le Conseil de l’Ordre national des avocats de Tunisie (ONAT) a adressé, ce vendredi 9 mai 2025, une lettre à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) exprimant son rejet catégorique du projet de loi organique relatif à l’organisation de la profession de notaire. Transmis récemment à la Commission de la législation générale, ce texte suscite de vives inquiétudes au sein de la profession d’avocat, qui le considère comme contraire aux principes républicains et dangereux pour l’équilibre institutionnel et social du pays.
Dans sa correspondance, le Conseil de l’Ordre dénonce un projet qui, selon lui, porte atteinte aux fondements juridiques de l’État de droit et menace la paix sociale. Il alerte notamment sur les risques que cette réforme ferait peser sur la sécurité nationale, en raison de ses répercussions sociales et économiques. Le texte, déjà rejeté par les commissions du ministère de la Justice, est perçu comme une réponse à des revendications sectorielles jugées excessives et incompatibles avec l’intérêt général.
Le Conseil critique ce qu’il qualifie de dérive corporatiste, accusant les auteurs du projet de défendre des intérêts particuliers au détriment des libertés publiques et des droits constitutionnels. Selon l’ONAT, le projet empiète sur les compétences d’autres professions libérales, notamment celles des avocats, allant jusqu’à envisager leur marginalisation, voire leur éviction.
La profession d’avocat n’est pas la seule concernée. Le texte est également accusé de transformer certaines professions en auxiliaires de la police, notamment par l’obligation de transmission d’informations liées aux contrats de location ou à l’identification des locataires. Une dérive qui, selon l’Ordre, menace gravement la vie privée des citoyens et remet en cause l’indépendance des professions encadrées par le droit public.
Autre grief majeur : la remise en cause du rôle du juge en matière familiale. Le projet prévoit des mécanismes de divorce qui, selon le Conseil, affaibliraient la protection de la femme, de l’enfant et de la famille dans son ensemble, en supprimant l’intervention du juge dans l’évaluation des situations familiales et la garantie des droits de la défense.
Le Conseil alerte également sur des dispositions contraires aux principes du contradictoire et de l’accès à la justice. Il dénonce l’autorisation d’exécutions forcées sans décision judiciaire préalable, considérant cette mesure comme une porte ouverte à l’arbitraire et à la justice privée. En attribuant à des actes sous seing privé une force exécutoire, le texte sape, selon lui, les fondements même de l’État de droit.
Sur le plan économique, l’Ordre des avocats souligne que la rédaction contractuelle — qu’elle soit nationale, internationale ou électronique — exige un haut niveau de compétence et une formation continue, compétences que la profession d’avocat a développées. Le projet, en tentant de transférer ces attributions, mettrait en péril la sécurité juridique des transactions.
Enfin, l’ONAT s’insurge contre ce qu’il considère comme une tentative de marginalisation de la profession d’avocat. Plus de 9 160 avocats exercent actuellement en Tunisie, dont une majorité de jeunes en attente de perspectives professionnelles concrètes. Le projet est perçu comme une entrave à leur avenir, renforçant l’isolement d’une profession déjà fragilisée.
Face à ce qu’il considère comme une menace directe aux droits et libertés, le Conseil de l’Ordre affirme qu’il est prêt à engager toutes les formes de mobilisation légitime pour défendre la profession. Il promet des actions militantes et protestataires à la hauteur de l’enjeu, fidèle à l’engagement historique de l’avocat dans les combats pour la justice, les libertés et l’indépendance nationale.
Gnetnews