Parfums & cosmétiques : Des produits 100% tunisiens émergent, mais peinent à faire le poids face aux grandes marques internationales

14-03-2023

Le secteur des cosmétiques en Tunisie est en constante évolution et représente un marché non négligeable dans l’économie tunisienne. Il est composé de nombreux acteurs, allant des grandes marques internationales aux petites entreprises locales.

Le marché tunisien des cosmétiques est dominé par les marques internationales, telles que L’Oreal, Nivea, Garnier, Maybelline ou encore Chanel, qui ont une forte présence sur le marché et sont facilement accessibles dans les grandes villes tunisiennes. Mais depuis quelques années, leur prix ont explosé en raison notamment de leur forte taxation.

Ainsi, de nombreuses entreprises locales ont également réussi à se tailler une place sur le marché tunisien en proposant des produits de qualité à des prix compétitifs mais qui font difficilement le poids face aux grandes marques.

Pour en savoir plus sur ce secteur, nous sommes adressés à Karim Amous, expert comptable,  fondateur du cabinet de conseils financiers « Smarteco » et auteur d’une étude sur le marché des cosmétique en Tunisie.

Karim Amous

Un taux de couverture de 60%

L’industrie des cosmétiques comprend la parfumerie (parfums, eaux de toilette,…),  les produits de toilette (savons, gels douche, déodorants, dentifrices…), les produits capillaires (shampooings, laques, gels, mousses coiffantes, coloration…) et les cosmétiques (maquillage, crèmes de soins, produits pour bébé, crèmes solaires…).

« Le secteur des cosmétique est équilibré et non pas déficitaire », affirme Karim Amous. « Dans la balance commerciale, les exportations de la Tunisie couvrent 60% des importations. Il a la possibilité de se développer de façon bien plus importante si la Tunisie se positionne sur des niches bien déterminées qui apportent une plus forte valeur ajoutée », poursuit-il.

Selon l’INS, le secteur des cosmétiques génère 10.000 emplois directs et 10.000 emplois indirects.  Il représente 1,6% du PIB tunisien avec un chiffre d’affaires de 1,77 milliard de dinars.

Un parfum est taxé à 93% lors de son entrée en Tunisie

Les grandes marques de parfumeries sous-traitent la fabrication de leur parfum à l’étranger, notamment en Chine. Pour donner un exemple, une grande marque de parfumerie achètera le parfum 1 euro sans marque. En apposant l’étiquette de la marque, ce produit passera à plus d’une centaine d’euros. Donc au final, le consommateur paiera davantage la marque que le produit. « A  travers cette marque, il y a la valeur marchande de la marque et la publicité qui est faite autour », nous dit l’expert-comptable.

Karim Amous indique que la Tunisie est à la fois importatrice de parfums mais aussi fabriquant. « Quand on importe un parfum, il y a des droits de douanes qui s’appliquent. Il y a deux possibilités pour l’importer : soit à travers une marque ou sans marque. Mais les deux produits vont être impactés par les mêmes taxes douanières.

Il explique dans ce sens, que le principal défi pour les importateurs de parfums de luxe est la forte taxation au niveau de la douane.

Quand la Tunisie importe un parfum, les taxes sont réparties comme suit:

30% de droits de douane

25% de droits de consommation

1% FODEC

19% TVA

3% frais de douanes

15% avance sur impôts

Ainsi, une bouteille de parfum est taxée à 93% avant d’être mise sur le marché, sans compter la marge du  grossiste et du détaillant. C’est  la raison pour laquelle quand une bouteille de parfum coute 100 euros en France (330DT), elle est revendue 600DT en Tunisie.

Les cosmétiques : Un produit rationalisé

En octobre dernier, les autorités tunisiennes ont mis en place des mesures tendant à rationaliser les importations dont l’institution d’un instrument de défense commerciale et le contrôle technique préalable à l’importation. Ainsi, a été publiée une liste de produits dont figurent parmi elle, les produits contenant de l’alcool, dont les parfums, considérés comme un produit de luxe, limitant ainsi les quantités et la valeur.

Par conséquent plusieurs importateurs ont décidé de favoriser les produits cosmétiques sans alcool, notamment pour les déodorants sans alcool qui sont de plus en plus présents dans la rayons.

Il  y a quelques temps, le ministère de l’Industrie a mis en place une stratégie de valorisation et de développement du secteur cosmétique en allouant une enveloppe de 12 millions de dinars. Une bonne nouvelle quand on sait que ce secteur peut générer encore plus de revenus aux vues du potentiel tunisien dans le domaine. Mais pour Karim Amous, « d’un côté on donne et de l’autre on prend ». « Cette stratégie a été la bienvenue, mais elle a été presque annulée avec la mise en place de la barrière à l’entrée des produits contenant de l’alcool. A quoi sert de soutenir un secteur, si c’est pour lui mettre des bâtons dans les roues par la suite? », se demande-t-il.

La solution la plus rentable pour les industriels du secteur reste donc la marché international au détriment du marché tunisien.

« Nous conseillons nos clients à se diversifier à l’international. Nous les orientons vers des clients qui peuvent utiliser les entreprises tunisiennes afin de sous-traiter la fabrication de leur produit. Il sera  donc possible pour l’industriel d’importer la quantité de matière première qu’il souhaite car elle fera l’objet d’une admission temporaire au titre d’une commercialisation du produit uniquement à l’étranger. L’inconvénient c’est que le marché Tunisien ne peut pas en profiter sous le coup de la fameuse Loi 72 », souligne Karim Amous.

De plus en plus, des marques 100% tunisiennes de cosmétiques commencent à émerger. Mais malheureusement elles font difficilement le poids face aux grandes marques internationales. Pour se frayer un chemin, ces marques se sont spécialisées dans les produits naturels ou biologiques et essayent de les commercialiser à l’étranger en tant que produit du terroir et biologique. « Il y a quelques success stories, mais cela reste très marginal », relève le fondateur de SmartEco.

Certaines chaînes de magasins de cosmétiques ont également décidé d’intégrer le circuit en commercialisant leurs propres marques.

Le commerce parallèle du parfum

Le comportement des consommateurs de produits cosmétiques a été influencé par la diminution de leur pouvoir d’achat ces dernières années. En raison de la hausse des prix des produits de marque, ils cherchent des alternatives abordables qui peuvent répondre à leurs besoins. Les importateurs exclusifs de marques de cosmétiques haut de gamme sont confrontés à la contrebande, qui est parfois associée à la contrefaçon et qui leur cause des préjudices.

De nombreux commerçants se sont mis dans la fabrication de parfums artisanales en vendant leur produit comme étant le même qu’un parfum de grande marque. Aujourd’hui les « formules » de parfum sont facilement disponibles sur internet. Il suffit de se procurer les huiles essentielles qui composent le parfum qui sont disponible chez certains fournisseurs et de les mélanger avec de l’alcool pour être ensuite vendu à 40DT le flacon, sans bien sur que l’étiquette de la marque ne soit apposée dessus.

A noter que le marché informel de ce secteur est estimé entre 600 et 800 millions de dinars.

Wissal Ayadi