Tunisie : Réforme en vue du congé de maternité et de paternité, pour en finir avec les disparités !
Une commission de l’Assemblée des représentants du peuple a planché, récemment, sur l’examen de la proposition de loi organisant le congé de maternité, de paternité et la néo-natalité, dans les secteurs public et privé. En cours de réflexion depuis 2017, cette initiative reflète une prise de conscience croissante de l’importance de l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle pour les parents.
Mokhtar Kouki, expert et auteur d’une étude sur la question nous livre son analyse.
Congé de maternité : Une différence de taille entre le public et le privé
Le congé de maternité vise à garantir la santé physique et mentale de la mère et de l’enfant pendant la période postnatale. Des avantages spécifiques, tels que la protection de l’emploi et la couverture des soins médicaux, sont également accordés aux femmes pendant cette période cruciale.
Pourtant, la disparité entre les conditions des femmes travaillant dans le secteur public et celles œuvrant dans le secteur privé en Tunisie est palpable, notamment en ce qui concerne la durée et les indemnités du congé maternité.
A cet égard, Mokhtar Kouki indique que les employées du secteur public bénéficient de deux mois de congé maternité, avec une possibilité de prolongation, tandis que dans le secteur privé, cette période est réduite à un mois, avec une extension de 15 jours possible sous réserve de l’approbation de la CNAM et de l’employeur.
En ce qui concerne les compensations financières, les femmes du secteur public continuent de percevoir l’intégralité de leur salaire pendant le congé maternité, alors que celles du secteur privé ne reçoivent que les deux tiers de leur salaire, à condition que cela ne dépasse pas deux fois le SMIC. « Par exemple, une ingénieure touchant 4000DT ne pourrait percevoir qu’un peu plus de 800DT. En outre, il existe une distinction sémantique, car dans le secteur public, on parle de salaire, tandis que dans le secteur privé, le terme utilisé est celui d’indemnisation », souligne Kouki.
Ainsi, la réforme de la loi relative au congé maternité apparaît comme une correction nécessaire pour parvenir à une uniformisation des régimes et mettre fin à ce qui peut être perçu comme une injustice. « Cette refonte est en discussion depuis 2017, et la ministre actuelle semble marquer une réelle volonté de changement », affirme-t-il.
L’objectif sous-jacent est d’instaurer une harmonisation des régimes, visant à garantir un congé maternité d’au moins 14 semaines, soit 3 mois et demi, pour toutes les mères, tout en introduisant la possibilité d’un congé parental et de paternité. Cette démarche témoigne d’une avancée significative vers l’équité dans les droits des travailleurs et une meilleure prise en compte des besoins des familles.
Congé de paternité et de parentalité
Si jadis le rôle du papa au moment de la naissance d’un enfant était plus matériel qu’émotionnel, aujourd’hui cette tendance s’est inversée. « Les papas ne bénéficient que d’un seul jour de congé qui ne sert en réalité qu’à procéder aux procédures administrative pour l’enregistrement et la reconnaissance de l’enfant après de l’administration », déplore l’expert.
C’est dans cette logique que l’examen de la réforme comprend également la possibilité de la mise en place d’un congé de paternité de deux semaines. Le congé de paternité joue un rôle crucial dans la transformation du paysage familial en reconnaissant activement le rôle essentiel des pères dans la vie de famille. « Cette période dédiée offre aux nouveaux pères l’opportunité de participer activement aux premières étapes de la parentalité, favorisant ainsi un partage équilibré des responsabilités parentales. En permettant aux pères de s’engager pleinement dans les soins et le soutien de la mère et du nouveau-né, le congé de paternité contribue à renforcer les liens familiaux, favorisant un environnement propice au développement sain de l’enfant », rappelle Mokhtar Kouki.
Pour favoriser un partage équilibré des responsabilités parentales, la Tunisie pourrait également se doter d’un congé parental. Ce congé permet aux parents de partager le temps dédié à l’éducation de leur enfant, offrant ainsi une flexibilité cruciale pour répondre aux besoins de la famille.
De plus, il est regrettable de constater que la Tunisie se trouve en bas du classement mondial par rapport à d’autres pays. Par exemple, comparé au Maroc où les femmes bénéficient de trois mois et demi de congé maternité, à la France (quatre mois) ou au Royaume-Uni (52 semaines), la Tunisie affiche des standards inférieurs.
Selon Mokhtar Kouki, la mise en place de cette réforme sera déjà un grand pas, même s’il reste encore beaucoup à faire. Ce dernier précise à cet égard qu’une éventuelle prolongation de la durée du congé de maternité ne s’accompagnera pas d’une modification du taux d’indemnisation.
Il ne faut pas regarder le coût de cette réforme
L’expert insiste : « la révision du congé ne doit pas être perçue uniquement à travers son coût, car la maternité est fondamentalement un droit ».
« Si l’on doit raisonner en terme de coût alors mettons toutes les mamans au régime des deux tiers comme dans le privé. Et il ne faut pas oublier que les mamans du public sont payées par les contribuables et donc par les femmes qui travaillent dans le privé », relève-t-il.
Selon lui, la réforme des congés de maternité, évaluée à 80 millions de dinars, représente 0,25% de la masse salariale combinée du secteur public et privé. Enfin, il est souligné que cette décision relève d’un choix politique.
En conclusion, le paysage du congé maternité, paternité et parental en Tunisie évolue pour mieux répondre aux besoins des familles contemporaines. Ces politiques reflètent une reconnaissance croissante de l’importance de l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, créant ainsi un environnement plus favorable pour les parents et leurs enfants.
Wissal Ayadi