Tunisie : Flambée des prix ambiante, les promotions n’y font rien (Reportage)

13-04-2022

Alors que les diners de famille se multiplient et les  gourmandises s’invitent sur les tables durant le mois sacré de Ramadan, les industries alimentaires en profitent pour augmenter leurs chiffres d’affaire, en cassant les prix  de certains produits très sollicités par les Tunisiens en cette période.

Mais cette année le contexte est bien différent. Outre les séquelles économiques laissées par la crise sanitaire et les retombés du conflit russo-ukrainien sur l’approvisionnement en denrées alimentaires qui a empiré la situation, l’inflation a confirmé sa tendance haussière atteignant 7.2% au mois de mars (INS), causant ainsi l’incapacité financière des ménages à maintenir leur rythme de consommation ramadanesque.

Pourtant,  les hypermarchés et les enseignes de l’agroalimentaire ont mis tous les moyens en œuvre pour convaincre les clients. Promotions ciblées dès l’entrée aux commerces, ambiance festive aux magasins, SMS rappelant les offres, panneaux publicitaires sur les routes…Mais rien ne semble convaincre ces Tunisiens, habitués plutôt à l’abondance durant le mois saint.

Les citoyens frappés par la crise et dont le pouvoir d’achat s’est détérioré, sont désormais préoccupés par la gestion de leurs budgets restreints, censés couvrir toutes les dépenses exceptionnelles de ce mois, de nourriture, vêtements de Aid El Fitr pour les enfants, sans oublier le cout des factures, et les dépenses pour les pâtisseries du jour de fête, marquant la fin du Ramadan…

Pour voir si les promotions ont rendu cette pression plus légère sur les consommateurs, Gnetnews s’est rendu dans un hypermarché situé à la Marsa. L’agencement du magasin a été réadapté au thème du mois. Les bonnes affaires consacrées aux vêtements de l’Aid sont anticipées, ils sont exposés à l’entrée d’un côté, et les promotions sur les essentiels des plats tunisiens sont exposées de l’autre côté.

Le thon, les plateaux d’œufs, tomates concentrées, café turcs et moulus, crèmes de dessert, pâtes de fruits secs, boissons gazeuses, électroménager, vaisselles, marmites, poêles, boites de conservation, rangements, et tout ce qui pourrait intéresser les mères de familles ont été également mis en exergue avec des prix en rabais…

Malgré ces efforts, la consommation est au ralenti. Les clients se baladent dans les rayons, dans une atmosphère tendue suite aux pénuries enregistrées quelques semaines avant. Ils observent attentivement les étiquettes, comparent les prix, et cèdent parfois à la tentation tout en évitant les achats inutiles.

Nous avons rencontré une dame qui vient souvent faire ses courses au même endroit. En l’interrogeant sur sa satisfaction par rapport aux promotions, elle a déploré la cherté de la vie, et l’impossibilité de se permettre certains produits. « La plupart de mes achats dépendent des rabais, sauf les viandes et poissons », nous répond-t-elle.

« Je viens d’ailleurs d’acheter mon stock de thon dont le prix a baissé de 18.990 DT à 14.590 DT, ce qui me fait gagner 4DT l’unité par rapport au tarif initial, mais sans plus, rajoute-t-elle, soulignant que malgré ses efforts de se serrer la ceinture, l’envolée des prix est ressentie en passant à la caisse…

C’est ce que d’ailleurs a signalé une autre cliente, qui nous a parlé de sa stupéfaction de son ticket de caisse qui affiche 28 DT pour quelques achats en promotion, de papier hygiénique, café turc de 100g, yaourts à boire, dentifrices de marque locale, et un bidon de l’huile végétale.

« Pour aujourd’hui, il me reste 20 DT consacrés aux courses, qui vont également disparaitre dans mon prochain itinéraire, chez le fromager, le vendeur de volailles et la boulangerie. Tous les produits sont chers, et les salaires sont malheureusement en décalage avec la réalité, et cette tendance inflationniste », commente-t-elle. 

Pour voir si c’est le cas aussi dans d’autres quartiers plutôt huppés, nous nous sommes rendus dans une épicerie d’Ennasr, très sollicitée par les habitants de cette région de la capitale, habitée par la haute classe moyenne.

 A 13h, les rayons du magasin regorgeaient déjà de clients, particulièrement devant les vitrines affichant des offres, sur les fromages, fruits secs, poudre de sorgho, bessissa… et près des présentoirs d’ingrédients de pâtisseries.

En échangeant avec une jeune femme qui remplissait son panier, elle nous a révélé que ses achats dépassent largement son budget consacré pour la nourriture. En achetant 300g de mozzarella en promotion à 6Dt,  et un gâteau fait maison, cela lui a couté environ 35DT.

« J’ai pris 3 paquets de biscuits à moitié prix, mais vu que c’est de l’importation, ces produits demeurent chers, soit 6 DT l’unité. Avec six yaourts de fromage à 0.900DT (l’unité), les œufs et le coulis de fruits, le total a dépassé les 30DT », nous dit-elle. Mon plan pour économiser est désormais raté. Les promotions n’ont visiblement aucun impact, au contraire, les offres nous encouragent à consommer plus contre une somme plus élevée. Il vaut mieux ne pas se laisser tenter, et se limiter à ses besoins lance-t-elle en dénonçant la flambée des prix…

Cette situation qui pèse lourd sur le pouvoir d’achat des Tunisiens, s’aggrave de plus en plus pour toutes les tranches sociales notamment les plus fragiles. Des mesures ont pourtant été prises par le ministère du commerce à l’occasion du Ramadan, pour contenir l’augmentation des prix, telle que la définition de prix de référence des produits de large consommation, de fruits et légumes, et produits subventionnés…

Emna Bhira